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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Le candidat

Mestr Tom

Ouf aimait sa nouvelle vie. Par un jeu de circonstances, il était devenu chambellan à la cour des fins heureuses. Il servait le monarque du royaume des deux comtés.

Il se prépara et mit sa tenue aux couleurs bariolées. Cette tenue, peu conforme à sa fonction, était magique. Elle lui apportait le savoir utile à sa fonction, notamment en lui permettant de comprendre toutes les langues.

Il jeta un œil sur le registre et vit qu’une arrivée était prévue, vers la fin de l’après-midi.

Un créateur, qui avait beaucoup œuvré pour la popularité des contes.

 

Ouf se rendit à la bibliothèque pour se renseigner sur le nouvel invité. Il trouva son plat préféré et ses habitudes.

Il passa aux cuisines et demanda aux chefs de préparer les plats voulus. Puis il vit la gouvernante et fit préparer une chambre pour le nouveau venu.

 

Il était ravi de sa journée, mais un page lui amena une invitation à déjeuner de Roi. Ouf trouva cela inconvenant, un chambellan ne devrait pas déjeuner à la table du prince. Il s’y rendit quand même. Et, pour une fois, c’est un jeune page qui annonça son entrée dans la pièce.

— Bonjour, Ouf.

— Au revoir, votre majesté.

— Notre vieux mage prend sa retraite. Il vient de me l’annoncer, et le gardien de l’équilibre m’enjoint de prendre sa place. Depuis l’installation du pont et la défaite de C, le dirigeant du comté de la nuit s’intéresse peu à notre comté.

— Il faut dire qu’il change souvent. C’est le vampire Vanceslas, en ce moment, votre majesté.

— Mieux renseigné qu’une armée d’espions, à ce que je vois !

— Cela fait partie de mon travail, votre majesté.

— Plus pour longtemps.

— Votre majesté veut se séparer de moi ?

— Non ! Mais si je prends la place du vieux mage, alors vous prenez la mienne.

Ouf fut atterré par la nouvelle.

— Votre majesté, j’ai un invité à accueillir, cet après-midi. Cela peut attendre ?

— Bien sûr, il faudra l’annoncer au peuple, avant. N’ayez pas d’inquiétude.

— Au revoir, votre majesté.

Roi constata que, quand il était perturbé, Ouf semblait parler normalement.

 

Le majordome était très inquiet. Il était très bien à son poste, et ne voulait pas en changer. Il se mit sur le perron du palais. Il pourrait réfléchir au calme et accueillir l’invité qui n’allait pas tarder à arriver.

 

Le repas du soir allait être servi, mais le nouveau venu n’était toujours pas là. Ouf se rendit chez le vieux mage mais n’y trouva que les caisses pour son déménagement. Il se décida à aller voir la sorcière Mama Yaga, en espérant que cette dernière soit de bonne humeur.

 

Il se rendit donc dans le comté de la nuit.

Arrivé à la demeure de Mama Yaga, il trouva la porte du bon côté de la route. Cela signifiait que la maîtresse de maison était de bonne humeur et acceptait les visites. Il frappa à la porte. Une sorcière en chemise de nuit lui ouvrit.

— Excusez-moi, Dame Yaga. Je viens un peu tardivement, mais je suis à la recherche d’un invité important.

— Depuis tout ce temps, tu ne veux toujours pas m’appelez Mama comme tout le monde ?

— Oh non, votre majesté !

— J’ai refusé ce titre bien avant ton arrivée ici. Et si je révélais à tout le monde ton Vérinom ?

— Je croyais que les âges l’avaient oublié ...

— Tout comme le mien. Ton invité est perdu dans le marais de mes filles. Par contre, je doute que ce soit ce que tu cherches.

— Comment cela ?

— Je lis en toi comme un livre ouvert, je sais pour le prince. Va, avant que je prenne froid et que je décide de t’enfermer dans mon chaudron.

— Bien le bonsoir, Mama … et désolé pour le dérangement.

