Le pacte des trois

Clément passait les vacances chez ses grands-parents, Jean-Jacques et Françoise, avec sa sœur Louise.

Un soir, il lisait et sa sœur jouait seule, dans la salle de bain, à regarder sa nouvelle robe devant le miroir. Il entendit un cri et, quand il arriva dans la salle de bain, sa sœur avait disparu. Quand il regarda dans le miroir, il prit peur. Une créature difforme emmenait sa sœur dans un autre monde. Il traversa alors le miroir pour lui courir après.

 

Il arriva, non pas sur le chemin, à la poursuite du monstre, mais dans une petite maison très bien décorée, avec des étagères ornées d’assiettes et de bocaux de confitures. Il vit une porte en face et se dit qu’il allait commencer ses recherches par là.

 

Une vieille dame, vêtue d’une robe noire et d’un tablier blanc, l'arrêta.

 

— Bonjour. Tu t’es perdu ? Attention c’est la guerre dehors, les trolls de la terrible fée passent souvent dans le coin.

Clément regarda par la fenêtre et découvrit avec horreur que l’aspect de la forêt avait changé. Il vit des créatures sombres et difformes passer au loin.

— Madame, un troll a enlevé Louise, ma petite sœur. Je dois la retrouver.

— Alors, Mama Yaga peut t’aider. Comme c’est la guerre, les trolls n’ont pas besoin de jeunes enfants. C’est donc l’un des trois chefs qui la veut. Je pencherais pour la mère sorcière. Je vais te confier mon balai. Suis-le, il te conduira au travers du marais jusqu’à sa cabane.

Le balai se mit à voler à côté de l’enfant et lui indiqua le chemin.

— Et dis-lui que je veux la voir.

— Oui, madame. Merci de votre aide.

 

Clément n’était pas rassuré car, pendant toute la route, il entendait les hurlements des trolls, des ogres et les cris des soldats. Plusieurs fois, le balai s’était arrêté pour le prévenir d’un danger.

À l’entrée des marais, le brouillard se leva. Clément mit la main sur le balai, car la bande de terre où il fallait avancer était mince.

 

Au bout d’un moment, il arriva devant une cabane formée de 4 ronds. Il trouva deux sorcières armées devant la porte.

— Voici notre repas qui arrive, déclara la première.

— Non, tu es folle. Il a le balai de Mama.

 

Clément fut introduit dans la cabane. Celle-ci était composée de 4 pièces : une centrale qui servait de cuisine et d’atelier, une autre pour les gardes, une pour les prisonniers et la volaille, et la dernière, que l’on devinait derrière le trône en bois, était la chambre de la souveraine.

Celle-ci accueillit le jeune Clément avec méfiance.

— Que veut notre ancêtre ? Elle ne sait pas que c’est la guerre ? J’ai les troupes aériennes à commander, moi.

— Elle veut vous voir. C’est très important ! Et elle voudrait savoir si un troll ne vous a pas amené une petite fille, dernièrement.

— Non. Avec cette guerre, les petites filles ne se perdent plus, par ici. Tu devrais aller voir du côté de chez Galthédoc, l’homme garou. Avec son nez, il pisterait n’importe quoi. Le balai, tu amènes le garçon au terrier et tu y fais attention. Toi, le gamin, tu dis au seigneur Loup que Mama veut le voir.

— Oui, madame.

 

Le balai amena le jeune Clément dans une forêt sombre. Il entendait et sentait les loups qui l’entouraient. Il vit enfin une grotte et deux hommes habillés d’un simple pagne. Les hommes semblaient le craindre.

— Je viens de la part de Mama Yaga, pour voir Galthédoc, votre chef.

Le plus vieux des deux hésita, puis fit signe au jeune garçon de le suivre.

Il entra dans la grotte et, dans l’une des cavernes, il vit une trentaine d’enfants recroquevillés sur le sol, apeurés.

Sur un trône de pierre, se trouvait un vieil homme fatigué.

— Que veux-tu ?

— Bonjour, Roi de la meute. Je te porte une invitation de la part de Mama Yaga, et j’aimerai savoir si un troll ne t’a pas apporté une petite fille, dernièrement.

— Point de fillette ici. Nous ne sortons pas, c’est le jour et ne prenons pas de visiteurs. C’est la pleine lune. Vois mes enfants : pendant ces trois jours, ils sont faibles comme des hommes. Demain, à l’aube, ils retrouveront leur forme de guerriers. Mais, en attendant, nous nous terrons ici. Avec la guerre, les vampires ont besoin de goules et les sorcières d’os et de sang, pour leurs potions et leurs charmes. Va voir Vanceslas, le vampire. Son manoir est le plus loin du front.

— Merci, majesté.

 

Le balai se releva une fois de plus, pour indiquer le chemin. Clément quitta la forêt pour se retrouver sur une route de briques jaunes. Il ne trouvait pas cela judicieux, car les troupes qui partaient au front passeraient sans doute par le chemin le plus rapide.

 

Soudain, il vit une série de piliers. Si plusieurs étaient vides, sur 4 d’entre eux se trouvaient une gargouille de pierre.

Les gargouilles allaient réagirent et commençaient à montrer leurs griffes, mais le balai s’avança face à elles et les 4 monstres reprirent leur sieste.

