Tara l'apprentie bibliothecaire 2
C’était l’été, ayant un peu marre de barboter dans la piscine, les trois frères avaient décidé de partir
en randonnée dans les montagnes. Un ami conteur leur avait signalé une grotte qui pouvait les
intéresser. Dylan l’aîné prit ses bâtons de marche pour faciliter l’ascension.
— On va pas skier, lui balança Axel son petit frère.
— C’est pour toi si tu avances pas assez vite crapaud.
Axel pesta et commença à bouder. Cela ne dura pas, il ne voulait pas rester seul à la maison. La
marche fut ardue mais les paysages de Haute Savoie étaient magnifiques. Une fois arrivés à la
grotte, ce fut les poses photos pour immortaliser leur exploit.
— Arrêtes de montrer ton postérieur Axel, tempêta Dylan.
— Oui mais toi et Mathis vous avez fait des poses drôles aussi.
— C’est vrai mais on ne montre pas nos fesses, le but c’est de voir nos visages. Allez prends ta
pose.
Axel prit une pose d’enfant sage mais se retourna au dernier moment.
Son grand frère ne dit rien, il rangea l’appareil maternel et commença la redescente.
— Et ma photo ? Demanda Axel.
— Je t’ai laissé une chance tant pis pour toi.
— S’il-te-plaît, implora le benjamin larmoyant.
— Trop tard, c’est l’heure de rentrer.
— S’il-te-plaît, implora de nouveau Axel, je te demande pardon.
— Maman verra les photos de ton short, je ne suis pas sûr qu’elle soit contente.
— Allez s’il-te-plaît, promis je ne ferai pas l’idiot.
— Allez Dylan laisse-le sinon il va nous casser les pieds sur le chemin du retour.
— Ok mais s’il recommence il prend mon pied au cul.
Dylan accepta de remonter à la grotte avec Axel qui séchait ses larmes.
Le benjamin prit la pose devant le fond de la grotte, sourire forcé, les doigts de la main droite
faisant le « V » de la victoire. Dylan régla l’appareil et se prépara à viser quand il vit deux énormes
yeux jaunes derrière son petit frère. Par réflexe il appuya sur la détente, le flash s’activa et la
créature hurla.
— Mathis, Axel, on fonce !
Une fois en sécurité Dylan s’aperçut que le paysage avait changé et la nuit était tombée.
— Nous sommes restés trop longtemps dans la grotte.
— Il est trois heures de l’après-midi, il ne fait pas nuit noire à cette heure-ci.
— Je peux voir ma photo ? demanda le plus jeune.
— Oui, tiens, lui répondit son frère en lui tendant l’appareil.
— Ma montre indique aussi trois heures et c’était quoi ce cri ?
— Un dragon ! cria Axel.
— Je n’aperçois plus la route en contrebas.
— Les gars derrière moi, c’était un dragon ! hurla Axel excité.
Dylan et Mathis regardèrent l’appareil photo et découvrirent avec stupeur le puissant saurien.
— Ok donc nous ne sommes plus sur terre ! La question est : comment on rentre chez nous ?
— Je vois une fumée de cheminée allons voir.
— On va rentrer chez nous Dylan ? demanda le benjamin.
— Oui, ne t’inquiète pas, tenta de le rassurer son grand frère.
Ils marchèrent prudemment, Dylan surveillant les alentours pendant que Mathis scrutait le ciel. Ils
arrivèrent devant une maison en bois très colorée. Sur le fronton était indiqué : « bibliothèque ».
Dylan ouvrit prudemment la porte. L’intérieur de la bibliothèque était immense. Les étagères de
livres montaient bien au-dessus de la hauteur de la petite maison.
— Waouh ! C’est plus grand à l’intérieur qu’à l’extérieur, déclara Mathis.
Il y avait des tables avec des pupitres et de petites lampes vertes.
Un grand comptoir en bois séparait la pièce de lecture des livres. Mathis appuya sur la sonnette qui
retentit. Une jeune fille aux cheveux châtains légèrement ondulés arriva.
