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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

La Porte

Mestr Tom

 

 

Le professeur se leva, comme tous les matins, dans une maison vide de bruit. Il vit une chose étrange. Une deuxième porte était apparue juste à côté de celle de sa chambre. La porte magique était revenue.

 

Il se prépara et se dirigea vers la cuisine pour y retrouver Vivianne, son assistante. La jeune femme aux cheveux roux était en train de prendre son petit déjeuner.

— Bonjour Professeur.

— Bonjour Vivianne. Que nous a-t-on préparé de bon, aujourd’hui ?

— Il a fait des éclairs au citron, à la cerise et le dernier, c’est poire cannelle.

— Il nous a gâtés.

— Ton thé est prêt. Il sait que je peux m’occuper des repas aussi ?

— Oui, je pense. Mais il n’aurait plus d’utilité et je crois que nous avons d’autres tâches. Laissons-lui celle-là.

— En effet, je t’ai fabriqué ceci, déclara Vivianne, lui présentant une épée.

— C’est magnifique ! Mais en aurais-je l’utilité ?

— Pas dans l’immédiat, mais sait-on jamais. Le minerai de base provient de l’île.

— Je pars en voyage, la porte est apparue.

— Que veut-elle ?

— Je ne sais pas. Mais, la dernière fois, elle m’a mené à toi.

Le professeur vit la moue de son assistante. Il se promit de lui ramener un présent de son voyage.

Il lui avait préparé une tenue médiévale, où le professeur put ranger son épée. Il avait déjà vu des épées, dans des vitrines de la bibliothèque, mais celle-ci scintillait. Il ressentait comme un pouvoir étrange.

Une fois prêt, il passa la porte.

 

Il se retrouva sur une île qu’il ne connaissait pas, dans une clairière où se tenait un rocher. Une petite fille pleurait, elle avait les cheveux noirs de jais, la peau blanche et les lèvres rouge sang. L’homme s’approcha de la fillette.

— Qu’as-tu, petite fille ?

— J’ai voulu aller seule en forêt cueillir des fleurs, mais je me suis perdue.

— Où habites-tu ?

— Dans une grande maison, avec plein de serviteurs.

— Et comment les autres personnes appellent ton papa ?

— Votre Majesté.

— Je vois, je vais te reconduire chez toi.

— Merci monsieur. Je peux t’appeler comment ?

— Je suis le professeur.

— Le professeur de quoi ?

— J’enseigne l’imagination.

— Mon précepteur, il dit que j’en ai trop, de l’imagination. Il faudrait un endroit où serait enfermée l’imagination, avec toutes les créatures qu’on invente dedans.

— Cela ne serait pas dangereux avec les créatures de cauchemars ?

— Pas si ce monde est comme une île.

Le professeur trouva la fillette très éveillée et il se dit qu’il devrait créer cette île, à son retour. Mais où trouverait-il le temps d’y créer de quoi la peupler ? Il doutait que Vivianne ait l’envie de materner des créatures.

 

Ils arrivèrent près d’une maison. Le professeur frappa à la porte. Un vieux monsieur vint ouvrir.

— Bonjour, je cherche le château le plus proche.

— Il y en a deux, monsieur, je vis à la frontière. Je fabrique des meubles en bois et je déplore de vivre seul sans enfant.

— Moi, j’ai déjà un papa. C’est une maman que je n’ai pas.

— L’un des deux rois est-il veuf ?

— C’est celui au nord, suffit de suivre la route pavée. Au sud, la dame est veuve. Elle a une fille.

— Merci, mon brave. Je vais ramener cette demoiselle au château.

— Bah, foi de Gepetto, si on m’avait dit que je croiserais une princesse ce matin, j’y aurais pas cru.

— Merci, monsieur Gepetto, déclara la jeune princesse.

— Merci, mon brave, déclara le professeur.

— Ils continuèrent leur chemin jusqu’à la route pavée. Le professeur sortit sa boussole et continua vers le nord.

— C’est pratique, cette route entre les deux châteaux.

— En effet !

Le professeur nota l’idée dans un coin de sa tête.

