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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

La poussière de lune

Mestr Tom

Gaël et Elwynn s’étaient aperçus que leur maman, Élodie, avait un gros souci. Elle devait rendre une nouvelle histoire des aventures d’Auguste Porte pour la fin du mois, mais elle n’avait pas plus d’imagination. Elle devenait de plus en plus de mauvaise humeur.

Alors qu’Elwynn jouait avec Eowenn, leur petit frère, moi, Gaël, je lisais un conte dans le recueil du vieux mage.

— Tu pourrais pas réfléchir au lieu de lire, rouspéta Elwynn.

— La solution est souvent dans les livres, rétorqua son frère.

— Et les garçons paresseux, maman le dit tout le temps.

— J’ai trouvé ! Hurla le grand frère tout à coup. J’avais bien raison, la solution était dans le livre. Je vais me servir du cristal du roi conteur, et aller chercher de la poussière de lune. C’est un cadeau des fées, qui permet de retrouver l’imagination. C’était une arme pendant la guerre du néant. Veux-tu venir avec moi ?

— Oui, je veux voir Line ! Cria la petite sœur.

— Moi aussi je veux venir, moi aussi je veux venir, déclara le plus jeune.

—Tu es trop petit, lui répondit son grand frère. Il y a des monstres, des vampires, des sorcières, voire même des trolls.

— Les Trolls ne font pas peur, il suffit de leur péter au nez et ils s’enfuient.

— Et nous pourrions croiser la terrible fée. Tu t’es fait gronder, ce matin, par papa. Si tu la croises, gare à tes fesses, argumenta Elwynn.

— Je m’en fiche. J’ai pas peur, rétorqua Eowenn.

— Tu ne disais pas ça, la dernière fois que tu as reçu la fessée, lui rappela Gaël.

— Je m’en fiche, veux venir.

— Eh ben, viens alors, répondit son frère en soupirant.

 

Après que l’ainé ait récupéré son cristal, les trois enfants s’allongèrent côte à côte en se tenant par la main, et ils fermèrent les yeux.

 

Quand ils les rouvrirent, ils se trouvaient dans une clairière, au centre de laquelle trônait un chêne, gardé par des fées.

Les trois enfants reconnurent Tiche, la fée de la chance et Éric, le chef de la garde.

— Bonjour, déclara Gaël, nous souhaiterions voir Line, la grande fée. Nous venons de loin pour rendre l’imagination à notre maman.

— Malheureusement, aujourd’hui, c’est le jour des chats, lui répondit le chef de la garde.

 

Les trois enfants repartirent déçus, et décidèrent de tenter leur chance avec la sorcière Mama Yaga. Cette vieille dame était à moitié fée et à moitié sorcière. Selon son humeur, vous pouviez trouver de l’aide ou finir dans un chaudron.

 

Ils se dirigeaient vers le pont du troll quand Elwynn entendit un petit couinement. Il s’agissait d’un chaton roux qui était coincé dans les ronces. Au prix de multiples écorchures, la jeune fille arriva à sauver le petit animal.

— Il faut le soigner. Ramenons-le au chêne. Si c’est le jour des chats, elle voudra bien le sauver. Il nous restera plus qu’à lui demander pour la poussière d’étoiles, déclara Elwynn.

—Bonne idée, lui répondit son grand frère.

 

Cette fois, les deux gardes les laissèrent entrer, et ils purent découvrir que l’intérieur du chêne était beaucoup plus grand que vu de l’extérieur. Tout était fait en bois. Le menuisier qui avait conçu le chêne l’avait vidé et s’était servi du bois pour faire le mobilier et le grand escalier.

 

Ils passèrent sous ce dernier pour se rendre dans la salle du trône. Ils découvrirent une fée, vêtue de rose et de bleu, avec des oreilles et une queue de chat. Elle avait perdu ses ailes de papillon pour retrouver les grandes ailes en cristal propres à son rang.

