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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Les fées de l'ombre 2

Karine était hospitalisée pour des examens de contrôle. Ce soir-là, comme elle s’ennuyait, elle sortit
un cristal de conte de son sac en velours et le plaça sous son oreiller avant de chercher le sommeil.
Après quelques temps, elle se réveilla dans une auberge peuplée de personnes diverses qui
écoutaient un baladin. Avisant une table de libre, elle s’y assit pour écouter à son tour. Le chanteur
parlait de troubles dans le Comté de la nuit. Visiblement les trois chefs de clans avaient rendu les
armes, mais nul ne savait qui dirigeait à présent le sinistre château. Il allait falloir enquêter jusque
dans le terrible Comté pour savoir qui le menait à présent. Depuis que la terrible fée avait été
emprisonnée par la gardienne du chêne, les membres du triumvirat composé du prince vampire, de
la mère sorcière et du chef des meutes s’étaient disputés une guerre féroce. La jeune femme trouvait
étonnant que la puissante sorcière Mama Yaga n’ait pas pris la couronne. Toutefois la vieille femme
n’avait jamais cherché le pouvoir.
— Nous avons besoin qu’un volontaire se rende au château des cauchemars pour découvrir qui est
la nouvelle maîtresse des lieux, annonça le baladin.
Tous se regardèrent dans les yeux mais aucun ne se proposa.
— Je veux bien y aller, déclara Karine en levant la main.
— Bonjour jeune aventurière, tu ne fais pas partie de la confrérie des baladins, n’est-ce pas ?
Énonça celui qui semblait être le chef.
— On pourrait lui donner le mot de passe pour cette mission ? proposa un jeune homme blond.

— Jamais ! Il faut avoir accompli un acte de bravoure, pour cela ! S’opposa une dame un peu plus
âgée.
— C’est une des lois de notre ordre Théo, mais puisque tu sembles convaincu par la candidature de
cette jeune femme, tu es désigné volontaire pour l’accompagner.
Le jeune homme grommela mais il prit son carnet et sa plume sur la table et suivit sa nouvelle
compagne d’aventure qui sortait de l’auberge.
— J’ai des amies là-bas, annonça Karine, les fées de l’ombre, je vais leur demander des
renseignements.
— Les fées de l’ombre ont disparu il y a bien longtemps, railla le dénommé Théo.
— Non, elles ont juste changé de forme. J’étais là, affirma-t-elle.
— Je vois, souffla-t-il, tu es une créatrice. Je te suis, si tu veux bien me raconter leur histoire, je
pourrai la noter pour l’archiviste, voir la mettre en chanson.
Théo sortit sa plume et son carnet. Karine lui raconta son aventure avec les fées de l’ombre.
— Tu lui porteras cette histoire après notre aventure ? S’enquit la jeune femme en le voyant ranger
son matériel.
— Non, il l’a déjà. Les carnets des baladins sont jumeaux. Tout ce que j’écris dans ce carnet
apparaît dans celui qui est chez l’archiviste. Cela permet aussi de demander de l’aide.
— C’est pratique, c’est votre seul pouvoir ?
— Oui, et nous avons notre broche et le mot de passe des baladins. Sinon chaque membre à ses
pouvoirs propres, moi je soigne avec la musique, précisa le jeune homme.
— Bien, c‘est bon à savoir, même si j’espère que nous n’en aurons pas besoin, ajouta Karine.
La première surprise de l’aventurière fut le pont de pierre du troll Urbain.
A l’époque de son premier passage dans le royaume, c’était encore un pont de bois et de corde.
Cette fois un grand pont de pierre dont le linteau principal était orné du visage d’un troll de pierre
souriant, s’élançait devant elle.
— Qui est-ce ?
— C’est Urbain, répondit le baladin, un troll de pierre végétarien. Quand il a fui son clan cela a créé
la confusion auprès des soldats qui s’attendaient à une invasion depuis des mois à cause de
l’animosité entre les deux puissantes fées. Le pont a craqué à cause du poids d’Urbain mais surtout
de sa vétusté. En bon troll de pierre il a construit rapidement le nouveau pont, mais lors du conflit
final, la grande fée a eu besoin d’un sacrifice pour le sortilège de bannissement. Urbain se pensant
responsable a donné sa vie. Le vieux mage nous a dit que l’âme d’Urbain est enfermée dans le pont.
Les personnes dotées de mauvaises intentions ne peuvent passer le pont sans être projetées dans le
néant. Sans que l’on sache pourquoi, la Grande fée a sauvé sa consœur au dernier moment. Depuis
elle est enfermée dans un sortilège de cristal.

