Les aventures de Thornagil le tavernier fin
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’un des amis de Kayvan, qui est conteur. Pourtant, c’est Kayvan qui a reçu un cadeau, un cristal d’aventure, un petit cristal décoré qu’on place sous son oreiller pour vivre une aventure. Kayvan est pressé d'aller se coucher, il glisse le cristal sous son oreiller et, après s'être endormi, il se retrouve dans l'auberge de Thornagil. Visiblement, le confinement est terminé. Ça discute, Pablo sert les clients, et Thornagil est au bar. Par contre, aucune nouvelle de sa fille. Kayvan aurait bien aimé qu’elle ait rejoint son père, après tout ce temps. Il se souvient des derniers évènements, lorsqu’elle s’était déguisée en homme corbeau pour vaincre les pirates qui avaient tué sa mère... Kayvan salue tout le monde dans l’auberge et propose son aide. Il saisit un plateau, va voir les clients, et prend les commandes. Il remarque deux frères, habillés d’une salopette et d’une casquette, parler avec les mains.
— Ma que, Linguini, fais attention. Eh, la pasta, quand même ! Elles sont bonnes les pasta ici, ne les gâche pas !
— Mais Dario, je ne gâche pas ! Je disais donc que, la fille, elle a disparu en mer. Le mec était bizarre, on aurait dit un poulpe. Pourtant, des grosses tortues, on en a combattu, avec des fantômes, des champignons... des plantes carnivores. Mais là, le mec, il était grand comme un pirate, avec des tentacules. Non, mais franchement, Dario ! Et puis, la petite, Elona, elle cherchait sa maman, Agna.
Et puis là, d'un seul coup, silence, plus personne ne parle dans l'auberge. Alors, Kayvan se retourne et constate que Thornagil a bondi au-dessus de son comptoir. Il fait :
— Euh... Excusez-moi, là, mais elle s'appelle comment, la fille ?
— Eh ben, elle s'appelle Elona. Ma que, je lui dis : moi, c’est Dario ; mon frère, c'est Linguini. On est des jardiniers. On chasse les tortues, les champignons... On apparaît dans les tuyaux d'arrosage, alors tout le monde croit qu’on est plombiers. On est jardiniers, nous ! Et, ma que, d’Italie, hein ! D'ailleurs, elles sont bonnes vos pasta !
— Oui, oui, d'accord… les pâtes. L'addition est pour moi !
— Ah ben, si l'addition est pour vous, resservez-nous !
— Mais qui êtes-vous donc ?
— Eh beh, on est les frères Dario et Linguini, les jardiniers ! On bat la grosse tortue avec ses épées et ses pics sur la carapace ! Et puis alors, quand on est au kart, les carapaces, on se les envoie. Et Elona, la fille, sa Mamma, c'est la grande pirate Agna, la fille du roi des pirates, Ulysse. Oh ! Il a fait une odyssée mais, ça, c'est une autre histoire. Et donc, voilà, nous on naviguait au nord et puis, d'un seul coup, on est tombés sur un bateau, noir, avec le symbole des pirates. La petite a voulu l'attaquer. Et puis, le mec, il a dit « je cherche ma copine, Agna ». La petite, elle est devenue folle, elle a fait « c'est ma Mamma ». Et, là, elle a sauté sur le bateau du pirate avec ses tentacules. Je ne sais plus comment il s'appelait… David le Jones, David Jones, là... Un mec avec un tricorne et des tentacules de poulpes. Non, mais franchement, il parlait de ses collègues, là... Jacky se perd, Jack c'est par où…
Thornagil rétorque :
— On va prendre votre bateau ! Non, on va faire mieux, on va prendre le mien. Pablo ! Tu gardes l'auberge. Le petit, là, c'est quoi ton prénom ? Kayvan ? Kayvan, tu montes avec moi sur le bateau.
Alors, Kayvan se dit : « je vais monter, mais je vais faire mousse, celui à qui on fout des coups de pied au cul ! »
Mais Thornagil lui annonce qu’il va être second.
Il passe un sifflet autour de son cou et en tend un à Kayvan. Il lui annonce :
— Voilà, c'est toi qui commandes aux hommes. Et puis, on va aller retrouver ma fille. Je ne sais pas ce qu'elle trafique. Et si pour le coup on pouvait retrouver sa mère...