Line avait accédé à ce poste après la guerre du néant. Elwynn posa le chaton sur une table en chêne. La fée leva son sceptre et le passa au-dessus du jeune animal.

— Majesté, pourrions-nous prendre un peu de votre temps, pendant que vous soignez ce félin ? Nous recherchons de la poussière de lune, pour que notre maman retrouve son imagination.

— Désolé, je n’ai pas le temps. Je consacre de moins en moins de temps aux chats. Quand c’est leur journée, c’est leur journée.

Elwynn commença à miauler et à frotter sa tête sur la robe de la souveraine, comme le ferai un chat. La souverain la regarda et sourit.

— Vous devriez aller au cimetière des spectres. Ils ont souvent de la poussière de lune pour les aider à créer des cauchemars bien effrayants. Et pour toi, jeune fille, je vais te donner un peu de poudre de chat. Tu pourras te transformer en félin pendant cinq minutes.

— Merci votre majesté, répondis Gaël en saluant bien bas.

 

Alors qu’Eowenn imitait son grand frère, Elwynn ne put s’empêcher de miauler et de saluer de la patte. Les trois enfants quittèrent le grand chêne et prirent la direction du pont du troll, passage obligatoire pour accéder au comté de la nuit. Eowenn s’était rassuré.

Finalement, l’aventure n’était pas si terrible que ça… enfin presque.

 

Une fois passé le pont, l’ambiance ne fut pas du tout la même. Il pleuvait, des sorcières parcouraient le ciel en ricanant, sur leur balai.

À l’entrée de la forêt, les trois enfants entendirent les hurlements de loup et virent un vol d’une vingtaine de chauve-souris au-dessus d’eux. Eowenn commençait à avoir les larmes aux yeux, mais il se devait de rester courageux.

Après tout, c’était lui qui avait insisté pour venir. Le petit garçon savoura sa chance.

Ils arrivèrent au cimetière des spectres, sans avoir vu le moindre monstre. Ils avaient traversé l’allée des gargouilles, mais ces braves demoiselles étaient endormies.

 

Devant le cimetière, ils trouvèrent la porte fermée. Le grand frère s’avança. Il regarda par le trou de la serrure. Il n’y avait que les employés, occupés à passer le balai.

À côté de la porte, de l’autre côté, il vit une chaîne qui devait servir à ouvrir.

— Il faudrait être tout petit pour passer sous la porte et actionner la chaîne.

—Je sais comment on va faire, déclara Elwynn.

La petite fille se rendit derrière un buisson pour se déshabiller, puis lança la poudre de chat au-dessus de sa tête.

Un petit chaton ressortit des feuilles, se glissa sous la porte, et partit miauler devant les employés.

— Pars d’ici, sale matou, déclara le plus vieux, essayant de la frapper avec son balai.

La jeune Elwynn était plus agile que lui.

— Laisse tomber, nous n’avons pas de lait, déclara une vieille dame. Elwynn continua à se glisser tout autour, les empêchant de faire leur travail et miaulant.

— laissez tomber, je crois qu’elle est perdue, elle veut sortir, déclara une petite fille. Je vais m’en occuper.

 

Les deux vieux pestèrent et retournèrent à leur boulot, pendant que la fillette se dirigeait vers la porte pour l’ouvrir. Eowenn et Gaël profitèrent de l’ouverture de la porte pour entrer dans le cimetière. Le grand frère posa les vêtements d’Elwynn derrière une pile de caisses de bois, pour que sa sœur puisse se changer à nouveau.

 

Une fois ceci fait, ils partirent vers le fond du cimetière, à la recherche de la poussière de lune.

Malheureusement pour eux, tout ce qu’ils trouvèrent c’est trois spectres pourpres qui attrapèrent les deux plus grands. Eowenn, n’écoutant que son courage, prit ses jambes à son cou et quitta le cimetière.

Il se dirigeait vers le pont des trolls pour fuir cet endroit, trop effrayant pour lui.

—Si j’avais su, je serais pas venu, déclara-t-il.