— C’est dommage, je l’ai connue. Elle m’avait semblé douce, déclara tristement Karine.
— Au dire de ceux qui étaient là, elle a perdu la tête quand la grande fée lui a retiré son titre de
protectrice des enfants. Certains disent que c’est parce qu’elle a perdu son fils, ajouta Théo.
— C’est triste.
— La grande fée a pris sa retraite aussi depuis, pour notre comté c’est Roi qui commande et de
l’autre côté c’était un peu le chaos entre les trois chefs de clans. Là, ils ont depuis peu une nouvelle
reine et c’est notre mission de ramener des informations à son sujet.
Pendant qu’il passait le milieu du pont, Karine crut entendre les battements d’un cœur. Cela la
perturba un instant. Elle eut une pensée émue pour le troll Urbain. Elle crut entendre un merci dans
sa tête. Une douce chaleur parcourut son corps pendant un bref moment. Après le pont, ils arrivèrent
au passage des sorcières, à droite un marais froid et obscur garni de lanternes aux flammes vertes, à
gauche des champs de maïs inquiétants à perte de vue.
Dans le ciel passait de temps en temps des sorcières en balai.
— Elles nous observent, c’est inquiétant, déclara Théo, car cela veut dire qu’elles n’ont plus leur
libre arbitre.
Ils se rendirent ensuite en direction du nord par la forêt des trolls. Heureusement pour les
aventuriers, ils n’en croisèrent aucun. Karine vit que cela préoccupait fortement le brave Théo. Ils
tombèrent ensuite sur une maison. La jeune aventurière remarqua que le chemin menait au dos de la
maison et pas à la porte. En faisant le tour ils virent un jeune garçon d’une dizaine d’année qui allait
frapper à la porte. Karine eut une vision de l’enfant se faisant attraper la main par une sorcière, puis
bouillir dans un chaudron.
— Ne fais pas ça petit, hurla Karine, ou tu le regretteras.
— Mais c’est la grand-mère qui donne des sucreries, j’ai faim moi, argumenta le garçon.
— Ce n’est pas le bon moment ! Précisa le baladin. Quand sa maison est tournée comme cela, c’est
sa phase de sorcière, tu récolterais une bonne volée de bois verts ou pire, tu finirais dans son
chaudron.
— C’est pas juste, en plus j’ai fait l’école buissonnière pour venir, ronchonna le gamin.
— Et tu n’as pas peur de la punition ? demanda Théo.
— Bah non, la terrible fée est dans son cercueil.
— Mama Yaga veille et les croques-mitaines et le père noir, eux, sont toujours là.
— Zut alors ! Non seulement, j’aurais pas mangé mais en plus je vais me faire sacrément gronder.
— Comment t’appelles-tu ? demanda Karine.

— Silohène, souffla le garçon boudeur.
— Nous allons te donner à manger.
— Des bonbons ?
— Non, de la viande du pain et des légumes, déclara l’aventurière d’un ton ferme.
— J’ai pas trop le choix. Va me falloir du courage pour rentrer, soupira Silohène.
— Pour cela tu vas nous accompagner, on trouvera bien une solution. Je m’appelle Théo, je suis un
baladin et cette demoiselle c’est Karine, mon apprentie.
Ils quittèrent le jardin de la sorcière et continuèrent vers la muraille des ogres que l’on devinait à
présent.
Lors de leur arrêt repas, Théo vit que les pieds nus du garçon avaient souffert de la longue marche.
Il prit son Oud et entonna un chant très doux. Tous se sentirent apaisés et les blessures de Silohène
disparurent. Ensuite Théo prit du tissu dans la sacoche et en taillant de l’écorce de bois morts fit
deux chaussures de fortune à l’enfant.
— Merci beaucoup, j’aurai plus froid l’hiver pour aller à l’école.
La petite troupe reprit son chemin et au bout d’une heure ils arrivèrent au pied de la muraille. Ils
montèrent le grand escalier. Karine vit qu’il manquait des gargouilles.
— Mes amies, ma chère Ghilde, où sont les autres ? demanda la jeune femme qui avait reconnu son
amie.
Mais avant que cette dernière n’ait eu le temps de répondre, Karine eut un nouveau flash. Elle vit la
terrible fée déplacer plusieurs de ses amies. Si huit gardaient encore la muraille, les autres
surveillaient à présent la route du sinistre château.
— Ma chère Ghilde que se passe-t-il ? Pourquoi avez-vous été séparées de plusieurs de vos sœurs ?
— Karine cela faisait très longtemps que nous n’avions pas eu ta visite. Tellement de choses se sont
passés. La grande fée jalouse de notre reine l’a privée de son fils et d’une partie de ses pouvoirs.
Alors nous avons proposé de défendre notre protectrice. Nos sœurs les plus âgées sont parties pour
la route. Mais notre reine a perdu la guerre et depuis elle dort d’un sommeil sans fin dans le
cimetière du château. Nous n’avons pas eu de maître pendant longtemps mais une mauvaise dame a
pris le bâton de notre maîtresse et à présent c’est elle qui nous commande.
— Une mauvaise femme ? releva Théo.
— Elle a souffert dans sa vie d’avant, nous le sentons. Alors elle est devenue mauvaise et appelle à
la vengeance, expliqua la gargouille.
Karine fut prise d’un nouveau vertige et vit la fuite d’une jeune femme puis sa chute, son arrivée
dans la crypte de la terrible fée et son accession au pouvoir.
— Encore une vision ? demanda le baladin.

