Le malade et l'oiseau
Peter était malade. Depuis trois jours, il n’avait pas quitté le lit. Le sirop n’avait eu aucun effet et le médecin avait prescrit un sirop amer, choses que le jeune garçon détestait. Il s’endormit. Il se retrouva allongé dans un pré, et en pyjama. Une jeune demoiselle vêtue d’une robe noire d’où pendaient des bandes colorées apparut.
— Bonjour, je suis dame Eleorah ! Et toi ?
— Je suis Peter.
— Tu n’as pas l’air d’aller bien ?
— Non, je suis malade. Où je suis ?
— Au pays des fées, dans le Comté des Fins Heureuses. Il te faudrait trouver l’Oiseau Bleu. C’est un oiseau magique. Il peut guérir toutes les maladies. Le seul souci c’est que personne ne l’a vu par ici depuis longtemps. Il doit se trouver dans le Comté de la Nuit. Je vais appeler l’un des meilleurs aventuriers que je connaisse, l’un des meilleurs pirates du royaume, il va t’aider.
— Merci.
— Je t’en prie
— Tu es une fée ?
— Non, une sorcière blanche.
— C’est quoi ?
— Une sorcière qui a décidé de faire le bien. Je vais te donner une potion pour que tu puisses te lever et aller à la recherche de l’oiseau. Eleorah lui fit boire un remède au goût âpre.
— C’est pas bon ce truc !! dit-il, bondissant sur ses pieds et s’essuyant la bouche.
— Oui, mais ça soigne ! La preuve, tu es debout ! Il te reste à te rendre dans le Comté de la Nuit. Voici le capitaine Molly pour t’aider.
— Mais c’est une fille !!
— Oui, je sais, et je pense qu’elle aussi. Mais si tu préfères, je peux appeler Justin le chevalier maladroit. »
Peter, dépité, suivit la jeune Molly. Ils prirent la route de briques jaunes et arrivèrent au Château des Cauchemars. Pendant le chemin, aucun ne dit un mot. Molly gardait sa main posée sur le pommeau de son épée et Peter se demandait pourquoi la sorcière ne lui avait pas donné des vêtements. Ils demandèrent une audience au vampire de faction à la porte. À la grande surprise de Peter, elle leur fut accordée immédiatement. Peter fut heureux de découvrir que c’était toujours C. qui dirigeait le château. La sinistre fée faisait peur à tous les enfants mais lui l’aimait comme une amie depuis qu’ils avaient vécu une aventure ensemble.
— Majesté, l’Oiseau Bleu a disparu et Eleorah en a besoin pour sauver le garçon.
— Et tu penses que j’aurais pu voler cet oiseau ?
— Non, Votre Majesté, loin de moi cette idée ! Mais vous avez peut-être une idée d’où chercher l’oiseau ?
— J’ai une liste de suspects, en effet. Et vous allez leur demander à chacun un produit de leur ferme. Cela permettra de retrouver l’oiseau : De la farine des comtes vampires, un œuf de dragon, du miel de troll, du lait de louve, 6 yaourts de Mama Yaga, et pour la divination, il me faudrait 17 bougies, réalisées par les gargouilles. Molly, tu iras chercher Eleorah. Je veux que ce soit elle qui aille rendre l’Oiseau Bleu à la fée des oiseaux.
Molly et Peter sortirent du château.
— Nous allons commencer par les gargouilles. Ce ne sont pas les plus aimables, mais les plus faciles à trouver. Pendant que j’irai voir le vieux gardien pour lui demander un œuf, tu iras tout seul demander de la farine aux comtes vampires.
— Pourquoi ? demanda le jeune garçon, inquiet.
— Disons que j’ai accidentellement coulé une dizaine de ses navires et que j’en ai pris le butin.
— Je comprends, tu es un pirate.
— Une pirate et je suis capitaine.
— Oui, mon capitaine. »
Molly haussa les épaules. L’allée des gargouilles était sinistre, et les douze créatures très antipathiques. Molly s’adressa à la seule créature dont la pierre au front était un diamant.
— Votre éminence, la Dame des Cauchemars sollicite votre aide.
— Que nous veut la Dame ? Et pourquoi nous envoie-t-elle de la viande fraiche et charnue et un maudit pirate ?
— Elle aurait voulu se déplacer, mais ses prisons sont pleines et trop de postérieurs attendent la lanière de son fouet. Elle vous prie de l’excuser, mais aimerait quelques bougies de votre fabrication.
— Combien lui en faut-il ?
— 17, s’il vous plait.
— Bien ! Nous sommes toujours ravis d’aider la fée sombre ! Dommage que nous ne puissions pas goûter le jeune monsieur …
— Je ne suis pas sûr que sa chair soit encore si tendre, il est trop vieux pour vous. Il est malade en plus.
