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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Khèty la sorcière fin

Troisième histoire

 

La jeune Mertille avait décidé de quitter le marais. Pas simple pour une jeune fille quand tout le monde vous rappelle que votre père est un sorcier et dirige le clan des hommes garous et votre mère est celle de toutes les sorcières.

 

Elle s'était rendue dans le nord du comté des fins heureuses à Balthavick. Se rendant chez l'épicier, elle apprit que le nommé Jordmund le bien aimé recherchait une cuisinière. Depuis l’âge d'or et la victoire de la princesse Chrysanthème contre le Néant, les gens du nord ne semblaient pas se souvenir de l'existence des sorcières. Le village où elle était arrivée servait de point de passage pour de nombreux commerçants. Cela rappelait à Mertille le marché du maïs un autre point de passage entre les marchands du comté de la nuit et celui du comté des fins heureuses.

 

Mertille était donc la nouvelle servante que Jordmund avait recrutée pour aider sa douce épouse à tenir le foyer.

Quand elle sortit de la demeure de ses patrons, elle aperçut une marque tracée sur la porte. Elle savait que des voleurs procédaient de la sorte pour revenir piller plus tard les propriétaires les plus fortunés. Toujours avisée, elle marqua de la même façon et au même endroit, avec de la craie, les deux ou trois portes qui précédaient et suivaient celle de la maison de Jordmund, et qui étaient absolument semblables. Elle n’en parla ni à son maître, ni à sa maîtresse.

 

Pendant ce temps, le voleur qui avait joué les éclaireurs avait rejoint sa troupe dans la forêt. Sans perdre de temps ils entrèrent dans la ville. Le chef des voleurs, guidé par celui qui avait dirigé l’enquête, arriva devant la première porte marquée par Mertille.

— Maître ! C’est ici ! Je reconnais la marque que j’ai apposée !

— Nous allons passer notre chemin comme si de rien n’était afin d’effectuer un premier repérage.

 

La troupe poursuivit donc sa route. Le chef des vilains remarqua que les quatre ou cinq portes suivantes portaient la même marque. Il interrogea celui qui s’était désigné comme volontaire.

— Pourtant, capitaine, je n’en ai marqué qu’une seule ! Malheureusement, il m’est impossible de la distinguer des autres.

L’entreprise ayant avorté, les voleurs retournèrent dans la forêt.

 

Le malheureux qui avait pensé gagner l’estime de son maître n’en menait pas large. Il ne savait plus quelle explication trouver. Il avait beau réfléchir, rien ne lui venait. La prochaine fois … Il n’eut hélas pas le temps de réparer son erreur. Le meneur avait désigné l’homme à ses varans qui n’en firent que quatre bouchées inégales. 

 

Le chef de la bande résolut alors de conduire lui-même l’enquête. Il savait qui avait dénoncé Jordmund et décida de le contraindre à coopérer. Leeland ne résista pas à la force de persuasion que représentent quatre varans prêts à le consommer vivant. Il conduisit l'homme jusque devant le jardin de la famille de Jordmund et le seconda jusqu’à ce qu’il ait visualisé tous les repères.

 

Ils allèrent jusqu’à couper de l’herbe en triangle sur un bord pour s’assurer qu’aucune erreur ne pourrait advenir une nouvelle fois. Il laissa la vie sauve au traitre pour ne pas alerter un quartier qui semble se défendre pacifiquement mais avec force. Les  bandits restants  l’attendaient dans la grotte.

 

À son retour, il enjoignit à ses hommes d’acheter dix-neuf mulets et trente-huit outres. Une seule serait remplie d’huile, les autres seraient occupées par un de ses hommes. Celui qui ne pourrait pas prendre place dans une des outres devrait oindre d’huile l’extérieur avant le départ pour que chacune ait le même aspect. C’est le chef qui conduisit en personne le convoi jusqu’à la demeure de Jordmund. Justement celui-ci prenait le frais à sa porte, après le dîner.

— Seigneur, lui dit-il, j’arrive de bien loin avec ce chargement d’huile que j’irai vendre demain au marché. Il est tard, je ne sais où me loger et je vous serais très obligé, si cela ne vous dérange pas trop, de vouloir bien me recevoir chez vous !