— Bonjour, je suis Tara, l’assistante de l’archiviste. Que voulez-vous ?
— Nous étions dans une grotte et soudain est apparu un dragon alors que la grotte n’avait pas assez
de profondeur et quand nous avons fui nous nous sommes retrouvés dans votre monde, répondit
Dylan.
— C’est sûr que réveiller un dragon, ce n’est pas une chose à faire. Parfois s’il garde une grotte une
dispute peut les réveiller.
Dylan regarda Axel qui haussa les épaules.
— Et à quoi ressemblait ce dragon ?
Dylan prit l’appareil et montra la photo.
— Ah oui, il est plutôt colérique celui-là. Je doute qu’il soit facile à convaincre pour votre retour.
Vous allez devoir aller voir le gardien du feu. Le plus vieux dragon des deux Comtés. Il est dans
celui des fins heureuses. Je vais vous confier à une de mes assistantes.
Elle partit vers le fond de la pièce et revint avec une jeune fille en fauteuil roulant.
— Je vous présente Théa, elle vous guidera jusqu’au dragon. À vous de la convaincre de vous
renvoyer chez vous.
— Bonjour Théa, je suis Dylan.
— Moi Mathis.
— Et moi Axel.
Théa les salua de la tête.
— J’ai oublié de vous dire, Théa ne parle pas mais vous ne trouverez pas meilleur magicienne pour
vous aider dans votre quête.
Mathis prit le fauteuil de Théa et ils partirent.
Théa ne parlait pas, du coup ce fut le silence absolu pendant tout le début du trajet. Les trois frères
ne comprenaient pas pourquoi la jeune fille, leur avait confié quelqu’un qui ne parlait pas. Devant
eux se dressa la muraille du nord. Ils avaient atterri au nord du Comté de la nuit dans l’ancienne
terre des ogres. Ils tombèrent sur un problème. La muraille ayant été construite pour emprisonner
les ogres, elle ne pouvait s’ouvrir que depuis le sud.
Théa tendit la main vers l’immense porte en bois. Ils entendirent tous une série de bruit et la porte
s’ouvrit. Théa regarda alors les trois frères en souriant.
— Waouh ! Trop forte. Elle est trop puissante.
Les trois frères félicitèrent Théa avant de continuer leur route. Ils arrivèrent à la route de briques
jaunes et la suivirent en direction du palais des fins heureuses. Au bout d’un moment ils entendirent
un homme pleurer. Ils allèrent voir et tombèrent sur un jeune homme vêtu de rouge avec un étrange
chapeau sur la tête.
— Il y a un souci ? demanda Mathis toujours prêt à secourir la veuve et les lutins.
— Je suis perdu et je dois retrouver mon maître, le seigneur des baladins.
— Viens avec nous, nous allons au palais des fins heureuses. Là-bas quelqu’un aura bien une
solution. Je m’appelle Mathis et voici Dylan, Axel et Théa
Alors qu’il présentait la jeune fille, celle-ci se mit à trembler. C’était impressionnant, Axel prit peur,
Dylan le prit dans ses bras et commença à chanter. Mathis tout bon secouriste qu’il était tenta de
soigner la jeune fille. Le jeune homme sortit un pipeau de sa veste et commença à jouer la même
mélodie que chantait le frère aîné. La jeune fille se calmait un peu alors Mathis reprit la chanson et
fit signe à Axel de faire de même. Quand tous chantèrent à l’unisson, la crise de Théa prit fin.
— Bon, visiblement, l’ouverture de la porte l’avait vidée de sa magie. La musique semble lui en
redonner, déclara Dylan.
— Content que tu ailles mieux Théa, nous ne voulions pas perdre notre amie et une super
magicienne, continua Axel.
— Tu t’appelles comment ? demanda Mathis au musicien.
— Je ne sais pas, je n’ai pas de nom. Romaric, mon maître, dit toujours que je suis un sacré
galopin.
— On t’appellera Galopin alors.
— D’accord
Le soir au coin du feu chacun raconta son histoire et tous chantèrent ou jouèrent de la musique pour
le grand bonheur de Théa. Au matin, ils repartirent tous en direction de la grotte du vieux dragon.