— Bien dommage ! Bien dommage !
Une gargouille, dont le front était garni d’une émeraude, donna le sac à Peter. Les gargouilles se remirent en position sur leurs piliers et fermèrent les yeux. Le jeune capitaine fit signe à Peter de se taire, et que l’entretien était terminé. Ils continuèrent vers la Forêt Sombre. Le jeune garçon n’était pas très rassuré et son pyjama n’était pas si chaud pour une météo sujette à l’humidité. Le personnage suivant était un troll qui vivait dans une cabane, à la lisière des champs de maïs. Peter n’imaginait pas un troll vivre là ! Dans une petite cabane en bois, avec une fourche et un râteau, posés à côté de la porte, ainsi qu’un immense potager, où poussait une tonne de légumes. Molly frappa à la porte du troll qui vint leur ouvrir. Peter n’aurait jamais cru voir un troll de pierre avec une tenue de jardinier. Une chemise verte, une salopette bleue et des bottes de caoutchouc. Son chapeau de paille pendait à un crochet derrière la porte.
— Que puis-je pour vous ? Puis je vous proposer un peu de soupe ?
— Y a quoi dedans ? demanda Peter.
— Que des légumes, je suis végétarien !
— Mais… Vous êtes un troll !
— Oui, et un troll ne peut pas être végétarien, Mon Petit ?
— C’est pour ça qu’il vit sur le domaine des sorcières, et pas dans les montagnes ! expliqua la jeune pirate. Urbain, sa majesté la terrible fée veut un pot de votre délicieux miel.
— Je vais vous chercher ça ! Mais vous êtes sûrs, pour la soupe ?
— C’est vrai que j’ai un peu faim, déclara Peter.
— À la bonne heure !
Le jardinier leur servit une pleine assiettée de soupe aux légumes et aux fruits. Ils mangèrent pendant que le troll leur préparait un pot de miel, qu’il mit dans un sac en toile de jute.
— Ce sera plus simple pour transporter vos courses.
— Merci, Monsieur, déclara Peter. Vous êtes très aimable pour …
— Même si je suis un troll ? Compléta le jardinier.
— Je … Bonne journée Urbain ! Se hâta de répondre le jeune garçon.
Il prit le sac et suivit Molly.
— Tu vas aller chez la sorcière. Moi, je vais voir le seigneur des loups. Pour Mama Yaga, si jamais tu ne vois pas la porte de la route, n’en fait pas le tour. Nous y retournerons à un meilleur moment.
Arrivés à un croisement, la jeune fille prit à droite, en direction des terriers, tandis que le jeune garçon se dirigea à gauche, vers une petite maison en bois. Il vit le dos de la maison et se dit que c’était étrange que le chemin de terre s’arrête un peu avant. Il décida d’en faire le tour. Il vit la porte ronde et le devant de la maison richement décorée. La barrière semblait faite d’os, mais le jeune garçon ne remarqua que la sonnette. Il s’approcha de l’anneau et tira la chaine, ce qui actionna une cloche à l’intérieur de la maison. Il entendit un grattement, comme celui que peuvent faire les poules. Une vieille dame ouvrit :
— Que veux-tu, mon mignon ? demanda t’elle d’une voix chevrotante. — Je voudrais des yaourts, pour la fée C, s’il vous plait, Madame.
— Bien sûr ! Entre, mon mignon. Ils sont dans la réserve, vas en chercher.
Le jeune garçon entra dans la réserve. Il commençait à mettre les pots dans son sac, quand la sorcière referma la porte.
— Tu as à manger, Mon Mignon ! Les fesses biens charnues, il va falloir grossir un peu, avant que je te passe à la casserole.
Peter était pris au piège. Il s’assit et se mit à pleurer. Au bout d’un moment, il entendit une voix.
— Passe-moi le sac !
Il leva la tête et vit Molly à travers la haute fenêtre de la pièce.
— Pourquoi ? Tu vas partir avec ?
— Mais non ! Mais si je te fais sortir, qui jettera le sac ensuite ?
— Tu pourras pas me tirer, c’est trop haut. Tu es une fille !!
— Je suis capitaine de navire. Ça muscle pas mal, de tenir la barre et de hisser les voiles. Allez ! De toute façon, si tu tentes, tu as une chance sur deux de sortir. Mais si tu ne tentes pas, tu as toutes les chances de rester ici.» Vaincu par les arguments de la jeune fille, Peter lui jeta le sac. Elle s’éclipsa un instant, à la stupeur du garçon, mais revint lui tendre une corde.
— Monte ! Ne fais pas de bruit.
