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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Le jeu du chat

Nous étions à Halloween. L’ambiance était pourtant au beau fixe ce soir-là. Nicolas et son fils aîné, Donovan, jouaient tranquillement aux jeux vidéo. Donovan commençait à se lasser de perdre à chaque tour. Il eut donc une idée. Profitant d’un arrêt au stand, il partit dans sa chambre pour aller chercher son araignée en plastique. Son père avait une peur panique de ces tisseuses de toiles. Il reprit la partie et, au moment critique, jeta l’araignée sur son père qui fit un bond sur le canapé.

— Toi, si je t’attrape !

— Vu comment tu cours, je peux y aller tranquillement ! répondit Donovan en s’éloignant tout de même à grande enjambée.

 Nicolas se leva du canapé à la poursuite de son fils. Pendant ce temps, Alan, le plus jeune, prit la manette de la console et voulut changer de jeu. Il tomba sur le jeu de Line, la fée, et trouva le chaton sympathique. Le jeu étant gratuit, il choisit de l’essayer. La partie commença par des épreuves où le petit chat devait attraper des objets au- dessus de lui mais éviter les objets nocifs (poison, fils dénudés,…). Pendant ce temps, Nicolas avait fini par attraper Donovan, et lui fit perdre le gout de la tricherie. Soudain, le courant se coupa. On entendit le bruit d’une manette tombée.

— Alan, fais attention aux manettes ! Gronda Nicolas.

Aucune réponse de son cadet et quand la lumière revint, son plus jeune fils avait disparu. Nicolas se dit que sa progéniture devait s’être cachée. Il lâcha son aîné et partit à la recherche du cadet mais impossible de le trouver. Au bout d’une dizaine de minutes, toujours pas de nouvelles. Nicolas s’assit sur le canapé et prit la manette, tout en vérifiant qu’elle n’avait subi aucun dommage.

— Bon, Alan, je ne sais pas à quoi tu joues mais je vais effacer ta partie si tu ne viens pas immédiatement ici !

Aucune réponse. Le père finit donc par allumer la console et la télé pour lancer le dernier jeu en cours. Il trouva la partie de son fils et, intrigué par le jeu, lança la partie. Le jeu en était au niveau 2 et sur une dizaine. Nicolas regarda attentivement l’écran et l’introduction du jeu lui parut bizarre, Il vit un enfant ressemblant trait pour trait à son fils se transformer en boule de poil à quatre pattes. Nicolas prit un instant de réflexion.

— Ce ne peut pas être vrai ! Il serait enfermé dans le jeu ?

— Papa, je ne l’ai pas trouvé.

— Moi, si

— Et il est où ?

 — Ici ! répondit Nicolas en pointant l’écran.

Le père demanda à refaire le niveau et montra l’introduction à son fils incrédule.

— Incroyable ! Et on doit le libérer comment ?

— Je suppose qu’il faut finir le jeu, enfin j’espère !

— Et avant que maman ne rentre.

— En effet ! Dépêchons nous !

Alan avait lâché la manette de frayeur quand le courant avait sauté et avait instinctivement fermé les yeux. Quand il les rouvrit, il se trouvait allongé dans un panier pour chat et devant lui se trouvait ce qui ressemblait à une fée. Mais elle n’avait pas d’ailes et possédait des oreilles de chat. Ses pattes arrière étaient celles d’un félin.

— Bonjour, n’aie pas peur ! Suite à un sortilège de Sombre la Reine de la Nuit, tu as été enfermé dans le jeu. Je suis Line, la fée, et je vais t’aider à regagner ton monde.

— Je vais rentrer comment ?

— Il faut que ton frère et ton père terminent les 9 niveaux restant du jeu.

— Mon papa est très fort aux jeux vidéo et il dessine très bien !

— Alors tu devrais bientôt rentrer chez toi.

