Le chevalier noir venu du froid
Le petit Pierre écoutait avec plaisir l’histoire que lui lisait Laetitia, sa maman. Ce soir-là, elle lui lisait le premier conte du nouveau recueil du Roi Conteur, l’un des plus grands conteurs de tous les temps. Il semblait tout connaitre et ne jamais disparaitre. Sa mère lui avait dit que son arrière-grand-père écoutait déjà les histoires de ce Roi. L’histoire commençait mal. La princesse Chrysanthème, la fille de Roi avait maudit l’hiver car il y faisait trop froid. Un matin, son père qui était devenu extrêmement grognon avait suivi une dame sur un traineau blanc et avait disparu. Le monde des contes étaient sens dessus-dessous sans son roi et pire sa femme, Sombre, la Reine des Cauchemars, voulait de nouveau diriger le pays. Pierre aurait voulu connaitre la suite mais ses yeux se fermaient déjà et il s’endormit. Laetitia ferma le livre et sortit de la chambre. Pierre se réveilla en sursaut. Il s’était endormi et n’avait pas entendu la fin de l’histoire. Impossible de savoir si Chrysanthème avait retrouvé son père. Une autre chose, sa mère n’avait pas regardé sous son lit pour vérifier qu’il n’y avait pas de monstre planqué en dessous. Il avait peur mais il se décida à regarder. Il pencha sa tête pour voir sous le lit et ne vit rien. Il se releva rassuré mais il entendit un bruit. Il recommença et vit un petit garçon tout de noir vêtu. Il était terrifié essayant de savoir si c’était un cauchemar ou non. Cela semblait si réel. Mais ce n’était pas un monstre, juste un petit garçon qui semblait aussi effrayé que lui.
— Tu es qui ?
— Je suis Ombre le Croquemitaine
— Le monstre qui fait peur aux enfants ?
— Moi je suis là pour offrir des cadeaux aux enfants pas sages
— Et pourquoi tu es là ?
— Pour pas que l’on me voie.
— Pourquoi dans ma chambre ?
— J’aime bien la voix de ta maman et en plus, elle te lisait la nouvelle aventure de Roi.
— Du roi !
— Non, de Roi. C’est le prénom de notre souverain.
— D’accord. Donc il s’appelle Roi et il est roi ?
— C’est ça !
— Et là, je fais un cauchemar ?
— Non, mais cela en deviendra un si nous ne refermons pas l’histoire et si Sombre prend le pouvoir ! Suis-moi !
— Où ça ?
— Au pays des contes.
— Mais je suis en pyjama !
— Plus pour longtemps ! Prend ma main.
Pierre avait peur mais il se dit qu’il était dans une sorte de rêve et il voulait voir la suite. À peine eut il effleuré les doigts de l’étrange garçon qu’il se retrouva dans les jardins d’un château avec une tenue de chevalier portant l’emblème des fins heureuses. Après tout, un conteur l’avait fait chevalier en plein Brocéliande. À peine remis de sa surprise, il entendit une voix féminine lui dire :
— Vous êtes un chevalier ?
— Oui, je suis Pierre, chevalier des contes de fées, adoubé par le grand Mestr Tom.
— Je connais ce conteur. Il est sensationnel ! Si vous avez sa confiance, vous avez également la mienne. Et nous allons pouvoir sauver mon père !
Pierre regarda la jeune fille, elle avait la peau blanche et les cheveux noirs, les lèvres violettes, elle portait une robe blanche ouvragée avec des centaines de perles. Elle devait avoir le même âge que lui.
— Vous êtes la princesse Chrysanthème ? bafouilla-t-il.
— Oui. Tu peux m’appeler votre altesse.
— Oui, votre altesse. Votre père a disparu quand et comment ?
— Hier. Une dame vêtue de blanc dans un traineau blanc tiré par des chevaux blancs l’a emporté.
— Je suis dans l’histoire ?