 

Ils arrivèrent au château, où les gardes furent heureux de retrouver la princesse. Le roi reçut le professeur, le remercia et l’invita à dîner.

Le lendemain, il quitta la jeune Blanche-Neige et partit à la découverte du royaume voisin. Sa première rencontre fut avec une vieille paysanne qui portait un fagot de bois qui semblait bien lourd à ses épaules. Le savant s’offrit à porter la lourde charge.

 

Une fois arrivés à la maison, il vit une chaumière pas très accueillante.

— C’est ici que je vis. Le vent arrive du nord. C’est trop froid en hiver et trop chaud en été.

— Et si vous ouvriez une deuxième porte sur le mur est ? En hiver, vous condamneriez la porte nord et vous vous serviriez de la porte est, et inversement en été.

— C’est une bonne idée. Le mieux serait d’avoir un animal géant sous la maison pour en changer l’orientation, mais il ne faut pas rêver.

Le professeur nota cette idée dans sa tête.

— Je suis Mama Yaga, je suis guérisseuse. Les temps sont durs, mais laissez-moi vous offrir quelque chose.

— Je ne veux rien.

— Prenez au moins cette buche, elle est d’un arbre spécial. Elle fera votre bonheur.

Le professeur se sentit obligé d’accepter ce cadeau symbolique.

 

La deuxième personne qu’il rencontra fut un fermier, dont la charrette était remplie de pommes.

L’homme se plaignait car, quand il faisait des livraisons en côte, sa charrette ne s’arrêtait pas. Le professeur lui expliqua le principe du frein et, une fois passés à la forge du village, en installa un sur la charrette du brave homme. Pour remercier le professeur, il lui offrit un sachet de pépins de pommes.

 

Le professeur avisa une immense cité aux couleurs vertes. Il s’y rendit et se dirigea vers le marché. Il comptait bien trouver un cadeau pour Vivianne. Il tomba sur deux marchands aux prises avec un souci épineux. Le professeur aida les deux hommes et chacun des marchands lui permit de prendre un objet sur son étal. Le professeur prit un étrange miroir et une harpe d’or. Il remercia les deux hommes et décida de rentrer chez lui.

 

Il rencontra, sur sa route, deux hommes qui trainaient une jeune femme.

— Bonjour, pourquoi cette personne est-elle encordée ?

— Vous êtes qui ?

— Je suis le professeur. Mon intelligence me permet de savoir ce qui est juste. Je suis un magistrat, conseiller du roi, habilité à rendre justice. Il leur présenta à lire la notice du miroir.

— Ici, la justice, c’est le prévôt, et il ne brille pas par son intelligence. Il est comme nous, il ne sait pas lire. De toute façon, c’est une sorcière. Sa mort est déjà décidée.

 

Le professeur n’eut pas le choix et tira son épée. Celle-ci se mit à briller fortement. Les hommes en armes passèrent de l’étonnement à l’effroi et déguerpirent. Le professeur détacha la jeune femme.

— Jeune demoiselle, votre royaume semble dangereux. Je peux vous amener chez un ami à moi, roi du royaume voisin.

— Quel votre nom ?

— Je suis le Professeur

— Comment dois-je vous appeler ?

— Professeur.

— Pas de petit nom ?

— Le nom est une chose importante et il ne devrait jamais se donner à la légère.

— Je vous comprends.

 

Le professeur ramena la jeune femme auprès du père de Blanche-Neige, pour qu’il lui trouve un toit. Le souverain lui offrit un palais.

Le professeur, au matin, passa dans la cour du château et planta les pépins de pomme dans le jardin, afin que Blanche-Neige puisse avoir de succulentes pommes à manger. L’homme était content de ce qu’il avait accompli. Il avait sauvé une femme, avait trouvé une nouvelle reine au pays et, surtout, une nouvelle maman à la jeune Blanche-Neige.

 

Son chemin l’entraina devant la demeure du dénommé Gepetto qui, en tant que charpentier, aurait plus d’utilité que lui de sa buche. Il passa ensuite par la clairière et planta l’épée de Vivianne dans un rocher, se disant qu’un courageux chevalier au cœur noble pourrait toujours la retirer au besoin.

