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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Les fées de l'ombre fin

Karine n’avait pas le moral. Les mauvaises nouvelles s’accumulaient et les salons où elle allait
revoir ses amis étaient encore loin. Elle prit alors le cristal de conte et pensa à ses amies les
gargouilles qu’elle avait laissées en mauvaise posture auprès d’une maîtresse tyrannique. Elle
souhaitait aller les voir, non pas pour vivre une nouvelle aventure mais simplement pour passer un
moment avec elles, prendre de leur nouvelle et boire un thé en leur compagnie.
Quelle ne fut pas sa surprise quand elle apparut dans une forêt parsemée de clairière. Visiblement
elle était un peu plus au Nord d’où elle voulait arriver. Elle savait que Justin avait vaincu le dernier
des ogres. Elle avait entendu l’histoire par un autre voyageur : Mama Yaga, énervée d’être dérangée
par Justin, lui avait indiqué le château de l’ogre au lieu de celui qu’il cherchait. Dans sa maladresse
Justin s’était cassé la figure, ce qui avait fait rire l’ogre jusqu’à ce qu’il s’étouffe et trépasse. Bref,
plus d’ogre au nord de la muraille. Les trolls avaient sans doute pris leur place. Karine tira son épée
par sécurité. Soudain, elle vit devant elle un petit chat rose et bleu. L’animal miaulait en partant vers
le nord. Sans savoir pourquoi Karine se décida de le suivre. L’air se fit plus froid tout à coup et les
chants des oiseaux se firent plus rares. La neige commença à tomber.
Karine sentit son cœur se fermer, sa joie disparaître. Alors que la jeune femme tombait dans
l’apathie la plus profonde, un homme vêtu d’une cape noire, le visage masqué, arriva et la prit dans
ses bras. Karine sentit ses forces l’abandonner.
— Maudit Baladin, elle est à nous. Ma maîtresse la réclame.
— Jamais nous laisserons l’une des nôtres sombrer au Néant, maudit chat.

— Ton cœur sera bientôt froid, la reine blanche te prendra en son pouvoir.
— Mon cœur ne pourra jamais être froid quand je suis avec celle que j’aime.
La jeune aventurière ne comprit pas les paroles de l’homme mais avant de tomber de sommeil, elle
eut juste le temps de voir sa broche. C’était un Baladin tout comme elle.
Quand Karine se réveilla, elle était dans un grand lit à Baldaquin, un jeune homme qu’elle ne
reconnut pas dormait sur un tabouret en X. Elle se rappela son sauvetage et avoir vu le petit chat
devenir un jeune garçon terrifiant. Elle avait cru voir aussi une dame blanche dans la forêt, les
regardant partir. Quand la jeune femme se leva sans faire de bruit, une des planches du parquet
grinça. L’homme ouvrit les yeux :
— Tu es réveillée, tu as repris des forces ?
— Oui, j’ai faim maintenant, tenta la jeune femme.
— Je peux aller te chercher un plateau de victuailles, proposa son sauveur.
— Non ça va, je peux marcher, où sommes-nous ? demanda-t-elle
— Dans la muraille des ogres. La concubine du Néant s’est installée dans leur château. Cinq
monstres l’ont rejoint. Tu as croisé ce diable de Chester et la reine des neiges ne devait pas être loin.
— Qui es-tu ?
— Tu ne me reconnais pas, il faut dire que j’ai grandi. Maître Romaric a tenu sa promesse dès que
j’ai su lire et écrire convenablement, je suis devenu un baladin.
— Silohène, c’est toi ? S’étrangla la jeune femme interloquée.
— Et oui. J’espérais te revoir un jour. J’ai pas mal grandi, toi tu n’as pas changé.
— Le temps ne s’écoule pas pareil chez moi, répondit Karine tout en marchant vers les cuisines.
— J’avais compris. Je vais te faire la visite.
— Sombre dirige toujours le comté ?
— Non C. a été libérée, elle a sauvé le royaume du Néant, étant la dernière fée en vie. Sombre est
redevenue Lilith et a rejoint son mari et sa fille dans le Comté des fins heureuses. La terrible fée a
retrouvé son fils Colin qui est à présent le gardien de l’ombre et l’ambassadeur de sa mère au grand
Chêne tenu par Line.
— Que de changements, commenta Karine entre deux morceaux de pommes.
— Oui, tu as été absente longtemps.
Karine finit son repas dans le silence. Elle fut gênée par les regards intenses de Silohène. Le petit
cancre était devenu un beau baladin.
— Quel est ton pouvoir ? Finit-elle par demander plus pour rompre le silence que par curiosité.