Le petit garçon commençait à avoir mal aux pieds, et il avait besoin de se reposer après autant de frayeur. Les yeux pleins de larmes, il se demandait ce qui pouvait bien arriver à son grand frère et à sa grande sœur. Il s’assit près d’un buisson de ronces et s’allongea, la tête dans les mains.

Alors qu’il relevait la tête au bout d’un moment, il aperçut, dans les ronces, un petit sifflet en forme de dragon. Au prix d’efforts surhumains, et en griffant ses deux avant-bras, Il attrapa le sifflet et souffla dedans. Il ne fallut pas attendre longtemps pour voir se poser, devant lui, un immense dragon bleu.

— Bonjour, jeune humain. Tu as retrouvé le sifflet de mon chevalier dragon, j’imagine qu’il n’est plus. Cela faisait trois cent ans que je n’avais pas eu de ses nouvelles. Je commençais à m’inquiéter. Pour te remercier, que puis-je faire pour toi ?

—Gaël et Elwynn sont prisonniers dans le cimetière. On cherche de la poussière de lune pour notre maman. Faut lui rendre son imagination, bafouilla le jeune garçon, fortement impressionné par l’animal gigantesque.

— Je n’aime pas ces pourpres fantômes. En plus, ils ont un sale goût. Ça reste collé sous la dent. Monte sur mon cou, nous allons les délivrer.

— Merci, Monsieur dragon.

— Appelle-moi Poupie, c’est mon nom.

Le petit garçon rit de bon cœur. À présent qu’il avait un dragon à son service, il avait oublié sa peur et ses larmes.

Le dragon baissa son cou pour laisser monter Eowenn.

 

Le vol ne durera pas longtemps, à peine quatre ou cinq minutes. Mais, pour le jeune garçon qu’était Eowenn, c’était l’un des meilleurs moments de sa vie.

Il volait dans les airs, sur un dragon magnifique. Et il allait prouver qu’on a toujours besoin d’un plus petit que soi, en sauvant son frère et sa sœur.

 

Pendant ce temps, Gaël et Elwynn n’en menaient pas large. Ils avaient été attachés à deux poteaux, et l’un des spectres pourpres préparait, sur une table, ses instruments de torture.

Tout cela ne présageait rien de bon. Mais les deux enfants voulaient surtout savoir si leur petit frère allait bien. Brusquement, les spectres hurlèrent en regardant le ciel.

 

Quand les deux enfants relevèrent la tête, ils virent leur frère agiter une main au-dessus de lui et, de l’autre, tenir les écailles de sa monture. Les employés, comme les spectres, avaient fui.

 

Une fois le dragon posé, il abaissa son cou pour qu’Eowenn puisse descendre libérer Elwynn et Gaël. Rassurés sur leur sort, les deux enfants firent un câlin à leur petit frère.

Ils remercièrent tous le grand dragon, qui repartit vers ses montagnes, le sifflet de chevalier autour du cou.

— Merci Eowenn, déclara Gaël. Maintenant, il va nous falloir trouver de la poussière de lune.

 

Après une heure de fouilles, les trois enfants étaient bredouilles.

— Comment on va faire ? demanda Elwynn.

— Il ne reste plus qu’une solution, lui répondit son grand frère. Nous devons demander de l’aide à la terrible fée.

— Mais je tiens à mon postérieur, moi, supplia la cadette.

— Il n’y a rien à craindre. Pour les enfants sages, la terrible fée, c’est comme une maman. Ça prépare des gâteaux, ça raconte les histoires le soir, et ça aide quand on a des soucis. Nous avons un gros souci et nous sommes tous les trois sages.

— Bon, allons-y, répondit Elwynn peu convaincue.

— Si tu le dis, réponds Eowenn, en se massant le postérieur par avance.

 

Les trois enfants prirent alors la direction du château des cauchemars. Les deux plus grands furent étonnés de voir qu’Eowenn n’avait plus peur de rien.

Après tout, quand vous avez sauvé vos deux ainés en chevauchant un dragon, vous n’avez plus peur de rien.