Alors qu’ils allaient bientôt arriver à destination, le terrible dragon se posa devant eux.
— Vous m’avez réveillé, vous en paierez le prix. Livrez-moi l’enfant.
— Qu’allez-vous lui faire ? demanda Dylan d’une voix peu assurée.
— Je vais lui chauffer les fesses de mon souffle puissant.
— Hors de question, répondit Mathis, vu sa taille vous allez le cramer tout entier. Ensuite un feu
dans une forêt, vous êtes imprudent ou sot. Les pompiers ont autre chose à faire que rattraper vos
bêtises.
— Je suis un prince dragon ! rugit le gigantesque saurien.
— C’est pas incompatible, répondit le cadet.
— C’est pas faux ! renchérit le benjamin.
Le dragon cracha ses flammes mais Théa créa un bouclier magique autour d’eux. Un duel s’engagea
entre le gros lézard et la magicienne.
Galopin, voyant Théa faiblir, commença à chanter un air qui fut repris par Dylan puis Mathis et
enfin Axel qui tremblait de plus en plus. Théa reprenait des forces mais sa tâche était difficile car en
plus de protéger les garçons elle devait aussi empêcher la forêt de partir en fumée. Alors que la
magicienne recommençait à trembler on entendit un violon, puis un homme apparut, puis ce fut un
autre qui se joignit au chœur des garçons, le suivant fut un joueur de flûte. Galopin sortit son pipeau
et continua l’air. Les hommes et les femmes arrivèrent de partout et se joignirent aux voix ou à la
musique, il y eut bientôt une cinquantaine de personnes. Théa leva sa deuxième main. Elle fléchit
les bras comme pour abandonner. Un homme corpulent vêtu d’un masque en forme de feuilles
apparut et de sa voix grave reprit le chant. Théa relâcha ses bras et renvoya l’attaque de flammes au
dragon qui partit en fumée. La magicienne lança un dernier sortilège avant de tomber de sommeil.
Les femmes s’occupèrent d’elle avec Mathis.
— Ce sont les baladins, déclara Galopin, ils ont entendu mon appel.
— C’était quoi cette musique ? demanda Axel. Moi j’ai eu chaud aux fesses. Elles ont failli cramer.
— Un chant baladin, sur le printemps de Vivaldi et voici mon maître.
Le seigneur des baladins vint saluer l’assemblée qui entama un chant sur la musique de l’été. Théa
se réveilla et fut remerciée et félicitée par les garçons. Le soir venu tous firent la fête. Le chant de
l’automne fut entonné et Théa fit signe aux trois frères de se mettre devant elle. Les baladins lui
avaient donné assez d’énergie pour qu’elle les renvoie chez eux. Ce fut le moment des adieux que
chacun espérait n’être qu’un au revoir.
Des larmes coulèrent, l’hiver retentit. Les garçons fermèrent les yeux et quand ils les rouvrirent ils
étaient dans la grotte.
La nuit était tombée, ils se dépêchèrent de rentrer. Leur mère inquiète les attendait sur le pas de la
porte.
— Vous avez vu l’heure ?
— Maman c’est parce qu’on a réveillé un dragon, j’ai failli brûler mais Théa, une fille qui parle pas
mais qui est une super magicienne, nous a aidé et nous on a chanté avec les baladins qui étaient
pleins pour battre le dragon, répondit Axel.
— Un dragon, c’est ça.
— Vas y montre lui la photo Dylan.
L’aîné tendit l’appareil à sa mère qui le regarda.
— Tout ce que je vois c’est un petit garçon en train de montrer ses fesses.
Elle prit son benjamin par l’oreille et l’entraîna vers l’intérieur de la maison.
— Je crois qu’on échappe pas à son destin, finit par dire Axel.
La punition fut clémente car leur mère était rassurée de les savoir sains et saufs. Les garçons, en
s’endormant, ne pensaient qu’à leur prochaine aventure en espérant que Théa et Galopin seraient là