— Oui. C’est un peu normal, vous êtes au pays des contes ! C’est là que les histoires se forment, que les conteurs et les enfermeurs de mots viennent les chercher.
Ils se dirigèrent vers le mur qui entourait le palais.
— Voilà, Nous pouvons passer par ici ! Le mur est bas et l’arbre tout proche nous aidera. Par contre, il faudrait savoir s’il n’y a pas de gardes qui font leur ronde.
— Vous ne pouvez pas sortir quand vous voulez ?
— Non, malheureusement ! Je suis sensé être à l’école avec mon précepteur et le chambellan m’a interdit de sortir car si nous ne retrouvons pas Père alors je devrais le remplacer sur le trône en attendant un nouveau roi.
— Je peux passer de l’autre côté et vous dire si les gardes arrivent.
Pierre aidé de la princesse sauta de l’autre côté du mur. Comme il ne vit personne, il appela la princesse. La jeune fille arriva peu après. Elle était à présent vêtue d’une tenue noire qui la faisait ressembler à un pirate.
— Comment vous avez fait ?
— Ma mère est une sorcière ne l’oublie pas. J’ai, moi aussi, deux-trois pouvoirs. Répondit-elle en clignant de l’œil.
Savoir changer de vêtement et se remaquiller sous la pluie n’allait pas franchement les aider à sauver le souverain du royaume. La princesse savait où devait se trouver son père, dans le château de glace qui était apparu sur la montagne deux jours avant. Pour se rendre au château il fallait passer par l’immense forêt.
— Tu penses qu’il y a des ogres ou des loups dans cette forêt ? demanda Pierre peu rassuré.
— Un héros qui a peur des loups, je suis bien accompagnée ! Pour l’ogre, Justin, notre chevalier, a tué le dernier en me secourant. La seule princesse que nous n’avons pas retrouvée, c’est une princesse de Rien du Tout. Nous avons trouvé la princesse enfermée dans un cercueil magique mais il faudrait un chevalier de Rien du Tout pour retrouver la clé et il n’en existe aucun dans tout le royaume.
— Dommage !
— Et pour les loups, il n’y a rien à craindre. Ce sont de bonnes créatures. Il n’y a que de vieux enfermeurs de mots qui finissent à l’asile qui racontent que les loups sont des créatures méchantes.
— Donc on ne craint rien ?
— Il y a toujours les bandits…
— Et tu ne crois pas si bien dire ! Déclara une voix rauque derrière eux.
Les deux enfants se retournèrent et virent une dizaine de bandits pouilleux et habillés de guenilles, derrière eux. Seul le chef avait une arme : un vieux sabre qui devait dater de son arrière-grand-père, au mieux ! Pierre prit son épée qui s’illumina d’un bleu féerique. Pas super pratique quand on veut rester discret. Même la princesse sursauta. Alors que ses hommes fuyaient ventre à terre, le chef hurla :
— Diablerie ! Diablerie ! Je ne suis qu’un honnête voleur, je ne veux pas mourir !
— Je vois ! Hyper courageux les bandits ici ! On n’a même pas eu le temps de s’amuser !
— Ce sont ceux du Comté du Jour. Ceux de la région de ma mère sont un peu plus féroces. Quoi que je ne suis pas sûr de leur bravoure face à toi.
— Merci.
Le reste du voyage se passa sans encombre mais une fois arrivés au palais de glace, ils se trouvèrent devant deux gardiens.
— Là, cela va devenir compliqué car je ne pense pas que tu puisses rivaliser contre deux géants de glace de six mètres de haut, même avec 4 bras.
— Tu penses que ces géants sont intelligents ?
— Pas trop. Pourquoi ?
— Alors ce sera facile
Pierre s’approcha à pas de loups des géants autant qu’il le put et se cacha dans le renfoncement du pont-levis. Il prit sa plus grosse voix et hurla :
— Abruti ! Tu dors et je fais tout le travail !
— Comment ça je dors ? Tu veux ma main dans ta tronche ? répondit l’autre géant.