Malheureusement, les deux vampires, en poste devant le château, ne voulurent pas les laisser entrer. C’était jour de jugement, un point c’est tout.

— Mais je suis prisonnier, répondit Gaël. Ils m’amènent pour mon jugement, justement.

— Vous ne savez pas qu’il faut attacher des prisonniers ? tempêta l’un des gardes. Laissez faire les professionnels.

 

Le plus vieux des vampires sortit une cordelette de son sac et il attacha les mains de Gaël derrière son dos. Puis il confia le jeune garçon aux deux autres. La file d’attente n’était pas très grande. Il n'y avait là que quelques jeunes sorcières.

Visiblement, l’une d’elle avait loupé sa potion, les cheveux brulés de son professeur laissaient penser à une explosion de chaudron. Il y avait aussi deux jeunes vampires, que leur maman tenait, chacun par une oreille. Et un troll dont la mère se lamentait.

— Vous n’imaginez pas ce qu’il me fait subir, ce petit imbécile. Il veut prendre un bain tous les deux jours. Cela empeste le savon dans toute la caverne.

La maman vampire écoutait d’une oreille distraite, ayant déjà assez à faire avec ses deux rejetons.

 

À chaque fois, un jeune garçon pâle, habillé de noir, avec deux ailes de chauve-souris, ouvrait la porte de la salle du trône, laissait passer la personne suivante avec une formule politesse et refermait la porte.

 

Après seulement quelques minutes, des cris et des pleurs se faisaient entendre. Plus la file avançait, plus Elwynn et Eowenn se demandaient si c’était une bonne idée. Gaël, lui, était tout souriant, ce qui contrastait avec les autres prisonniers.

Les deux vampires furent condamnés à passer une semaine avec une main attachée dans le dos. Ils devraient coopérer, pour toutes les tâches de la journée. Le jeune troll fut condamné à deux semaines de service des sorcières et à prendre ses bains dans l’eau putride du marais.

 

Ce fut enfin le tour de Gaël, et les deux plus jeunes n’en menaient pas large. Colin, l’enfant aux ailes de chauve-souris, les fit entrer auprès de sa mère, la terrible fée.

— Bonjour, majesté. Je m’appelle Gaël, et nous cherchons de la poussière de lune, pour que notre maman retrouve son imagination.

—Un prisonnier qui parle ! C’est nouveau, répondu la souveraine. Qu’as-tu fait ?

— Je suis coupable de mensonge. Mais j’ai des circonstances atténuantes, c’est pour faire une bonne action.

— À qui as-tu donc menti ? demanda la souveraine.

— À vos gardes, majesté. Je n’avais pas encore fait de bêtises, quand je me suis déclaré prisonnier.

— Tu as donc fait une bêtise exprès pour pouvoir entrer. Courageux ! Tu as entraîné ton petit frère et ta petite sœur. Intéressant ! Approche donc, ordonna la fée en tapant sa badine sur sa paume.

L’ainé de la fratrie se demanda, finalement, si c’était une bonne idée.  Il avança lentement, une goutte de sueur commençait à couler de son front. Colin le détacha et lui plaça ses deux mains sur la tête. Le jeune garçon déglutit, cherchant un peu de courage.

— J’hésite, j’hésite, déclara la fée. C’est vrai qu’une vingtaine de coups de bâtons est le châtiment habituel des menteurs. Mais je suppose que te faire écrire une jolie histoire serait bien plus utile contre le néant. C’est décidé ! En punition, tu écriras une jolie histoire.

 

Soulagé, le jeune garçon se jeta sur la souveraine pour lui faire un câlin. Colin apporta le sac de poudre magique et le tendit à Elwynn.  D’un claquement de doigts, la souveraine les renvoya chez eux.

 

Pendant qu’Elwynn versait la poussière de lune sur leur maman, Gaël

prit un stylo pour raconter leur histoire.

 

Mestr Tom © Creative Commons BY SA

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