 

Il passa un pont. Le balai partit vérifier que la famille de trolls qui vivait là n’était pas présente, puis il fit signe à Clément d’avancer. Le jeune garçon découvrit alors un immense château noir, d’où montaient des cris de souffrance. Une trentaine de monstres armés gardaient l’entrée et, au milieu d’eux, se tenait un ogre gigantesque. Clément frissonna. Le balai lui indiqua un passage qui le cachait de l’armée ténébreuse.

 

Il arriva ensuite sur une lande brumeuse avec cinq petits manoirs. Le balai contourna les deux premiers et se dirigea vers le plus imposant. Le château était gardé par une demi-douzaine d’hommes qui semblaient amorphes. Clément eut l’impression que leur cerveau était éteint. Il se présenta et, une fois encore, le simple fait d’avoir le balai de Mama Yaga  le protégea des attaques.

 

Ils furent introduits dans la salle principale. Il vit un vieil homme élégant, les cheveux longs tirés en arrière et la barbe taillée, sur un trône fait d’os et de crânes peints en noir. De jeunes vampires semblaient l’écouter.

— Bonjour. Que me vaut cette visite tardive, mon jeune ami ?

— Bonjour, Maitre Vanceslas. Mama Yaga vous fait mander en sa demeure.

— La vieille dame oublie que, maintenant que la terrible fée a envoyé mes fils au front, je dois protéger les enfants. Il ne me reste que mes deux princes, le jeune Stanislas et son frère, le prince Adam.

— Je ne suis que le messager. La mère sorcière et Galthédoc sont aussi partis là-bas.

— Si ces deux-là sont avec l'ancêtre, alors je me dois d’y être. Les enfants, je pars. Ne vous inquiétez pas, ici, vous ne risquez rien.

— Une dernière question. Un troll vous a-t’ il apporté une petite fille, dernièrement ?

— Non, mon jeune ami. Mes petits agneaux n’ont pas mangé depuis 4 jours. Enfourche le balai, nous allons voir Mama. En vol, nous trouverons bien ton troll.

 

Clément enfourcha le balai, qui se laissa faire. Le jeune garçon, peu rassuré, se cramponna à deux mains et quitta le sol. C’était comme un manège au parc d’attraction, le balai allait vite.

Clément réussit, au bout d’un moment, à ouvrir les yeux. Il vit le prince, dont la cape formait des ailes de chauve-souris, voler à côté de lui.

 

Une fois arrivés à la maison de la sorcière, ils entrèrent pour trouver les deux autres seigneurs en train de prendre le thé. Clément se mit à rire en voyant le seigneur loup bien assis, avec une tasse à la main et une serviette brodée en soie sur son pagne. Galthédoc ne semblait pas à son aise.

— Mama, j’ai ramené les trois seigneurs. Mais aucun n’a Louise. Je suis inquiet.

— Alors, il ne peut s’agir que d’elle, la terrible fée, mon amie C.

— Mama, pourquoi avez-vous requis notre présence ?

— Car l’heure est grave. J’ai toujours connu C. C’était une femme juste, une mère attentionnée. La grande fée, son égale, en a fait une fée de seconde zone, responsable de tous les maux des enfants. C. en a pris ombrage et a quitté le conseil du grand chêne. Et c’est là qu’elle a changé.

— En quoi cela nous concerne, Mama ?

— Elle prévoit de lancer un sortilège pour détruire le chêne. Et ce sont vos enfants qui seront sacrifiés pour le réussir.

— Et Louise ?

— Aussi, j’en ai bien peur.

— Que peut-on faire ? demanda Clément, les larmes aux yeux.

— Nous retournons protéger nos enfants, déclara le prince vampire. Bonne chance, gamin ! Mais, avant, passons un pacte. Nous suivrons C. jusqu’à la mort, mais seulement si elle n’attaque ni le chêne, ni nos enfants.

— Moi, Mère sorcière, je le jure par mon sang.

— Moi, Galthédoc, du clan Galthédoc, je le jure par mon sang.

— Moi, Vanceslas, je le jure par mon sang.

Le prince sortit sa dague et se coupa la main. Puis tendit la lame à la sorcière, qui fit de même, avant de la tendre à l’homme loup qui se coupa également.

 

Les trois sortirent de la maison.

— Et pour ma sœur ? Demanda Clément.

— Ne t’inquiète pas, Clément, la guerre vient de se finir, maintenant. C. va perdre la guerre car, même si tu es dans ton droit, si tu blesses tes alliés, alors tu ne peux gagner. Rentres chez toi, ta sœur va bien.

Le jeune garçon resta incrédule devant la sorcière. Elle le poussa alors devant le miroir et il vit sa sœur, endormie dans son lit.

— Mais … Comment ?

— J’ai été bien occupée, pendant que tu rassemblais ces trois nigauds.

— Merci, madame.

— Allez, retourne chez toi.

L’enfant enlaça la sorcière. Une larme coula sur la joue de la vieille dame.

 

Puis, le jeune garçon rentra chez lui, après sa formidable aventure. Clément se dit que c’était chouette mais qu’il ne repartirait pas de sitôt.

 

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