— Entrez ! répondit Jordmund sans hésitation, soyez le bienvenu.

Il commanda à un de ses serviteurs de mettre les mulets à l’abri.

 

Ensuite, il pria Mertille de préparer à souper pour son hôte, et lui tint même compagnie tout le long du repas. Le dîner terminé, Jordmund alla à la cuisine et dit à Mertille :

— Demain j’irai au bain avant le jour, fais-moi donc un bon bouillon, que je prendrai à mon retour !

 

Pendant ce temps, le chef des brigands s’était glissé dans la cour.

— Lorsque je jetterai des petites pierres de la chambre où je suis logé, dit-il tout bas à chacun, vous fendrez l’outre du haut en bas avec le couteau dont vous êtes armés. Vous en sortirez aussitôt…

Quant à Mertille, elle mit le pot-au-feu pour faire le bouillon. Elle était en train de l’écumer, quand la lampe s’éteignit ; elle s’aperçut que sa provision d’huile était épuisée, ainsi que la chandelle. Elle résolut de prendre un peu d’huile dans l’une des outres de l’hôte de son maître.

Elle alla dans la cour et s’approcha du premier récipient ; mais elle demeura stupéfaite en entendant une voix étouffée qui demandait :

— Est-ce le moment ?

Mertille s’aperçut que cette question provenait de l’intérieur de l’outre ; et, sans perdre sa présence d’esprit, elle répondit tout bas : — Non, pas encore… mais bientôt !

À chaque outre elle reçut la même question et fit la même réponse.

 

Quand elle fut à la dernière — la seule qui fût pleine d’huile — elle en emplit son vase et revint à la cuisine, persuadée que son maître avait donné asile à des voleurs.

Comment lutter contre une telle troupe ? Si elle donnait l’alerte dès maintenant, tous les occupants de la maison risquaient d’être tués par des hommes armés prêts à tout. Elle se rappela de ses cours à l'académie de sorcellerie et la terrible Aconitum Napellus que l’on dénomme aussi « capuche de moine », « Reine des poisons » ou « Casque du diable ». Elle savait où en trouver, tout simplement dans le champ voisin. Elle prépara une décoction de cette plante maléfique y ajouta de la menthe et quantité de sucre pour donner un goût agréable à la boisson mortelle. Mertille prépara plusieurs gourdes de poison et se dirigea vers les outres qui parlaient. Elle glissa dans chacune d’elle le breuvage mortel en annonçant que s’était de la part de leur chef attentionné. Lorsque plus rien ne sembla bouger, lorsque la vie sembla s’être échappée des voleurs, la jeune sorcière s’éclipsa.

 

Elle accomplit cela sans faire le moindre bruit ni éveiller le moindre soupçon, après quoi elle éteignit sa lampe et se posta à la fenêtre de la cuisine, pour observer ce qui allait se passer. Elle n’était pas là depuis un quart d’heure que le chef des voleurs donna le signal convenu en jetant des petites pierres. Ne percevant aucun bruit ni aucun mouvement, il se précipita dans la cour, et, approchant des outres. L’odeur de la mort avait envahi les outres. Il comprit que son entreprise venait d’échouer une fois encore et qu’il ne lui restait plus qu’à fuir. Il siffla, ses quatre varans approchèrent à toute allure et l’emmenèrent loin de cette contrée hostile et fatale aux voleurs.

 

Au retour du bain, Jordmund ne manqua pas de se trouver surpris en voyant les outres d’huile dans la cour étalées dans la cour. Mertille raconta alors à son maître ce qu’elle avait fait pendant la nuit, et le mit au courant pour les marques qu’elle avait tracées sur la porte.

— Tout ceci, dit-elle en terminant, est l’œuvre des brigands de la forêt… Ce que je ne sais pas, c’est combien restent en vie … Il faut donc vous méfier encore…

— Mertille, répartit Jordmund, je n’oublierai jamais que je te dois la vie !

Aidé par Mertille, Jordmund creusa au bout de son jardin une fosse immense, dans laquelle il enterra les corps des voleurs, afin de ne pas éveiller l’attention de ses voisins. Il cacha enfin les outres et les armes puis fit vendre les mulets sur divers marchés.