— File avant que mes filles ne s’occupent de ton invité.

 

Ouf se rendit ensuite dans les marais. Il vit que la lune était pleine. S’il n’avait rien à craindre des hommes garous ce jour-là, c’était aussi le jour de sortie des sorcières et des vampires.

Heureusement pour lui, tout le monde, dans le royaume, le connaissait et l’appréciait. Le marais des sorcières était un endroit sinueux et dangereux. Un simple chemin de tourbe traversait ce marais putride. Seules les sorcières et de rares élus pouvaient arriver de leur plein gré à la cabane de la mère de sorcières. Pour le peu qu’Ouf en savait, l’actuelle souveraine en chef était la huitième à porter ce titre.

 

À peine entré dans le marais, il vit s’allumer les lanternes vertes devant les cabanes des jeunes sorcières. Ce réseau, mis en place il y a des lustres par Mama Yaga, permettait de prévenir la mère sorcière de l’arrivée d’un invité ou d’un ennemi. Ouf respira à fond. Il n’aimait pas venir dans la lande, cela lui rappelait Londres, sa ville natale. Il était arrivé, lui aussi, du côté de la nuit, des années auparavant.

 

Il vit la cabane et les deux jeunes sorcières montant la garde. La plus jeune, d’une dizaine d’années, s’était assoupie.

— Bien le bonjour, mesdemoiselles. Je viens voir sa majesté.

— Elle vous attend, Chambellan.

Et quand Ouf passa à sa hauteur, elle murmura :

— Inutile de dire à mère que ma sœur s’est endormie, cela fait une semaine que nous sommes là. Pitié pour elle.

 

Il n’était pas dans le rôle d’un chambellan de dénoncer les écarts de conduite d’une jeune sorcière. Il se demandait ce qu’avaient pu faire les deux jeunes sorcières pour mériter de rester ainsi, debout, pendant une semaine.

La mère sorcière était sur son trône de roseaux. Devant elle, quatre sorcières préparaient une mixture, dans le chaudron au centre de la pièce. Trois autres montaient la garde.

— C’est rare de vous voir ici, Chambellan.

— Je cherche un invité du prince. Il est apparu de votre côté de l’ile.

— Je vois. Qui vous dit que nous l’avons ?

— Mama me l’a dit.

— Et Mama ne ment jamais, nous le savons tous. L’homme n’est pas dans mes cachots. Ce soir, nous avons capturé quatre jeunes loups et un jeune vampire. L’une de mes sorcières a dû l’accueillir chez elle.

Elle réfléchit un instant et cria :

— Roselyn, Bianca …

Les deux jeunes filles en faction arrivèrent. La plus vieille regarda Ouf d’un œil mauvais.

— Vous allez faire le tour des cabanes, nous cherchons un enfermeur de mots. Cela vous évitera de dormir à votre poste !

— Oui, mère, répondit Roselyn, affolée.

Les deux filles partirent aussi vite que le vent.

— Vous prendrez bien un peu de thé ?

— Que votre majesté me pardonne, mais je préfère mon thé avec l’eau du palais, plutôt que celle des marais.

— Je prends le mien avec de l’eau du lac magique. Les héros m’en apportent pour le devenir ou le rester.

— Une tasse, alors ...

La souveraine claqua des doigts et une jeune sorcière, qu’Ouf n’avait pas vu, leur apporta une tasse à chacun.

 

Ouf aurait dû demander à avoir une tasse propre car, visiblement, pour le bain comme pour la vaisselle, les sorcières utilisaient l’eau putride des marais. Il but quand même son thé, en se disant que, vu la vacation du vieux mage au palais, ce n’était pas le moment de tomber malade.

 

Les jeunes filles arrivèrent, au bout d’une heure, avec l’homme en question. Une sorcière l’accompagnait.

— Voici votre colis, Chambellan. Je ne pense pas que vous vouliez assister au sort de ces trois-là ?

— Merci, votre majesté. Je vais prendre congé. Un peu de clémence … pour les plus jeunes !