Le deuxième niveau était assez simple, c’était un labyrinthe fait de plateformes. Le chaton arrivait sans trop de mal à sauter mais certains paliers s’écroulaient et il fallait recommencer de deux ou trois étages. Donovan finit par prendre un feutre et une feuille de papier pour dessiner le plan du niveau. Le niveau fut donc rapidement passé. Pendant que son père s’essayait à la suite, Donovan partit chercher la solution du jeu sur Internet. Mais là, surprise totale, aucun site de jeu n’avait entendu parler de ce dernier. Même le site de vente de la console ne semblait pas le connaître. Il trouva un seul site qui parlait de La fée Line, c’était un site sur les légendes celtes. Sombre, la reine maléfique du pays des songes, fut vaincue par Roi, le plus vieux des conteurs. Sa suite se composait d’Ouf, Line et un Vieux Mage dont le prénom avait été oublié par le temps. Lors du traité à la fin de la guerre, le royaume des songes avait été divisé en deux, une partie était administrée par Sombre et l’autre par Roi. Roi avait demandé Sombre en mariage. L’attente durait depuis des siècles mais Sombre avait, pendant l’histoire humaine, cherché à attirer des humains du côté de la nuit. Donovan retourna près de son père pour lui rapporter sa découverte. Nicolas peinait à présent sur le quatrième niveau similaire au premier mais avec deux nouvelles difficultés : Le niveau était chronométré et la faible luminosité laissait peu d’écart au joueur pour décider s’il prenait ou pas le prochain objet. Cela faisait déjà trois fois que le père des deux garçons échouait. Donovan prit la manette. Durant ce temps, son père en profita pour lire le texte que son fils avait trouvé. Donovan ayant un peu plus de réflexes réussit à passer le niveau mais le cinquième niveau se trouvait être ce qu’il craignait : un monde de plateformes peu éclairé.

Alan n’était pas rassuré de se trouver dans ce monde étrange mais dans les quartiers de Line, il ne craignait rien. Line lui avait raconté l’histoire du lieu et lui rappela que la reine Sombre ne pouvait lui faire du mal que s’il se trouvait dans son royaume. Elle ne pouvait agir contre lui tant qu’il restait dans le château de Roi.

— Ton frère vient de passer le quatrième niveau mais le cinquième semble lui poser plus de problèmes. Vu que tu es là pour un moment, ne veux-tu pas en profiter pour aller visiter le château ?

— Ce n’est pas dangereux ?

— Non, absolument pas ! Tant que nous restons loin de la chambre de Sombre ! Sa porte mène directement dans son château du côté de la nuit. Si je t’emmenais voir le chevalier Justin, cela te plairait ?

— Pourquoi pas ! Il est gentil ?

— Oui, et très farfelu !

En chemin ils croisèrent un personnage étrangement vêtu d’un habit moulant très coloré.

— Au revoir, Line !

— Bonjour, Ouf.

— Qui est cet enfant ? Il n’y a aucune visite sur le planning !

— Je pense que c’est un coup de Sombre. Le petit est enfermé dans un jeu vidéo.

— Il doit y entrer rapidement sinon Sombre va venir le chercher.

— Son père et son frère vont le libérer. Sombre ne peut pas venir le prendre au château, tu le sais bien !

— Sauf s’il sort de chez elle.

— Je sais ! Mais nous allons veiller qu’il ne quitte pas le château.

Les deux complices trouvèrent Justin dans la salle d’armes. Il s’entraînait à franchir un parcours d’obstacles composé de bâtons en mousse qui tournaient tantôt à la verticale tantôt à l’horizontale. Le chevalier devait alors sauter, se baisser ou alors passer avec prudence entre les obstacles. Si le début lui semblait facile, vers la fin, il fallait parfois combiner deux voire trois actions en même temps. Le chevalier chutait de la passerelle à chaque fois. Alan regardait le parcours avec attention comme si c’était un jeu vidéo et il mémorisa le parcours. Justin tomba de nouveau et Alan se mit à rire.

— Tu crois que c’est facile ? Tu penses pouvoir faire mieux ?

— Je veux bien essayer, c’est drôle !

Alan prit position sur le parcours et le chevalier lança la machine. Le cadet concentré sur le mouvement des bâtons réussit du premier coup traversant toutes les embûches.

— C’est plus facile pour toi, tu es plus petit, répondit vexé le maître d’armes.