Peter grimpa à la corde. Il passa à travers la fenêtre et arriva sur un tas de bois.
— Fais attention en descendant ! Si tu fais du bruit, tu vas réveiller Mama Yaga ! Et elle n’est pas dans un bon jour ! Je t’avais dit de regarder si sa maison était du côté de la route.
Peter haussa les épaules, penaud.
— Il nous reste plus que deux ingrédients. Je vais voir le vieux dragon.
— Il va bien vouloir te donner un de ses œufs ?
— Oui, tous les œufs ne sont pas des œufs de pierre. Seuls ces derniers vont donner un dragon. Toi, tu vas chez Stanislas le vampire, cela ne devrait pas poser de soucis.
Une nouvelle fois, les deux enfants se séparèrent. Peter arriva au château du jeune comte vampire et demanda audience. Il apprit, par le chambellan, que les vampires du château ne brillaient pas au soleil, et ne consommaient pas de sang humain. Cela le rassura un peu. Le chambellan le fit attendre dans une petite pièce richement décorée, avec, sur le mur, le portrait de famille du jeune Stanislas. Un serviteur lui proposa du thé et des gâteaux. Au bout d’un moment, qu’il trouva fort long, le chambellan le mena à la grande salle. Il fut terrifié de ce qu’il y trouva. Molly était attachée et un vampire, encagoulé, préparait un tison brulant à côté d’elle. Le jeune comte prit la parole :
— Que viens-tu chercher, Jeune Créateur ?
— De la farine, pour votre souveraine.
— Tu aurais pu la demander à un serviteur !
— J’aurais aussi besoin de la fille et de son sac.
— Le sac ne posera pas de problème ! Par contre, cette dangereuse criminelle a coulé plusieurs de mnos navires. Que peux-tu me proposer d’extrêmement rare, en échange de sa vie ?
Peter réfléchit quelques secondes.
— Mon pyjama ! Il vient de mon monde, et vous n’en avez pas deux pareils. En plus, un ami conteur me l’a dédicacé.
Ce fut au tour du jeune comte de réfléchir. Molly regardait Peter avec gratitude.
— C’est d’accord ! Nous allons t’offrir en échange une de mes tenues pour te vêtir. Il y a un paravent, au fond de la pièce
Une fois changé, Peter revint. Il avait l’air d’un vrai frère de la côte. Il ne lui manquait que la jambe de bois et le bandeau sur l’œil. Il offrit son pyjama, bien plié, au comte qui libéra la jeune Molly. Peter trouvait ses nouveaux habits très élégants.
— Merci votre altesse. Là, J’ai vraiment l’air d’un aventurier !
Il ne restait plus qu’à aller chercher Eleorah, et à se rendre chez C. En chemin, Molly voulut passer par la plage, et se dirigea vers un mur de pierre. Peter fut surpris de voir la jeune pirate passer au travers de la roche. Il se décida à la suivre. Il arriva dans une pièce immense, remplie de pièces d’or et de pierres précieuses et d’armes
— Je vais contacter Eleorah via mon miroir, elle nous rejoindra chez C.
Une fois son message délivré, Molly donna le signal du départ à un Peter encore abasourdi par le trésor de la jeune fille.
— Allez, dépêchons-nous ! Il ne faut jamais faire attendre la fée C.
Peter était crevé. La potion de la sorcière ne faisait plus beaucoup d’effet. Il avait retrouvé tous les ingrédients, mais n’avait trouvé aucune trace de l’oiseau.
— Votre Majesté, voici ce que vous m’avez demandé ! Mais je n’ai trouvé aucune trace de l’oiseau !
— Il est là. Il vient d’arriver, lui aussi.
— Comment ? Il était où ?
— L’Oiseau Bleu vient du cœur, Mon Cher Peter. Tu as accepté l’aide de Molly, bien que ce soit une fille. Le moment venu, tu l’as aidée à ton tour. C’est votre amitié et votre respect mutuel qui a accompagné l’oiseau jusqu’ici.
— Mais… Et les ingrédients ?
— Ah ça ! C’est pour les cuisines ! Aujourd’hui, nous allons fêter les 10 ans de Molly et les 7 ans d’Eleorah ! »
Soudain, tous les monstres, qu’ils avaient croisés pendant leur aventure, apparurent avec les deux gâteaux et chantèrent un « Joyeux anniversaire ! » aux deux jeunes filles.
L’oiseau se posa sur l’épaule du jeune garçon et Peter sentit son mal partir. Il retrouva sa pleine forme. Il put participer à la fête et danser avec la terrible pirate Molly. Puis, le temps de se réveiller arriva. Peter remarqua que sa fièvre avait disparue et qu’il se sentait mieux.
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