— J’ai acquis une grande rapidité, je me déplace très vite même dans les bois. J’ai vécu plus de dix
ans avec les forestiers, ajouta le jeune homme.
— Je comprends.
— Je pensais à toi, toutes les nuits, souffla-t-il comme un aveu.
La jeune femme ne sut plus quoi répondre. Au bout d’un instant elle reprit, changeant de sujet :
— Je suis venue voir mes amies les gargouilles, elles sont toujours en faction sur les remparts ?
— Là encore tu vas avoir un choc mais il vaut mieux que tu vois par toi-même, suggéra-t-il
énigmatique.
Karine monta les marches avec impatience. Arrivée en haut, elle vit cinq de ses amies. Elles
n’avaient plus le physique désavantageux des gargouilles mais celui de jolies jeunes femmes à la
peau grise de la pierre mais à la beauté du cœur incroyable. Elles avaient toujours leur pierre
précieuse sur le front. Elle reconnut Ghilde la couturière, Osatine la fée des chats noirs, Gourgua la
fée potelée et gourmande.
— Vous revoilà vous-même mes amies, s’extasia la jeune femme.
— Oui et toi tu n’as pas changé, répondit Ghilde.
— Pour moi cela ne fait qu’un an, déclara doucement Karine.
— Pour nous quelques siècles. Notre reine nous a rendu notre apparence d’antan. Après tout,
Viviane n’est plus la grande fée.
— Oui, on m’a informée que Line avait pris sa place, précisa la jeune femme mais qu’est devenue
Viviane justement ?
— C’est elle que nous surveillons. Elle est revenue de l’île des temps oubliés, elle a été libérer le
Néant en affaiblissant l’imagination des créateurs. C’est devenu sa concubine.
— Un rôle parfait pour elle, commenta Karine, amère.
— Je vais devoir te laisser avec tes amies Karine, annonça Silohène. Je vais voir le Professeur avec
les trois généraux pour leur faire part des dernières nouvelles.
— Merci de m’avoir sauvée Silohène. Nous nous reverrons à ton retour.
Karine termina la garde avec ses amies les fées de l’ombre. Elle se rendit ensuite à la salle de repos
et croisa Jezabel la capitaine des gargouilles qu’elle salua avant que celle-ci ne prenne sa garde.
Alors que Karine goûtait un repos bien mérité, la cloche retentit. Toutes les fées se précipitèrent sur
le mur. Silohène était aux côtés de la jeune femme. Tiamat annonça sombrement :
— L’hiver arrive.
En effet, la plaine au nord du mur se recouvrait de givres et déjà l’immense muraille était attaquée
par la glace.

— Ils sont trois : Chester, la reine blanche et Tracassin. Mes sœurs, nous résisterons jusqu’au bout,
le Néant ne doit pas franchir ce mur. Vous deux, allez prévenir notre reine du danger, ordonna-t-elle
aux baladins, elle est au nord du maïs avec les trois princes. Nous comptons sur vous.
— J’irai plus vite seul. Il faut que quelqu’un relate ce qui va se passer ici.
Sans attendre de réponse, Silohène partit à toute allure en direction du château des cauchemars.
Oriona essayait de lutter contre la glace, épaulée par Espérance. Pendant ce temps Aria et Osatine
luttaient contre les chats du Néant invoqués par Chester. Tiamat, Libra et Gourga repoussaient les
assauts de l’ignoble nain Tracassin et ses sortilèges. Karine soudain eut une vision. Elle vit Silohène
transformé en mouton par un joueur de flûte. Elle prévint Enkhi et Inet qui s’occupaient déjà de
soigner leur sœur. Ganymède prit Karine par l’épaule :
— Laisse-toi conduire par tes sentiments, s’ils sont assez forts alors il entendra ta voix. Karine
pensa très fort à Silohène et lui cria de ne pas faire confiance à la musique.
— J’espère pour nous toutes que le message sera porté.
— Moi aussi, répondit la fée.
L’attente fut longue pour toutes les fées qui représentaient à cet instant la première ligne de défense
contre le Néant de tout le royaume.
Alors que plusieurs fées étaient déjà tombés et qu’Espérance ne pouvait plus rien, C. apparut sur la
muraille, elle la frappa de son bâton et la glace en tomba. Puis elle jeta la fiole contenant le sinistre
joueur de flûte au pied des remparts. Celle-ci se brisa et le sinistre musicien fut emprisonné avec les
autres compagnons du Néant. Le bilan était lourd : huit fées étaient tombées au champ d’honneur.
La terrible fée avait réussi à sauver Espérance de justesse. Karine regarda les draps qui recouvraient
les corps de ses amies, chacun était brodé d’un symbole.
— Je les ai commencés au début de la guerre, je ne pensais pas devoir les utiliser si vite, pleura
Ghilde. Pas celui de Jezabel.
Karine prit la fée dans ses bras et essaya tant bien que mal de la réconforter malgré son propre
chagrin.
Les fées de l’ombre pleuraient leurs morts quand on frappa à la porte de la muraille. Le héraut du
grand chêne était là. Il était demandé par procuration royale aux fées de l’arbre mort de venir au
grand chêne. Les fées se rendirent alors au Comté des fins heureuses. Le corps de leurs sœurs
tombées au combat suivant l’attelage. Quelle ne fut pas leur surprise quand, une fois le pont franchi,
elles virent une foule immense les acclamer, des gens les remercier, des enfants venir leur proposer
un câlin. Elles qui étaient toujours apparues pour les effrayer. Puis la foule se tut et les gens
portèrent la main à leur chapeau pour saluer le passage des huit cercueils. Une fois arrivée au grand
chêne, l’équipée fut introduite auprès de Line. C’était la première fois depuis leur naissance que
toutes les fées rejetées voyaient le grand chêne.
Line descendit de son trône pour saluer C. et s’inclina devant les fées de l’ombre. Elle et sa consœur
s’assirent sur leur trône respectif. Silohène vint se placer derrière Karine.
— Je te raconterai tout après, lui glissa-t-il.

