Khèty la sorcière

Première histoire

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Emmanuel et Lucas voulaient défier Igor, le chambellan du royaume des fées, au jeu de Mama Yaga. Malheureusement quand ils arrivèrent, les pions étaient bien présents mais leur adversaire était absent. Ils décidèrent alors de commencer une partie tous les deux.

Lucas menait la partie et Emmanuel tempêtait contre la chance de son petit frère.

La partie finie, ce dernier se moqua de lui car il n’avait fait que quatre points. De colère, le grand frère balaya les jetons, d’un revers de la main, qui tombèrent à terre.

À peine le Pion de l’archiviste tomba sur le sol, que les deux frères se retrouvèrent dans l’allée aux gargouilles dans le Comté de la nuit. Lucas prit peur de ce changement soudain d’environnement. Son frère le prit dans ses bras pour le rassurer bien que lui-même n’en menait pas large. Ils  se retrouvaient dans une pièce munie d’une grille en fer forgé, d’un seau d’eau, deux de quignons de pain sec et de foin malodorant.

Lucas avait les larmes aux yeux, Emmanuel n’en était pas loin mais il regardait leur nouvel environnement. Il s’aperçut que les clés de leur cellule étaient accrochées à un clou au mur en face d’eux. Si lui était trop grand, son petit frère pouvait passer sans grand effort sous la grille qui les retenait et venir lui ouvrir.

— Lucas ne t’inquiète pas nous allons sortir d'ici, passe sous la porte et après, ouvre-moi.

Le petit frère sécha ses larmes puis s’allongea sur le ventre et rampa sous la grille. Une fois passé, il prit la clé et ouvrit à son grand frère.

— Merci, déclara Emmanuel.

— Et après, on va où ? demanda de sa petite voix le petit garçon.

— Essayons de sortir d’ici, reste près de moi, ordonna le grand frère peu sûr de lui.

Emmanuel trouva étrange de ne rencontrer aucun garde et en suivant les panneaux, ils arrivèrent rapidement dans les étages supérieurs du château, là encore ce dernier semblait vide. Les deux frères avançaient prudemment dans les couloirs mais une lourde porte en fer forgé décorée de chauve-souris, de fantômes, de vampires et de jeunes enfants terrorisés leur barrait la route.

Cet étrange décor ne les rassurait pas du tout. Lucas vit un levier qui devait servir à l’ouvrir, mais il était trop petit pour l’atteindre.

— Emmanuel, je crois que c’est avec ça qu’on ouvre mais c’est trop haut pour moi. Toi tu es grand, essaye.

— Si parfois, on a besoin d’un plus petit que soi c’est aussi vrai pour les plus grands.

Il fallut que le grand frère se mette sur la pointe des pieds pour réussir à atteindre la poignée du bout des doigts et la tirer vers le bas. Ils entendirent alors le mécanisme de la porte rugir et l’immense porte s’ouvrit devant leurs yeux.

Ils se trouvaient devant une simple cabane de sorcière. Ils découvrirent  que celle-ci était inhabitée. Emmanuel commençait à se demander si le royaume n’avait pas fait exprès de les envoyer là pour qu’ils comprennent qu’ils étaient plus forts à deux. Le marais était empli de brouillard. Emmanuel remarqua les lanternes de flammes vertes qui se trouvaient devant chaque cabane. Le grand frère se dit qu‘en se dirigeant à l'aide de ces lumières ils réussiraient à sortir du marais.

Mais au bout d'une heure ils se retrouvèrent devant la cabane à la porte de fer. Les deux frères étaient désemparés. Soudain ils entendirent une voix venue du ciel :

— Je peux vous faire sortir des marais si vous voulez.

— Qui es-tu ? demanda Lucas.

— Je suis Khèty, la fille de la mère des sorcières.

— Donc tu es une sorcière ? demanda Lucas en tremblant.

— Oui mais je suis comme Mamie Yaga, je ne fais pas de mal aux humains.

— Mama Yaga, ce n'est pas le nom de celle que l'on surnomme la sorcière suprême ?

— Si, c'est ma grand-mère. Suivez-moi je vais vous raconter son histoire pendant que je vous montre comment sortir d'ici.

Emmanuel et Lucas se regardèrent interdits. De toute façon réfléchit l’aîné, c'était soit suivre cette fille plus qu'étrange, soit rester dans ce marais putride. Et puis l’aîné se dit qu'écouter une histoire changerait les idées de son petit frère.

— Nous te suivons.

Khèty les précéda en volant au ras du sol.

