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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Les deux fées

Il y avait effervescence, ce jour-là, dans le grand chêne. La naissance d’une fée était toujours un grand événement et toutes les fées des deux comtés revenaient au grand chêne.

 

Ce jour-là C. était arrivée, entourée de plusieurs de ses croquemitaines. Il faut dire que, ce soir-là, ce n’était pas une, mais deux fées qui allaient naître. La terrible fée aurait aimé que l’une des futures fées soit là pour l’assister dans sa sinistre tâche.

 

Lors de la première naissance, un chien aboya. Alors, la grande fée se pencha sur le berceau et l’appela Lebo, ce serait la fée protectrice des chiens. Tout le monde regarda le deuxième bourgeon. Il finit par éclore, juste avant le dernier rayon du soleil. La fée C. repartit déçue, la naissance de fées nocturnes était rare et, en plus, comme les enfants et les enfermeurs de mots ne les aimaient guère, elles avaient la fâcheuse tendance à disparaître rapidement. La petite fille fut mise dans son berceau. On attendit un événement, mais rien ne se passa. Les fées partirent se coucher sans avoir pu donner de nom au nouveau membre du grand chêne.

 

Au matin, elles retrouvèrent la jeune fée avec, sur son berceau, un chaton endormie. La jeune fille deviendrait Line, la fée des chats.

Quelques années passèrent, et les deux fillettes firent mentir l’adage “s’entendre comme chien et chat”. Jamais deux fées n’avaient été plus complices, dans leurs jeux comme dans leurs études. Elles finissaient souvent la nuit dans le lit l’une de l’autre.

 

Vint le jour où elles eurent le droit de sortir du grand chêne. Leurs réponses furent, pour la première fois, opposées. Line voulait parcourir le monde, alors que Lebo, à peine dépassé la première clairière, voulut rentrer dans le confort du grand chêne. Line laissa son amie et s’en alla jusqu’à la capitale. Elle visita le château, mais le prince n’était pas là et elle fut déçue.

 

Le soir, elle rentra au chêne. Elle se dit qu’une fois qu’elle pourrait avoir des ailes ses voyages seraient moins longs.

Elle trouva Lebo dans sa chambre. La fillette reprisait sa robe.

— Tu m’as laissé toute seule ?

— Désolée, mais nous n’étions pas loin du chêne ! Et si tu m’avais dit avoir peur, je t’aurais raccompagnée.

— Mais tu serais parti après ?

— Oui. Je voulais voir le monde et les gens, les chats aussi. J’ai vu des chiens aussi, ça t’aurait plu.

— Peut-être, une autre fois, pas maintenant ... Toi aussi, ta robe a dû souffrir des ronces. Je vais te recoudre les trous.

Lebo aimait vraiment la couture.

 

Le temps passa. Souvent, quand Line partait en exploration, lorsqu’elle revenait, elle trouvait Lebo endormie dans son fauteuil, un ouvrage à la main. Alors, la jeune fée rangeait le tout dans la boite à couture et mettait une couverture sur son amie.

 

Le temps passa à nouveau. Les jeunes filles furent encore séparées. Line avait choisi la téléportation. Cela lui permettrait d’explorer d’autres contrées, mais de revenir avant la nuit au grand chêne. Toutes les fées avaient la capacité de revenir en un éclair au grand chêne.

 

Lebo avait choisi les cours de couture magique. Heureusement, les jeunes filles se retrouvaient durant les cours de métamorphose. Leur professeur n’aimait pas Line : après plusieurs années, son chat était encore rose avec des ailes de papillon.

— Il existe bien un chat rose et bleu, madame.

— Oui, c’est Chester, l’émule de C. c’est un croquemitaine zoomorphe.

— Si j’avais mes ailes, mon chat n’en aurait peut-être plus.

— Mais les ailes ne sont attribuées qu’aux fées studieuses réussissant un exploit. Je crois que vous allez être dans ma classe pendant longtemps.

Line espérait que non, surtout qu’elle était la dernière des fées. Depuis sa naissance, plus aucune fée n’était née.

 

Un matin, Lebo arriva en trombe dans la chambre de Line, alors que la jeune fille dormait encore.

— Je l’ai eu, je l’ai eu !

Line émergea d’une nuit visiblement trop courte.

— Mon diplôme de couture magique ! Je suis à présent la couturière officielle du grand chêne !

— Si nous allions prendre un thé et un macaron au Palais, pour fêter ça ?

— Tu ne préfères pas le salon du chêne ?

— Tu ne vas donc jamais quitter ce chêne ? Et s’il y a un chien en détresse, tu feras comment ?

— J’enverrais une des fées secouristes. Je peux tout gérer d’ici.

— Allez … tu n’as jamais vu le château. Rien qu’une fois, pour me faire plaisir !

— C’est dingue ! C’est ma journée et je dois te faire plaisir…

— Comment veux-tu que je t’offre un macaron géant et du thé dans un palais, si nous n’y allons pas ?

— Bon, d’accord.

— Et c’est parti ...

Line pris la main de Lebo et commença son enchantement.

 

Quand elles rouvrirent les yeux, elles se trouvaient sur une montagne. En contrebas se trouvait un cimetière.

— Où sommes-nous ? Demanda Lebo paniquée.

— Nous sommes dans le comté des cauchemars, au-dessus de l’usine des spectres. J’ai dû faire une erreur ! Je vais recommencer.

Line reprit la main de son amie et lança un nouvel enchantement.

 

Quand elles rouvrirent les yeux, elles se trouvaient toujours au même endroit.

— Utilisons notre fonction de secours, nous serons de retour au chêne en un clin d’œil.