— Oui après, asséna sèchement Karine qui ne voulait pas perturber cet instant solennel.
Line se leva :
— Aujourd’hui nous remercions ces fées que Viviane avait bannies bien avant ma naissance. Par
proclamation royale nous accueillons ces fées au grand chêne. Les noms de Jezabel, Tempérance,
Charity, Virgo, Oriona, Osatine, Gemina et Alegria seront notés en lettres d’argent sur la liste des
fées tombées lors de la première guerre du Néant. Ghilde selon les volontés de Jezabel que nous a
transmis votre reine, tu es à présent chef des fées protectrices du Nord et leur ambassadrice au grand
Chêne.
Ghilde ne put retenir ses larmes, elle fut tout de suite épaulée par Espérance.
— Nous vous nommons au grade de Paladins du grand Chêne, vos sœurs seront remises à l’arbre
qui les a vues naître.
Ghilde qui avait repris ses esprits regarda les deux souveraines.
— Vos Majestés, c’est beaucoup d’honneurs et mon cœur ne réalise pas car il pleure encore mes
sœurs. J’aurais cependant deux faveurs à vous demander. La première est que nous puissions porter
le titre de Paladin de la muraille, c’est notre maison désormais. La deuxième est que nous puissions
rendre à la nature nos sœurs dans l’arbre mort qui a si longtemps été notre refuge.
Line regarda C. qui fit un léger signe de tête.
— Ces faveurs vous sont accordées.
— Si ces majestés veulent bien nous excuser, nous avons une muraille à défendre, déclara Ghilde en
s’inclinant.
— Mais, et la fête ? Gémit Léloi de stupeur.
— Quand nous aurons vaincu le Néant ma chère sœur.
Sans un mot de plus, les fées de l’ombre prirent le chemin du retour. Chacune regarda le nom de ses
sœurs sur le mémorial avant de quitter définitivement le grand Chêne.
— Karine et Silohène, merci pour votre aide, reprit Line. Maître Romaric va vous remettre les
insignes de Paladin du Chêne en plus de ceux de baladin que vous avez déjà.
Le chef de la confrérie des baladins avait fait le déplacement. Karine avait de plus en plus de mal à
retenir ses émotions.
Le soir, Silohène rejoignit la jeune femme sur la terrasse de l’auberge où ils s’étaient installés :
— Tu m’as encore sauvé la vie.
— Je n’ai fait que donner le message, c’est Ganymede qui a assuré le transport, minimisa Karine.
— Elle m’a dit que sans tes sentiments à mon égard, cela n’aurait pas été possible, insista le jeune
homme.

— Comment as-tu résisté au musicien ? demanda la jeune femme.
— J’ai bouché mes oreilles avec de la cire. Je suis passé à côté de lui grâce à ta cape et j’ai prévenu
C. Ganaël était là, il a lancé un sort pour capturer le musicien et C. a pu intervenir sur le mur sans
craindre son chant.
— Je vois. Moi qui voulais juste un thé, j’assiste à la première bataille d’une grande guerre et à la
mort de huit de mes amies, ajouta tristement la jeune femme.
— N’y a-t-il que cela ? M’aimes-tu Karine ?
— Je ne sais pas. Pour moi, c’était hier que tu étais encore un enfant qui faisait l’école buissonnière,
j’ai du mal à savoir ce que je ressens, précisa-t-elle.
— La prochaine fois que tu viendras, je serai peut-être grand père.
— Je pense que si je t’aime alors c’est peut-être moi qui serais grand-mère et pour toi seulement
une journée sera passée.
— Oui mais une journée sans toi c’est déjà trop, assura le jeune homme.
Karine l’embrassa.
— Pour l’instant, c’est tout ce que j’ai à t’offrir, lui annonça-t-elle.
— Je saurai m’en contenter.
Karine lui lâcha la main et se réveilla

 

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