— Regardez où vous mettez les pieds. Mon histoire remonte à la création de ce royaume. Deux frères dirigeaient le royaume, Big et Bang chacun sous la surveillance de la grande fée et de la terrible fée. Les deux frères adoraient se faire des blagues et suite à une dispute Bang voulut créer la pire des sorcières pour tuer son frère. Seulement son frère le découvrit et jeta dans la potion de création tout un bocal de poussière de fées. Ma grand-mère fut ainsi créée. Des milliers d'années plus tard, alors que le royaume s'était divisé en deux, les deux fées avaient pris la direction du royaume. Mama soutenait la terrible fée car c'était une maman sévère mais juste et que la grande fée détestait que ma grand-mère soit plus puissante qu'elle. Mon grand-père était un chevalier de la grande fée. Il a disparu en même temps que la terrible fée. Visiblement la grande fée n'avait pas apprécié que son premier chevalier ait voulu sauver ma grand-mère. Mama se retrouva toute seule avec ma mère qu'elle éleva comme elle put. Quand la sixième mère sorcière mourut, Mama Yaga truqua l'élection suivante pour que ma mère soit nommée Mère des sorcières. Visiblement s'asseoir à côté de l'urne de vote en regardant la foule et en fumant sa pipe était suffisant pour Mama. Ensuite, il ne lui restait plus qu'à enlever mon père et je suis venue au monde. Je suis devenue une jeune sorcière des marais. Mama s'occupe aussi de mon éducation, ce n'est pas toujours facile surtout quand ma grand-mère a son côté sorcière qui reprend le dessus.

Soudain un jeune garçon habillé seulement d'un pagne de jute apparut devant eux.

— Un homme-garou ici, je vais en faire de la chair à saucisse. Je crois reconnaître le jeune fils du chef de Galthédoc. Pour vous, la route c'est tout droit.

La jeune sorcière prit en chasse le malheureux garçon.

Les deux frères continuèrent tout droit espérant que la trouée dans les arbres soit en effet leur porte de sortie.

Ils étaient enfin sortis des marais et la route de briques jaunes s'offrait à eux. De plus en regardant vers l'ouest, Emmanuel put remarquer que le pont du troll n'était plus qu'à quelques mètres. Une fois celui-ci passé, ils seraient sauvé. Lucas vit un jeton de jeu sur la route et se baissa pour le prendre.

— Attention, n’y touche pas, ça doit être un piège ! hurla son grand frère.

Le piège était trop tentant pour le petit frère qui prit l’objet dans les mains.

Aussitôt une sorcière apparut, ressemblant à une grand-mère un peu folle et d’un claquement de doigts elle enferma le jeune Lucas dans une cage qui se suspendit dans les airs.

— Mon petit frère, laissez mon petit frère ! supplia Emmanuel.

— Je suis Mama Yaga, la plus puissante des sorcières et le petit jeune m’a demandé de surveiller le pont.

— Mais nous devons rentrer chez nous, j’ai appris la leçon, jamais je ne m’énerverai si je perds une partie et mon frère ne se moquera plus de moi quand il gagne. S’il vous plaît, laissez-nous rentrer chez nous.

— Tu aimes mon jeu, comme l’archiviste, et bien nous allons jouer, si tu me bats, je vous renverrai tous les deux dans votre monde, mais si tu perds ce sera la fessée pour tous les deux et vous retournerez au cachot. Relèves-tu le défi ?

— Oui, je n’ai pas le choix, je relève le défi.

L’affreuse sorcière claqua des doigts et une table de jeu apparut devant eux.

— Je te laisse les jetons des fins heureuses, déclara la sorcière, je prendrai les miens.

Dans cette version du jeu, les pions du mal représentaient la sorcière sous la forme d’une adorable grand-mère et celle d’une sorcière diabolique.

La partie commença, Emmanuel gagna la totalité du premier tour mais, ni lui ni son frère ne se moquèrent de la sorcière, la victoire était encore loin. Le jeune garçon perdit les deux tours suivants, et le joker de la sinistre sorcière lui fit perdre six points.

Là encore, le grand frère resta imperturbable, seul Lucas commençait à s’inquiéter mais, si ses yeux commençaient à se couvrir de larmes, il ne dit rien.

Le quatrième tour permit au jeune garçon de se rattraper légèrement. Il prit ses jetons pour le dernier tour, réfléchit un instant, regarda son petit frère inquiet et lui fit un clin d’œil, signe que tout allait bien. Il plaça un jeton suivi d’un autre et une pile de trois. La sorcière fit de même. Elle gagna les deux premiers paris. L’écart était de cinq pions en sa faveur.

— Je crois que vous pouvez vous préparer à la fessée, c’est bientôt l’heure.

— Moi je crois que vous êtes une mauvaise gagnante et que vous auriez dû mieux regarder les pions. répondit calmement le jeune garçon.

Il dévoila alors d’un seul coup les trois pions de sa pile pour montrer son joker. Il sourit alors à son frère, il venait de remporter la partie à un pion près.

— Merci pour cette partie, déclara-t-il. Vous vous êtes bien battue, peut-être gagnerez-vous la prochaine fois.

— Bien joué jeune homme, en effet j’avais oublié votre joker. Je n’ai qu’une parole.

D’un claquement de doigts la sinistre Mama Yaga libéra le petit garçon. Le jeune Lucas sauta au cou de son frère.

— Il vous suffit de claquer des talons et vous rentrerez chez vous. Mais que je ne vous revoie plus sinon gare à vous !

Les deux frères claquèrent des talons et se retrouvèrent sur le stand du roi conteur. Emmanuel ramassa les pions et prépara une nouvelle partie. Vous voulez savoir qui a gagné ? Est-ce si important que ça ?

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