— Nous verrons, nous verrons …

Ouf fit signe à l’homme de le suivre.

— Suivez-moi, les marais sont une source de danger.

— J’ai vu, à l’aller. Que va-t-il arriver à la sorcière ?

— Celle qui vous a accueilli sans prévenir sa souveraine ? Je ne veux pas le savoir.

La mine de l’homme devint sombre.

— Ici, nous sommes dans le comté de la nuit. Les règles ne sont pas les nôtres. J’ai appris à m’y faire. Il y a une guerre permanente entre les vampires, les sorcières et les hommes garous.

— C’est horrible.

— Oui, mais c’est ainsi. Je vous emmène dans le comté des fins heureuses. Le prince actuel sera content de vous recevoir.

 

Au hasard d’un chemin, les deux hommes croisèrent le chasseur. Trois jeunes loups imprudents étaient ligotés et traînés derrière son cheval.

— J’enverrai un héros les chercher dans la nuit, déclara Ouf à l’homme.

— Nous ne pouvons pas les libérer nous-même ?

— Vous oui, moi non. Je dois respecter les règles de l’équilibre. Et puis, la frayeur qu’ils auront en attendant leur apprendra à ne pas quitter leur terrier à la pleine lune.

— Un monde très étrange ...

— Vous apprendrez à le connaître.

Un des jeunes loups réussit à se détacher et à s’enfuir. Il fut rattrapé par l’homme.

— Chut, petit. Je ne te veux pas de mal. Je m’appelle …

— Ne donnez jamais votre nom d’avant, le coupa Ouf. Surtout pour la fonction auquel je vous destine.

— Celui-ci, on le garde.

— Dépêchons-nous, alors, de traverser le pont. Le chasseur ne s’est pas encore rendu compte de sa perte.

Ouf tremblait. Il n’avait plus l’habitude des fuites dans le quartier de Whitechappel.

 

Le pont était devant eux.

— Petit, soit tu me suis, soit tu retournes dans la forêt, en passant par le marais.

— Je pourrais revenir dans ce comté ?

— Quand tu veux ...

— Alors, je vous suis.

Ouf prit la main de l’enfant et l’homme se mit à son coté.

 

Ils traversèrent le pont. Ouf fermait toujours les yeux quand il passait sous la tête du troll. Quand il les rouvrit l’enfant était là, souriant. L’homme avait disparu. C’était donc un mauvais homme, le pont ne se trompait pas. C’était pour cela que son invité était apparu dans le comté de la nuit. 

 

Durant le reste de la route, Ouf discuta avec son nouvel invité.

— Je sais lire, monsieur. Je lis des histoires à mes jeunes frères, j’en invente parfois. Il n’y a pas de bibliothèque dans le comté de la nuit.

— Celle du château ?

— Vanceslas l’a fermé.

— C’est triste.

— J’y ai appris beaucoup de choses, quand Papi dirigeait le château. Je connais les lois de l’équilibre. Les peuples aussi, des trolls aux lutins champignons ...

— Je vois. Et tu aimerais vivre dans un palais, avec une bibliothèque immense ?

— Oh oui, monsieur ! C’est là que nous allons ?

— Oui, si tu le veux.

— Je le veux, de tout mon être. Par contre, est-ce que je pourrais prendre un bain avant ?

— Nous allons nous arrêter au prochain village. Je pourrais te prendre des vêtements, si tu veux.

— Oui, mais pas de chaussures. J’aime marcher pieds nus.

 

Le jeune loup arriva à la capitale, habillé en jeune prince. Ouf le conduisit auprès du souverain actuel. Ce dernier discuta avec l’enfant. Le vieux mage fut appelé et le conseil, affolé, arriva. Quand il ressorti de la pièce, Ouf lui demanda :

— Comment t’appelles-tu ?

— Je m’appelle Roi.

— Bien, votre majesté. Pour vous servir.

 

Mestr Tom © Creative Commons BY SA

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