— Oui, mais je saute moins haut ! Se défendit Alan avec malice.

— Et tu ne portes pas d’armure !

— Tu peux l’enlever.

— Un chevalier est toujours en armure !

Line, comprenant que la situation allait dégénérer, fit sortir le jeune garçon de la pièce.

— Il est drôle !

— C’est un grand chevalier et le héros de la Grande Guerre !

— Lui, un héros ?

— Oui, à la fin de la Grande Guerre, nous avons été fait prisonniers par Sombre. Elle exigea que Roi, le Vieux Mage, Justin et moi jurions allégeance à la nuit. Justin, trouillard comme il est, se précipita vers elle, mit un genou à terre et lui jura fidélité. Elle se dirigea vers lui et se pencha pour lui redresser la tête. Surpris par les mains glacées de la reine, Justin se releva brusquement, lui donnant alors un coup de tête au menton. Sombre chuta et son sceptre se brisa. La sinistre souveraine ayant perdu ses pouvoirs, le Vieux Mage put la vaincre et l’emprisonner. Le traité fut signé peu après. Allons voir le Vieux Mage, il t’en dira plus. Ton père vient de passer le sixième niveau, encore quatre et tu rentres chez toi !

Les deux joueurs se relayaient devant l’écran, essayant de réussir rapidement la totalité des niveaux. Alors qu’ils s’étaient chamaillés en début de soirée, le père et son fils aîné étaient très complices et ils devaient, cette fois, réussir pour sauver Alan. La mère Anne-Sophie n’allait pas tarder à rentrer et il fallait mieux qu’Alan soit de retour sur le canapé du salon. Le septième niveau était assez difficile, il fallait traverser un parcours sans se faire trancher par les haches qui bloquaient le passage et éviter les tirs d’arbalètes qui apparaissaient à différents niveaux et ce, en trois minutes. Ces niveaux étaient l’apanage d’Alan mais le jeune garçon n’était pas là pour aider ses co-équipiers. Nicolas perdit encore une fois et faillit lancer la manette dans le téléviseur. Il laissa sa place à son fils et partit se chercher une bière. Il retourna près de son ordinateur et tenta de trouver une solution sur Internet ; non pas au jeu mais à la façon de contrer un sortilège lancé par une reine démoniaque. Sur le seul site qui informait de la légende du pays des contes, il ne trouva rien. Une référence cependant à un certain Thomas qui avait rédigé une bonne partie des articles du site. Il trouva un numéro de téléphone à l’étranger. Il ne connaissait pas l’indicatif. Chercha un peu puis finit par composer le numéro. Une voix de vieillard lui répondit :

— Bonjour, Bibliothèque du Palais, je vous écoute.

— Excusez-moi de vous déranger, surtout à une heure aussi tardive, mais je voudrais parler à Thomas.

— Ici, il fait jour et je suis Thomas !

— Mon fils a été enfermé dans son jeu vidéo et j’aimerais trouver une solution pour le délivrer.

— Je vois, c’est la nuit de l’Ombre chez vous.

— Oui, c’est Halloween.

— Je la connais sous un autre nom. Sombre n’a que cette journée pour tenter de recruter des humains. Avez-vous tenté de finir le jeu ? — Oui, mon fils aîné et moi sommes au niveau sept mais nous n’arrivons pas à le passer.

— Personne d’autre ne peut-il vous aider ?

— C’est Alan qui réussissait ce type de niveaux.

— Je comprends, il existe une solution mais l’arbitre de l’équilibre devra donner son accord.

— Je vous écoute !

— Vous pouvez venir finir le jeu ici, dans le château, Alan s’y trouve, il vient d’arriver avec Line la fée.

— Mon fils se trouve à l’étranger ?

— Vous appelez au pays des contes, Monsieur.

— Vous vous payez ma tête ?

— Je ne me permettrais pas, Monsieur ! Je vais contacter l’arbitre de l’équilibre et, en attendant, je vous passe votre cadet.

— Papa, c’est toi ?

— Oui, Mon Ange ! Tu vas bien ?