 

Il trouva alors la porte et la franchit. Il était revenu chez lui. Il voulut donner son cadeau à Vivianne mais il s’aperçut que le miroir avait disparu. Il fut peiné, mais offrit la harpe à la demoiselle, qui le gratifia d’un baiser. Le professeur ressentit une sensation qui lui était inconnue. Il se dirigea vers la bibliothèque pour trouver un livre qui l’expliquait et passa la nuit à consigner son aventure.

 

Le temps avait passé. Le Professeur avait offert, aux deux jumeaux adoptés par Vivianne, la gestion de l’île magique qui gardait l’imagination. Il s’était retiré sur une île au sud, où il avait recréé son laboratoire.

 

 

Il avait entouré l’endroit d’une brume pour garder sa tranquillité. Il avait trouvé un miroir qui lui permettait de voir toute l’île.

Il avait observé les progrès des jumeaux, aidés par Viviane, devenue la grande fée, et Contrôle devenue C. la fée des enfants. Il avait été déçu de voir que les deux frères n’avaient pas réussi à s’entendre et que l'île en avait été toute déformée.

Le savant se demandait pourquoi le marchand lui avait offert une lampe à huile toute cabossée. Le professeur, un soir, se dit qu’il avait besoin de vacances.

 

Le lendemain, la porte apparut. Depuis le cataclysme, le Professeur avait gardé deux choses de son ancienne vie : l’employé invisible du manoir et cette porte mystérieuse. Le professeur se demandait d’ailleurs si les deux n’étaient pas liés. Il prit sa tenue de voyage et franchit la porte.

 

Il arriva dans une ville où la ruelle était, heureusement, vide car il entendait les clameurs d’un marché. Il ne connaissait pas la période où il était arrivé, mais il se rappela qu’à certaines époques les êtres magiques étaient pendus ou brulés. Il avisa un brave homme qui poussait sa charrette.

— Monsieur, j’ai rendez-vous avec un confrère, mais je ne sais plus où il habite.

— C’est-y moi que vous appelez monsieur ?

— En effet.

— Eh bah, quand je vais raconter ça à la Jeanne, ça va la faire marrer. Si c’est un monsieur comme vous, ça doit être le docteur. Il habite au-dessus de la boutique de fleurs. Il est étrange, les gens l’aiment pas beaucoup. Parait qu’il est baron Flinkenstein, un truc dans le genre.

— Merci monsieur.

L’homme repartit en rigolant.

 

À force de vivre seul dans son laboratoire, le Professeur avait oublié qu’il y avait une différence de rang entre les humains. Il se promit d’aller faire un tour dans la ville des fins heureuses, il en profiterait pour dire bonjour à Big. Il trouva l’appartement du docteur et frappa à la porte. Un homme aux cheveux hirsutes lui ouvrit.

— C’est pourquoi ? Je n’achète rien.

— Je n’ai rien à vendre. Ma besace ne contient que mon nécessaire de voyage et une vieille lampe à huile.

— Depuis l’invention de l’électricité, ce genre d’objet est devenu inutile. L’odeur qui s’en dégage était, d’ailleurs, nauséabonde.

— L’électricité, quel phénomène intéressant.

— Oui. D’ailleurs, j’ai une théorie. J’ai conçu un globe de verre, rempli de multiples ailettes qui, en tournant, créaient du courant électrique. Si nous pouvions mettre cette boule au-dessus d’une source, comme le magma d’un volcan, cela pourrait approvisionner en électricité un manoir comme celui de ma famille.

— Très intéressant.

— La boule est derrière et les plans du dit manoir aussi. J’en aurais eu besoin pour mon expérience, mais aucune source chaude ne passe sous le manoir de mon père.

— Et sur quoi travaillez-vous ?

— La vie ! J’essaie de redonner la vie grâce à des courants électriques.

— Intéressant.

— Et vous, sur quoi portent vos travaux ?

— La préservation de l’imagination.

— Étrange. Je serais curieux de lire vos travaux. Je dois faire revivre un cerveau, le siège de l’imagination.

