La fée et le Néant
Line avait obtenu ses ailes et, durant des années, elle avait été la messagère de la grande fée puis des Roi conteurs. Elle avait lutté contre Chester, le chat diabolique de C.
Mais, aujourd’hui, son pire ennemi était de retour ; depuis un mois, des cauchemars envahissaient ses nuits : dans une salle noire, se trouvait un vieil homme, les cheveux hirsutes, longs et blancs qui lui disait « Tu nous appartiens, tu portes notre marque. Souviens-toi de la montagne ... »
Elle n’avait pas compris. Le roi l’avait mise à contribution pour l’accueil des réfugiés. Il fallait parquer, sous d’immenses tentes, les hommes garous, les sorcières et les vampires, tout en rassurant la population des fins heureuses dont les maris ou les pères étaient partis au front.
Ce jour-là, alors qu’elle tentait de convaincre une paysanne de laisser une sorcière examiner ses enfants, Ouf le chambellan vint, en personne, lui annoncer la mort de Lebo. Le Néant avait fini par gagner. Line partit, en larmes, ne s’arrêtant sous un porche qu’au bout d’une dizaine de minutes. La fatigue eut raison de ses nerfs.
Une fois que la fée n’eut plus de larmes, elle repartit. Elle vit que le Chambellan avait résolu son souci et que la sorcière examinait les enfants. Elle repensa à Lebo, et à la fois où la fée couturière lui avait sauvé la vie. Et, d’un seul coup, cela lui revint en mémoire. Le Néant l’avait touchée à la cheville, elle en portait encore la marque, comme une brûlure.
Ainsi, c’était le Néant qui l’appelait en songe. Elle en parla au vieux mage. Ce dernier lui conseilla de fermer son esprit pour dormir. L’homme en faisait autant, car les journées de combat pour les soins et l’accueil des réfugiés étant longues, il lui fallait un vrai sommeil réparateur. Line essaya le soir même.
Cela prit une semaine au Néant pour la retrouver. Elle voyait, à présent, le vieil homme partout, au château, dans la salle des gardes, ou dans les cuisines, mais aussi dans les camps de réfugiés. Cela perturbait sa mission.
Elle demanda au Roi la permission d’aller sur le front. Il fallait qu’elle sache et qu’elle rencontre le sinistre vieillard. Roi lui donna l’autorisation. La fée partit pour le ravin, limite des deux comtés. Elle s’approcha du néant, mais elle ne ressentit rien, pas même une douleur à la cheville. À force d’aider les réfugiés, Line finit par tomber dans le ravin, épuisée.
Quand elle rouvrit les yeux, elle se retrouva dans une pièce sans aucune lumière et sans son. Elle resta dans cette pièce. Pour ne pas devenir folle, elle tenta d’avoir un repère du temps qui passait.
Line vit, d’un seul coup, une lumière apparaitre. Un vieil homme, bien habillé, avec un monocle sur l’œil droit, vint à sa rencontre.
— Line, je suis le Professeur, le gardien de l’imagination. Les histoires ont encore besoin de toi.
— Cela fait combien d’années que je suis ici ? Dites-moi ? Je vous en prie !
— Cela fait tout juste deux semaines que tu as été emportée par le néant.
— Deux semaines ? Cela m’a paru une éternité …
— Ici, même le temps n’existe pas.
— Chrysanthème est en vie ?
— Oui. Son père est revenu, grâce aux belles histoires des enfants de la Terre. Ombre s’est sacrifiée pour que Sombre revive.
— Par la grande fée ! Pas Victor ?
— C’est donc ainsi qu’il s’appelait …
— Sombre va reprendre le trône de la nuit ?
— Non. Elle s’appelle Lilith, désormais, et sera avec sa famille.
— Et le trône des cauchemars ?
— C’est C. qui reprend le rôle.
— La fée maudite …
— Elle a souffert de la mauvaise considération de Viviane, et du fait de n'être perçue que comme un tyran. Nous avons passé un pacte. Elle récupère son rôle de fée des enfants, tantôt bonne, tantôt méchante, mais toujours juste. En échange, elle promet, par un serment inviolable, de ne plus nuire à l’équilibre.
— J’espère qu’elle aussi aura sa fin heureuse. Je ferais tout pour …
— Allez, Line, dépêchons nous ! Beaucoup d’aventures t'attendent.
—
Mestr Tom © Creative Commons BY SA