— J’ai clairement entendu ! Et nous ne sommes que deux ! Je veux des excuses !
— Des excuses ? Non ! Par contre mon poing sur ta trogne, ça risque d’arriver ! »
Pendant qu’il se disputait, la princesse se glissa entre eux en courant, rejointe par Pierre qui avait quitté sa cachette. Les deux enfants étaient à présents dans le château. Il fallait trouver le roi. En suivant le tapis bleu qui ornait le sol, ils arrivèrent à un pont de glace et là, un chevalier en armure noire avec un casque qui lui recouvrait le visage, leur barrait la route.
— Vous ne passerez pas !
— Je vais utiliser la Force, s’il le faut ! répliqua Pierre.
— Viens à moi, Jeune Guerrier ! Rejoins le côté hivernal !
— Goûtez plutôt ça ! »
Pierre planta son sabre laser dans le pont qui s’effondra sous la créature. Cette dernière chuta dans l’abime. Le pont s’effondra et les deux enfants eurent juste le temps de se mettre en sécurité.
— Il faut que l’on trouve mon père !
— Je crois que le château va s’effondrer. Il va falloir faire vite
Arrivés en bas du château les enfants découvrir le corps du chevalier noir. Il semblait bouger encore. Comme Pierre ne voulait pas s’en approcher, la princesse partit voir si l’homme était encore vivant. L’homme agonisait et dans un dernier souffle, il lui dit :
— Chrysanthème ! Je suis ton père !
La jeune fille fut horrifiée et se mit à pleurer. Elle hurlait :
— C’était mon père !
Pierre ne sut quoi dire mais il devait faire vite et il la prit par la main pour l’emmener vers l’extérieur car le palais s’effondrait sur lui-même. Pendant tout le chemin du retour la princesse ne dit pas un mot. Arrivée au palais, elle se retransforma pour pouvoir passer la garde et se dirigea vers la salle du trône avec Pierre qui ne savait que faire ni que dire. Tous les nobles du royaume se trouvaient là et le chambellan arriva.
— Princesse, dépêchez-vous ! Et vous aussi ! Bon, déjà vous êtes présentable, nous allons gagner du temps. Le roi va vous remettre une médaille bien que je vous aurais punie, Princesse, pour avoir séché les cours. Mais bon !
— Une médaille ? déclara Pierre qui ne comprenait rien.
— Le roi ? déclara Chrysanthème étonnée.
— Oui, répondit le chambellan d’un ton las, le roi, votre père, vous attend pour vous remettre une médaille car vous avez vaincu la reine des neiges qui menaçait d’envahir le pays.
Chrysanthème parti en avant tellement rapidement que Pierre ne put pas la retenir. Il se dirigea plus doucement vers le trône, impressionné par les nobles et les chevaliers du royaume qui le saluaient sur son passage. Arrivé au trône il vit Chrysanthème sur les genoux de son père qui la réconfortait.
— Bonjour à toi, mon cher enfant, et merci de nous avoir sauvé de l’hiver éternel !
— Vous n’êtes pas mort ?
— Si, bien sûr ! Mais je suis déjà mort des centaines de fois. Tant qu’il y aura des conteurs et tant que les enfants écouteront et aimeront les histoires, je serai toujours de retour !
Pierre fut rassuré et c’est la princesse elle-même qui tint à lui accrocher la médaille sur son costume.
— Et tu peux m’appeler Chrys maintenant ! D’ailleurs, je le préfère à votre altesse.
— D’accord.
Pierre se réveilla dans son lit avec son pyjama. Il regarda alors sous son lit mais ne vit rien. Avait-il rêvé tout ça ? Il avait hâte d’entendre la suite de l’histoire de Roi, le plus vieux des conteurs, et de Chrysanthème, sa fille. Si l’enfant avait mieux regardé il aurait vu sous son lit un message dans la poussière où un jeune croquemitaine avait tracé : « Merci pour tout ».