— Je ne pense pas que ce puisse être possible !

— Où peut-on lire vos travaux ?

— Dans tous les livres de contes.

— Je vois ! Vous êtes étrange, ou alors un espion intéressé par mes découvertes ? Monsieur, je vais vous demander de partir.

— Si vous le souhaitez. Au revoir, docteur.

 

Le professeur vit que la porte était apparue à côté de celle de l’appartement du docteur. Il subtilisa les plans et la sphère de verre, qu’il mit dans sa besace, et partit par la porte avant que le savant, sans doute fou, n’ait pu réagir.

 

Il se retrouva alors dans un pré, bordé par un grand mur.  Le professeur voulut en faire le tour mais, après une bonne journée de marche, il n’avait trouvé aucune porte.

 

Ce monde était étrange. Il trouva un ruisseau au loin, s’y rendit pour se désaltérer et remplir sa gourde d’eau. Il mangea le reste des provisions contenues dans son sac. Il s’en voulut de s'être précipité chez ce curieux docteur qui, finalement, ne l’avait même pas invité à manger. Il aurait dû passer par le marché, revendre sa lampe qui lui était bien inutile, et s’acheter des provisions.

Il alluma un feu et s’étendit sur une couverture, pour la nuit. Il entendit comme un rugissement venant d’au-delà du mur.

 

Le lendemain il retourna au mur et continua son exploration. Après une demi-journée de marche, il ne trouva toujours aucune porte. Il se dit que la porte lui avait, pour une fois, joué un mauvais tour. Mais il se rappela de tout ce qu’elle lui avait apporté. Premièrement, elle l’avait attiré hors de son univers et de sa mort certaine. Puis, il avait découvert Vivianne. Il était parti aussi plusieurs fois à l’aventure, ramenant des conseils ou des objets, précieux pour l'île des deux comtés. Il avait découvert les jumeaux Big et Bang qui, même s'ils avaient fait exploser son premier laboratoire, avaient découvert ce qui lui manquait pour réussir son expérience. Il avait aussi trouvé sa besace sans fond et Contrôle, la gouvernante des jumeaux. Si la porte l’avait mené ici, c’était pour une raison.

 

Il continuait son exploration quand il croisa deux jeunes hommes. C’était deux frères, d'âges différents mais proches, on aurait pu les confondre avec des jumeaux.

— Bonjour, jeunes gens. Savez-vous qui est le maitre de cet endroit ?

— Non, mais nous allons le découvrir.

— Cela fait plus d’une journée que j’ai commencé à en faire le tour, mais je n’ai trouvé aucune porte.

— Les anciens au village racontent qu’un homme en a fait le tour, il a mis un mois. Il n’a jamais trouvé de porte.

— Il y a donc un village près d’ici ?

— À deux jours de marche, dans cette direction, répondit celui qui semblait être le plus vieux.

— Je vais partir, je n’ai plus de provisions.

— Le village non plus, c’est pour cela que nous tentons de passer le mur. Nous espérons trouver une herbe plus verte, de l’autre côté. Si c’est le cas, nous pourrons faire venir le reste du village. Le mécanisme de la porte est peut-être de l’autre côté.

— Comment allez-vous faire ?

— À deux, rien est impossible, monsieur ?

— Je suis le Professeur.

— Et vous enseignez quoi ?

— L’imagination.

— C’est étrange ! Je m’appelle James et mon grand frère, c’est Peter.

— Je pensais que vous étiez le plus vieux.

— Non, monsieur, mais mon frère a cessé de grandir, il y a quatre ans. Depuis, il ne vieillit plus.

— C’est étrange !

— Les anciens du village ne comprennent pas ce qui se passe.

James offrit au professeur une part de sa nourriture. Le professeur refusa de prime abord mais, voyant l’air peiné du jeune homme, il finit par accepter.

 

Une fois rassasié, le trio s’approcha du mur. James et le Professeur montèrent Peter sur le haut du mur. Peter déroula alors une corde et aida les deux hommes à monter.

— Je vous l’avais dit, l’union fait la force.