 

 

Cependant le chef des voleurs ne se tint pas pour vaincu, et, de retour à la grotte, songea aux nouveaux moyens qu’il allait employer pour se débarrasser de Jordmund.

 

Dès le lendemain, il revint à la ville et se logea dans une échoppe où il transporta d’étranges instruments qu’il trouva dans son repaire de la forêt. Puis il loua une boutique vis-à-vis de celle occupée naguère par Jordmund.

 

Pendant ce temps, Mertille s’était renseignée sur le chef des voleurs, elle avait enchanté un miroir et avait contacté sa mère. Depuis sa naissance, le marais des sorcières avait évolué. Une bibliothèque s'y trouvait maintenant en plus de celle de l'académie des sorcières. Khèty sous le conseil de Mama Yaga avait envoyé plusieurs sorcières dont la jeune Ambre qui grossirent les rangs des baladins.

 

Le chef des voleurs qui se faisait désormais appeler Yorg, avait changé d’aspect. Il ressemblait à un homme mûr et cultivé. Il ressemblait au père idéal. C’est ainsi qu’il ne tarda pas à se lier d’amitié avec le jeune homme. Il poussa l’amabilité jusqu’à lui faire des cadeaux et des invitations. Jordmund se crut naturellement obligé de lui rendre ses politesses. Il s’arrangea pour faire le lendemain une promenade avec Yorg et, au retour, de l’inviter à prendre place à sa table, ce qu’il fit, mais Yorg refusa de rester à souper, prétextant qu’il ne mangeait aucun mets salé.

— Qu’à cela ne tienne, reprit Jordmund, je vais donner les ordres nécessaires. Et il s’esquiva pour donner de nouveaux ordres à Mertille.

Celle-ci ne cacha pas son mécontentement et se promit bien de connaître cet homme qui ne mangeait pas de sel.

 

Dans ce but, elle aida  à porter les plats sur la table et elle reconnut tout de suite, malgré son nouvel aspect, le chef des quarante voleurs, qui, de plus, dissimulait un poignard sous son habit.

— Heureusement, je suis là pour l’empêcher d’accomplir son dessein ! pensa Mertille.

Elle se vêtit d’un costume de danseuse, et noua autour de sa taille une ceinture d’argent doré, où elle passa le poignard des sorcières et exécuta plusieurs danses psalmodiant des sortilèges de protection pour sa famille. Pour terminer, elle tira le poignard de sa ceinture et imagina des figures d’une diversité surprenante, feignant tour à tour de vouloir frapper un invisible spectateur face à elle ou un monstre venu des cieux. Yorg avait déjà tiré sa bourse et se préparait à l’ouvrir quand Mertille, qui avait réuni tout son courage lui enfonça son poignard magique dans le cœur, si profondément que la mort fut instantanée.

 

Dégrafant l’habit de Yorg, elle montra à Jordmund le poignard dont il était armé.

— Et ne reconnaissez-vous pas en lui le faux marchand d’huile, le chef des  voleurs ?

— Mertille, répliqua Jordmund, je t’ai promis une récompense digne de tes bienfaits mais c'est mon fils qui veut te demander quelques choses.

— Mertille, je sais que tu es plus qu'une simple servante. Je t'ai vu dans la bibliothèque Veux tu m'épouser

— Avant que tu ne me reposes la question j'ai une chose à vous dire à tous.

La nouvelle fut suprenante mais le Ragnar le fils de Jormund réitéra sa demande et Mertille accepta. Leurs noces furent célébrées au printemp suivant. Discrètement déguisé en dresseuse accompagnés d'un loup gigantesque, une femme vint présenter ses hommages aux mariés.

— Mertille, ma fille, ainsi tu as trouvé ta voie, ici ?

— Oui, mère.

— tu es heureuse ?

— Oui, mère.

— Ton mari sait-il que tu viens du marais ?

— Je lui ai dit pour nos fiançailles.

— Alors tout est bien. Si tu as une fille envoie là à l'académie

— Je te le promets, mère.

— Nous y allons encore, toutes nos félicitations.

Le loup se pencha devant sa fille et les deux parents partirent sans un mot.

 

FIN

 

Mestr Tom © Creative Commons BY SA

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