Une fois encore, les deux fées ne bougèrent point.

— Je t’avais dit de ne pas sortir du grand chêne !

— Je ne comprends pas pourquoi cela ne marche pas. Tu as suivi les cours comme moi. Le retour au chêne est un sortilège impossible à échouer. Il nous reste une seule solution : descendre de la montagne et aller au château de C. Une fois là-bas, nous demanderons à la terrible fée de nous renvoyez au grand chêne.

— Que je ne quitterai plus jamais ! Mon atelier de couture me suffit.

— Comme j’aurais voulu avoir mes ailes. Nous nous serions envolées en un clin d’œil.

— Dépêchons-nous, j’ai hâte de retrouver mon atelier.

Elles tombèrent rapidement sur de la brume noire, en arc de cercle.

— Je pense que c’est cette brume qui doit annuler nos pouvoirs, déclara Lebo.

— Il suffit de passer par-dessus, et ensuite je retenterai un enchantement.

— Non ! Nous irons au château, voir C. Si la brume t’a attirée ici, cela pourrait recommencer.

— Bon, alors on file chez C.

Elles sautèrent par-dessus la brume. Line fut touchée par la brume, qui la brûla comme si il s’était agi d’une flamme.

— Line, transformes toi !

— Pardon ?

— Vite ! Hurla la fée des chiens, déjà en pleine métamorphose.

 

Line se transforma en chat. Lebo la prit dans sa gueule, en faisant attention de ne pas la blesser, et courut aussi vite qu’elle put en direction du sinistre château. Line se retourna pour voir une dizaine de créatures, faites de la même fumée que le cercle maléfique. Lebo courut comme jamais de sa vie car celle de sa meilleure amie en dépendait. Elle enrageait après Line de l’avoir fait sortir de son atelier, mais cela partait d’un bon sentiment.

 

Le château n’était plus qu’à quelques centaines de mètres. Lebo n’osait pas se retourner afin de voir si les créatures étaient encore là. L’arrivée du chien avec un chat rose dans sa gueule fit grand bruit et C. se déplaça pour trouver une jeune fée complètement épuisée, qui tenait dans sa main un petit chat rose. C. lança un sortilège de soin.

Lebo, encore épuisée, murmura :

— Le chaton, c’est Line ! Il faut aussi la sauver !

 

Line se réveilla dans une cellule. Elle était allongée, dans une pièce sommaire avec juste un lit, un tabouret avec un pichet d’eau, et une porte garni de clous, d’un passe plat au sol et d’une grille à hauteur de regard. La fée se leva. Elle remarqua que sa robe, posée sur le tabouret, avait été recousue. Ainsi Lebo était encore en vie !

 

Elle se dirigea vers la porte, se demandant pourquoi on l’avait enfermée dans cette pièce lugubre, mais la porte n’était pas fermée. Un vampire difforme, armé d’un bâton, avec un fouet à la ceinture, se trouvait dans le couloir.

— Bonjour, mademoiselle. Ma maîtresse vous attend, je vais vous conduire. Mes excuses pour le confort, mais nous n’avons pas souvent des invités, ici.

Elle suivit la créature dans des couloirs, entendant les pleurs des enfants qui attendaient ou subissaient leur punition.

 

Elle fut introduite dans la salle du trône et trouva Lebo sur un siège, avec Léloi la matriarche, et C. la terrible fée.

— Bonjour, mademoiselle, commença Léloi. Nous commencions à nous inquiéter. Cela fait trois jours que vous dormez. J’allais demander à la grande fée de venir ici.

— Pourquoi ces créatures nous ont attaquées ?

— Votre amie va bien, elle vous remercie ! Et moi, je n’ai que faire de vos salutations, pas plus que notre hôtesse, à qui vous devez la vie ! répliqua, offusquée, Dame Léloi.

— Mes excuses, madame ! Votre majesté, merci pour tout.

— Remerciez votre amie qui, sous sa forme animale, a fait près de 20 kilomètres pour vous porter secours, déclara C. sèchement.

— Merci, Lebo ! Excuses-moi, surtout que ceci est de ma faute.

— Ce n’est rien. Tu voulais me faire un cadeau.

— Je suis désolée.

— Vous pouvez ! Et pour répondre à votre question c’est un cercle du néant. Il en apparait, dans mon comté, de temps à autre, quand les histoires se fissurent, qu’un conte n’est plus raconté.

— J’ai une proclamation de la grande fée ! Lebo, pour votre acte de bravoure, et comme vous avez réussi à sauver votre amie, la grande fée vous accorde vos ailes.

Lebo ne put retenir un cri de joie, qui mourut de suite quand elle vit l’air renfrogné de Line.

— Vous, ma chère Line, il vous faudra attendre. Ce ne sera pas pour maintenant. Votre transformation en chaton était réussie, m’a-t’ont dit, bien qu’encore un peu rose. Mais il vous restera un exploit à accomplir. Venez, je vous conduis au palais, j’ai moi aussi bien le besoin d’une tasse de thé et d’un macaron géant.

Lebo aurait préféré retrouver son atelier mais, voyant le visage décomposé de Line, elle n’en dit rien.

 

Toutes les trois prirent congé de la terrible fée et Léloi les transporta au palais. Elles fêtèrent sobrement les ailes de Lebo et son diplôme de couture.

 

Le soir, dans son lit, Line repensa au néant. Si l’oubli commençait à apparaître, alors il reviendrait. Elle était la dernière des fées et, à présent, elle serait la dernière à avoir ses ailes.

 

Mestr Tom © Creative Commons BY SA

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