— Ingénieux ! Je connais deux jeunes garçons qui devraient prendre exemple sur vous, ne put-il s’empêcher de lâcher, en songeant aux jumeaux Big et Bang.

— Nous nous chamaillons quand même parfois, mais la faim nous rappelle à l’ordre.

Les deux frères et le professeur regardaient de l’autre côté du mur. L’herbe y était, en effet, bien plus verte.

— Il nous faut descendre et trouver deux choses : des vivres et la porte.

— Si votre ancêtre a dit vrai, il se peut que vous mettiez un mois pour trouver le mécanisme.

— Nous allons partir chacun d’un côté du mur, cela mettra moitié moins de temps. Mais il est vrai que le plus important est de ne pas manquer de vivres.

 

Ils quittèrent la proximité du mur et tombèrent sur un verger.

Le professeur eut envie de goûter l’une des pommes à la couleur jaune dorée. Il en coupa un morceau avec son couteau et le mangea. Il avait l’impression d’avoir fini son repas. Les frères essayèrent et se dire, qu’avec une seule de ces pommes, un homme pourrait vivre une semaine. Chacun regarda le verger et il y avait des pommes à perte de vue. Le professeur en mit quelques-unes dans son sac.

 

James partit seul vers l’est, alors que le professeur accompagna Peter vers l’ouest. Le professeur était étonné par ce jeune garçon qui avait cessé de grandir et de vieillir.

Depuis leur rencontre Peter n’avait pas dit un mot. Là encore, il scrutait chaque centimètre carré de la muraille, à la recherche du mécanisme qui allait ouvrir la porte.

— Tu sais, Peter, j’ai lu une histoire où, pour ouvrir une porte, le héros devait prononcer les mots « Sésame ouvre-toi ».

Peter regarda le professeur avec un regard de surprise. Puis sans dire un mot, il continua à avancer, scrutant la muraille en marmonnant. Le professeur tendit l’oreille. Le jeune homme répétait sans cesse “Sésame ouvre-toi”.

 

La première journée s’était passée sans qu’ils ne trouvent rien. Peter ne lui avait pas décroché un mot. Il se mit dans sa couverture, près du feu, et s’endormit.

Le professeur avait calculé que, si le récit de l’ancien était exact, ils mettraient quinze jours pour retrouver James.

 

Au cinquième jour, le professeur avisa un lac et proposa de s'arrêter pour refaire provision d’eau et se laver un minimum. Il sortit du savon de sa besace et le tendit à Peter, qui le prit sans dire un mot. L’adolescent se lava, se rhabilla et repartit. Le professeur se dépêcha de rassembler ses affaires et de le suivre.

 

Au dixième jour, le Professeur vit que la lune était pleine. La visibilité était bonne, Peter ne semblait pas décidé à s'arrêter pour la nuit. Le professeur n’avait pas trop d’autre choix que de lui emboîter le pas. Tous ses essais pour communiquer avec l’adolescent avaient échoué.

 

Dans la nuit, ils entendirent un hurlement bestial et plusieurs cris humains.  

 

 

Le lendemain, ils trouvèrent la porte. Une immense porte en bois, fermée par une poutre aux dimensions gigantesques. Le professeur proposa d’aller à la rencontre de James, qui ne devait plus être qu’à quelques jours de marche.

— J’ai reconnu ses cris, hier soir. Je ne crois pas qu’il va nous rejoindre, déclara Peter.

Le professeur fut glacé d’effroi et regarda un moment l’adolescent, interdit.  L’entraide entre frères que proposait James n’avait pas l’air d’être du goût de Peter.

— Il est devenu adulte. Il a fait ce choix car il peut se débrouiller, continua le jeune homme.

Le professeur en fut sidéré.

 

Peter se plaça à un bout de la poutre et attendit. Le savant se mit alors à l’autre bout, encore sonné par les révélations du jeune homme. Il allait soulever la poutre quand une voix retentit.

— Ne faites pas ça, le maître pourrait sortir.

Le professeur lâcha le morceau de bois et regarda aux alentours.