Et les voilà partis sur le bateau, un gros bateau pirate avec un beau canon en argent sur le dessus. Kayvan fait :
— Ça sert à quoi, ce canon ?
— Ça, c'est pour les krakens. Alors, si jamais tu vois une jolie fille ou un joli garçon qui est perdu dans l'eau, selon tes goûts, tu te méfies. Les trois quarts du temps, en dessous, il y a une espèce de poulpe. Son tentacule se change et, d'un coup, le bateau est ratiboisé. Eh ben, les krakens, avec ce canon-là, on les chope. Et la plus grande tueuse de krakens, c'était ma femme. C'est elle qui a appris aux deux petites. Comment elles s'appellent ? Lorina et Yaneu, les deux plus célèbres pirates, c'est ma femme qui leur a appris.
— Ma que, la grande Agna. Je me disais aussi, la fille du roi des pirates !
— Ben oui, c'est ma femme !
— Ah, mais Monsieur il est célèbre !
— Oui, je suis Thornagil, le libérateur des enfants esclaves.
Ils naviguent un moment et puis, finissent pas tomber un autre bateau pirate, tout noir, tête de poulpe à la proue. Il ne s’agit certainement pas de celui d’Elona.
— Comment il s'appelle, le poulpe ?
— Ma que, je l'ai dit trois fois, il s'appelle David Jones.
— OK.
Thornagil se met au canon et laisse la barre à Kayvan, tout en lui donnant des ordres :
— Kayvan, bâbord !
— Ah non, bâbord, c'est par là.
— Tribord ! Et, là, dans l'axe.
— Oh ! Le père Jones.
Gros pirate, en effet, avec une tête de poupe pas possible.
— Qui ose parler à la terreur des mers comme ça ?
— Bah, Thornagil. Le mec qui a pas peur des krakens. Alors, ce n’est pas toi, avec ta stature de pirate et ta petite tête de poulpe, qui va me faire peur.
— Je suis la terreur des mers !
— Ouais, moi, je suis la terreur des pirates et des esclavagistes, voilà. Bon, on va être clair, j'ai un plus gros canon que le tien. J'embroche des krakens. C'est un peu fichu pour toi, vu ta taille. Alors, tu vas nous dire où tu as déposé ma fille.
— J'ignore qui est ta fille.
— Elona.
— Elona est ta fille ? Alors, je vais t'aider. Suis-moi, elle est partie aux confins des royaumes chercher l'indicible, l'invisible, celui qu'on ne peut nommer.
— Ouh là ! Dans quoi s'est embarquée ma fille ?
Pourtant, sa fille commande aux corbeaux, donc ce n'est pas Jo le rigolo, comme dirait l'autre. Ils choisissent de suivre le bateau de David Jones, peu rassurés. Thornagil reste à la proue. Si jamais le pirate essayait de les avoir, c'est le harpon à krakens qu'il se prendrait là où le soleil ne brille pas. Les pirates arrivent bientôt au nord du monde où règne une espèce de poix noire. Ils commencent à se sentir tristes, à perdre espoir et entrain. Kayvan se met à douter :
— Vous êtes sûrs qu'on va réussir ?
— te n’inquiète pas, mais c'est quoi cette poix ? s’interroge Thornagil.
David Jones s’écrie :
— Il est de retour. C'est lui ! C'est pour ça que votre fille est allée voir l'indicible.
— Mais c'est quoi, ce truc ?
— C'est le néant, la fin de toute chose, la fin du royaume des deux comtés. Il est de retour, il règne.
Kayvan en séduit que, si le néant est revenu, c’est parce que les enfants arrêtent d'écouter les jolies histoires. C’est à cause du confinement qui se passe sur terre, les enfants ont perdu espoir, ont perdu leur imagination, et le néant revient encore plus vite. Alors, il faut agir. Sous le château du néant, il remarque une grotte immense. David Jones voit bien que son bateau ne passera pas.
Alors, il monte sur le bateau de Thornagil et ils entrent dans la grotte. Ils descendent une petite rivière et débouchent dans une grotte encore plus vaste avec une forêt et un lac. Un bruit retentit et, d'un seul coup, déferlent des centaines d'oiseaux à tête de porc et aux ailes de dragon.