— Oui, je visite le château de Roi.

— Du roi ! On dit : « du roi ».

— Non, « Roi » c’est son prénom ! J’ai battu un chevalier sur son parcours d’entraînement ! Je me souviens de tous les pièges, comme lors des jeux vidéo.

— C’est bien, Mon Ange.

— On a vu Ouf aussi. Il ressemble à un clown mais je crois qu’il est un peu fou, il inverse des mots.

— Tu n’as pas trop peur ?

— Si, un peu, mais je sais que vous allez gagner. Aucun jeu ne nous résiste. Par contre, j’ai faim ! Je vais demander à Line si nous pouvons manger une pizza. Je peux, Papa ?

— Ne mange pas trop ! Quand tu vas revenir, maman aura ramené le dîner.

— D’accord, mais j’ai super faim ! Je te repasse le gardien des livres. — Monsieur, j’ai contacté l’arbitre, la partie peut se faire ici mais attention : Elle se déroulera chez Sombre et si vous échouez aux derniers niveaux, alors Sombre vous prendra tous les trois. Et vous devrez lui porter allégeance.

— J’accepte ! J’ai confiance en mes fils.

 Nicolas partit chercher Donovan et en suivant les indications du bibliothécaire, ils arrivèrent au château de Roi. Là, l’Arbitre de l’Équilibre habillé d’une simple bure violette à capuche les mena en un clin d’œil dans le château de Sombre. Ce dernier était fait de marbre noir. Des gargouilles ornaient les murs. Il y faisait très froid. Sombre, la perfide, les attendait.

— Bienvenue dans mon château ! Je vous laisse jouer, mais rappelez-vous : si vous échouez à un seul des niveaux, vous serez à moi pour toujours

Les trois joueurs s’installèrent sur un canapé en velours noir et lancèrent le jeu. Alan regarda la séquence du 7ème niveau. C’était quasiment celui de la rampe d’entraînement de Justin. Il réussit l’épreuve. Le 8ème niveau ne posa aucun souci à Donovan. Pendant que les frangins se congratulaient, Sombre, quant à elle, était furieuse. Jim expédia également le 9ème niveau, il ne restait plus que le 10ème niveau. L’Arbitre, dont on ne voyait toujours pas le visage, déclara :

— Pour le dernier niveau, je laisse une chance de réussite à chacun des participants.

Le dernier niveau combinait plateformes, haches et faible luminosité. Heureusement, il n’y avait aucune limite de temps. Alan commença mais au milieu du parcours, une plateforme s’effondra et il tomba sur une hache. Nicolas avait quasiment réussi, mais sur l’une des dernières plateformes se trouvaient une araignée. Le père fit un bon qui s’avéra mortel. Il ne restait plus que Donovan. L’aîné avait mémorisé le chemin par cœur et pouvait compter sur son frère pour lui indiquer quand passaient les haches.

— Allez, Mon Grand, tu es notre dernière chance.

 La pression sur Donovan était énorme et des gouttes de sueurs perlaient sur son front. Alan se concentrait pour aider son frère au moment critique.

— Attention ! Tu passes… maintenant !

De justesse, le chaton venait d’échapper à une hache. Nicolas pour se calmer commença à dessiner. Il se concentra sur Sombre. Il en fit un portrait fidèle mais gomma l’aspect ténébreux de la jeune femme. Et au lieu de sa robe en plume de corbeaux, il lui fit une jolie robe de satin bleu. Sombre qui fulminait jeta un coup d’œil au dessin de Nicolas. Soudain, alors que Donovan était à un moment critique du niveau, Sombre déclara :

— J’annule le défi de la nuit de Samain. Je libère ces mortels contre le dessin de l’artiste.

— Je veux bien, si j’ai le temps de le terminer. Donovan, tu m’exploses ce niveau, cela fera une double victoire.

Sombre eut son portrait et les joueurs purent rentrer chez eux, où le temps n’avait que peu bougé. L’histoire ne dit pas si Donovan avait remporté la partie mais j’espère bien, enfin ne le dites pas à Sombre, elle me ferait enfermer dans un cachot.

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