— Je suis là, devant vous. Vous ne pouvez pas me voir, mais je suis là. Je m’appelle Sigismond, je suis arrivé avec mon frère, ici, il y a des années. Nous avons croisé le maitre des lieux, c’est le gardien de ce lieu paradisiaque. Quiconque arrive ici vivra éternellement et ne vieillira pas. Il y a une ile qui semble enchantée, au centre. Seulement, toute sortie des lieux est impossible sans libérer la bête. Nous la croisons à chaque pleine lune. Il vaut mieux ne pas croiser sa route.

— Une autre personne était avec nous, un jeune homme appelé James.

— Je l’ai croisé. Il est dans un des abris, un bateau dans une lagune. Il a perdu sa main droite dans la fuite, mais il va bien.

Peter prit son sac.

— Quelle direction ?

— Je ne comprends pas.

— Le bateau !

— Il est à deux jours d’ici, plein sud, et ensuite il faudra longer la rive jusqu’à une barque, puis une ou deux heures de rames.

— Au revoir, Professeur, déclara Peter, toujours aussi froidement.

L’adolescent partit vers la direction indiquée.

— Comment vais-je repartir ? déclara le professeur embêté. Il me reste plus qu’à attendre de l’aide.

— Je peux vous tenir compagnie, la bête ne vient pas souvent près d’ici.

 

Le soir venu, le professeur vit un majordome, d’une soixantaine d’années, apparaitre.

— Sigismond ?

— C’est moi. Je ne peux apparaître que la nuit, le reste de la journée, je suis invisible. Une déformation professionnelle. Mon ancien maître disait qu’il n’y avait pas meilleur majordome que moi.

 

Au matin, le professeur se réveilla. Sigismond était en train de faire du café et des tartines.

— Monsieur, il y a une porte qui est apparue dans l’herbe. Je crois que c’est pour vous. Elle n’a pas voulu que je l’ouvre.

Le professeur prit son petit déjeuner et se dirigea vers la porte. Il l’ouvrit et vit un monde vide et froid, sans soleil ni lumière. Il se dirigea vers le majordome qui commençait à disparaitre.

— Vous venez ?

Il sentit un souffle passer la porte. Il la passa à son tour, pour voir Sigismond dans ce monde vide, et avec une faible luminosité. Il reconnut l’endroit.

 

Il se dirigea vers une colline, seule source de lumière, et vit une grotte dont le fond était parcouru par une rivière de magma.

Il sortit la boule de verre de sa besace. Les turbines s’activèrent et, au bout d’un instant, il y eut de la lumière.

Le professeur montra les plans du docteur à Sigismond.

— Je peux bâtir cela, monsieur, si la porte me permet de trouver les matières premières.

— Elle le permettra. Je vais vous laisser aussi les pommes dorées que j’ai prises chez la bête. Plantez les pépins. Je crois que nous nous reverrons un jour, Sigismond.

— Je crois plutôt que ce sera une nuit.

La porte s’ouvrit à nouveau.

— Il faut que je trouve ce que je vais faire de cette lampe.

La porte se referma avant de s’ouvrir à nouveau.

 

Le professeur entendit des pleurs, qui étaient proches de son point d’arrivée. Il franchit la porte et découvrit un adolescent qui se lamentait.

— Aladin, pauvre Aladin, comment vas-tu t’en sortir ?

Le professeur se dit qu’il devait laisser l’adolescent. Il posa près de lui la lampe et repartit par la porte.

 

Il retourna chez lui et, le soir venu, au lieu de regagner sa chambre, il se posa sur un fauteuil avec, sur la table basse devant lui, deux verres et une bonne bouteille.

Sigismond entra dans la pièce, surpris d’y voir le professeur.

— Alors, l’ami, avez-vous trouvé le temps long ?

Sigismond lui parla de la création de l’île des temps oubliés, et du moment où il avait vu que le lit qu’il lui avait préparé avait enfin un propriétaire. Ils discutèrent toute la nuit.

 

Au matin, on sonna à la porte. Le professeur partit ouvrir, c’était Vivianne et C. qui étaient venues lui rendre visite. À la tête des deux dames, il comprit que les ennuis allaient commencer.

 

Mestr To © Creative Commons BY SA

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