— Oui, j’ai vu la nouvelle reine. Elle n’a pas l’air commode.
— Ne dites plus rien à présent, elle sait tout ! les avertit Ghilde.
Karine comprit et fit signe à Théo et Silohène de la suivre.
— Celle qui contrôle le sceptre de C. peut voir par l’œil centrale des gargouilles. La reine Sombre
sait que nous sommes là, leur expliqua la jeune femme une fois qu’ils se furent éloignés.
— Il va falloir rentrer en vitesse, en déduisit Théo. Tu as ces visions depuis toujours ?
— Non, c’est depuis cette chaleur, en passant le pont, réfléchit-elle.
— Alors c’est un don offert par Urbain, affirma le Baladin. Il faut faire vite. Je ne peux que soigner,
pas nous défendre. Nous comptons sur toi pour nous mener au pont.
— J’ai peur, gémit Silohène.
— Tu peux, répondit Théo froidement.
Karine fut étonnée de la réponse du baladin mais elle se dit que cela servirait de leçon au jeune
garçon.
La route du retour se fit sans encombre à un rythme soutenu jusqu’aux champs où ils s’écroulèrent,
épuisés. Théo prit son Oud mais il était trop fatigué pour chanter. Il faudrait attendre. Il fallut bien
vingt minutes au chanteur pour commencer son récital bénéfique. Ensuite la course reprit.
Malheureusement, arrivés au pontn une armée de sorcières les attendait. Une femme habillée de
noir qui ressemblait à la terrible fée mais sans les ailes sortit du rang et se tint devant les
aventuriers. Silohène tremblait d’effroi. Théo avait lancé un SOS avec sa plume et son carnet.
— Ils n’arriveront pas à temps, déclara la nouvelle reine de sa voix sépulcrale.
— Mais l’information que je peux leur envoyer si, déclara Karine en se saisissant de la plume.
— Aucune information ne te sauvera ma chérie, railla la nouvelle souveraine.
— Même pas votre nom ? lança l’aventurière. Je ne veux pas parler de Sombre, ce triste sobriquet
que vous vous êtes attribué, mais de votre véritable nom, celui que vous avez eu tort de donner
devant une gargouille quand vous êtes arrivée ici.
— Ainsi tu te vantes de connaître mon nom ? S’emporta Sombre.
— Et de ne pas être la seule à le savoir, précisa la jeune femme.
La reine s’avança jusqu’à l’aventurière :
— Je t’écoute.
Karine lui souffla le nom de Lilith à l’oreille.
La reine prit peur et ordonna qu’on les laisse passer. Les sorcières surprises finirent par obéir.

— Si vous dévoilez mon secret, vos amis les gargouilles seront les premières à mourir.
— Le pacte est scellé, répondit solennellement Karine.
Les trois aventuriers passèrent le pont.
— Ainsi, tu as le nom de pouvoir de la nouvelle Reine ? S’étonna le baladin impressionné.
— Je l’avais, répondit la jeune femme, mais il a disparu de ma mémoire quand j’ai passé le pont.
— Sacré Urbain, s’esclaffa Théo.
Le baladin héla une carriole et le propriétaire, après avoir vu la fameuse broche, accepta de les
déposer à l’auberge. Tous les baladins acclamèrent Karine qui reçut, émue, des mains de maître
Romaric, sa broche, sa plume et son carnet puis ce dernier lui murmura le mot de passe sacré des
baladins à l’oreille.
— Et moi, je peux être baladin ? Réclama Silohène la bouche à moitié pleine.
— Si tu retournes à l’école et que tu te trouves un don alors, quand tu seras adulte, reviens me voir
et nous verrons, répondit Romaric.
— C’est pas juste, ronchonna le gamin.
— Détrompe-toi, c’est un pacte sacré entre nous mon bonhomme et, de plus, il se pourrait que d’ici
ton retour, le vent murmure dans ton village que tu avais une bonne raison de louper l’école
aujourd’hui.
— Pour de vrai ?
— C’est notre pacte, déclara Romaric avec sérieux.
Les yeux de Silohène se garnirent d’étoiles.
Le maître mit son aventure en chanson avant son voyage du retour et ajouta en regardant la jeune
femme :
— Au revoir Karine, j’espère que tu pourras revenir pour une prochaine aventure et alors, peut être
que, si tu le veux, tu me confieras ton secret.
— Quel secret ? Bafouilla le nouveau membre de la guilde.
— Celui que tu as gardé dans ton cœur.
Karine comprit que le maître ne s’était pas laissé avoir comme Théo mais qu’il acceptait son choix.
La jeune fille se réveilla en se demandant de quoi serait faite sa prochaine aventure.

 

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