— Euh... ma que, nous, on bat les tortues, les champignons, les plantes carnivores… mais ça, on ne connaît pas ! paniquent Dario et Linguini.
— Moi, j'ai navigué au-delà des terres connues, sur toutes les îles. Ne croyez pas qu'il n’y en ait qu'un, des royaumes des deux comtés. J'peux vous dire que, quand on a fait le tour, des versions de cette île, on en a plein. Eh bien, il y en a quelques-unes qui ont été chopées par le néant.
— Oh !
— Et c'est pour ça que je veux aussi sauver celle-là, parce que sinon, nous, les pirates, on aura plus aucun endroit pour venir se ravitailler. Votre île, il faut la sauver. Et si on pouvait sauver les autres îles des contes, ce serait pas mal.
— Alors, vos trucs, c'est des planeurs des profondeurs. C'est des oiseaux qui ont la particularité de pouvoir aller très profond dans l'eau, c'est des monstres, affirme David Jones.
— Et avec ta gueule de tentacules, tu nous dis que c'est des monstres ! Et toi, t'es quoi ?
— Moi, j'suis un pirate. Eux, c'est des monstres.
— Alors, je vais vous aider. Laissez-moi faire.
Kayvan, Thornagil et les deux frères montent dans une barque, tandis que David Jones va effrayer les planeurs des profondeurs. Il fait diversion et ils continuent, mais une armée de champignons vivants prend le relai.
— Oh ! Qu'est-ce que c'est que ces trucs ? Les tronches ! On a l'impression qu'ils ont pas vu le soleil depuis longtemps. Ils ont plus l'air de zombies.
Vous imaginez un mélange entre des champignons, des schtroumpfs et walking dead ? Vous avez à peu près ce qui arrive en face.
— Eh, ma que ! Nous, on sait faire. Liguini, tu prends l'étoile et moi je prends la fleur qui brille. Vous allez voir !
Les frères sautent sur les parois de la grotte et ils attrapent une étoile et ils envoient ça vers Kayvan. Kayvan grandit d'un seul coup, et puis il prend la fleur.
— Et tu sautes dessus ! Oh, petit ! Saute dessus !
— OK.
Et boum ! Kayvan sent de l'énergie dans ses doigts et il fait :
— OK les gars, on y va.
Il envoie des boules de feu et elles ricochent sur les parois de la grotte. En deux salves, tous les champignons ont disparu.
— Eh ! Bien joué, le petit ! La Mamma, elle serait fière, hein ! Et, maintenant, il faut que tu rapetisses un peu, sinon, tu ne passeras pas la porte. Par contre, espérons qu'après il n’y ait pas de tortues, parce que les tortues avec les carapaces c'est autre chose !
Tout le monde se demande où se trouve Elona. Ils décident de faire une pause pour entamer un peu leurs provisions, car la faim se fait sentir. Ils sont en train de manger et, d'un seul, coup on entend :
— Pwa, pwa, pwa…
Kayvan commence à voir un peu peur. Une espèce de forme verte gélatineuse avec des yeux, une grande bouche, est en train de piller le sas de provisions qu’ils ont laissé de côté.
— Alors, excuse-nous, là, mais on cherche une fille.
— Pwa, pwa, pwa…
— Alors, on a un bateau et on a plein, plein à manger sur le bateau.
La créature s'arrête alors de manger.
— Alors, si tu nous dis où est la fille, on t'amènera sur le bateau et tu pourras manger tout ce que tu trouveras.
La créature semble avoir compris. Elle se dirige vers le fond de la grotte et passe à travers le mur.
Alors, Thornagil s’exclame :
— Il est gentil mais, nous, on passe comment ?
— Ma que ! On le suit, on verra bien ! rétorquent les frères.
— Mais c'est un mur !
— Eh ben, on verra, les murs, on connaît ! Des fois, on passe les murs et puis, au lieu d'arriver au niveau 4, on arrive au niveau 7. Faut passer à travers les murs, c'est tout.
— Non, mais attends, on n’est pas sur la voie 9 3/4.
Eh ben non… ce n’était pas un mur. Ils débouchent dans un hall, un genre de salle du trône géante faite de crânes et de sabliers.
— Les gars, vous êtes sûrs qu'il fallait passer par là ?
— Ben, j'suis pas sûr.
Une voix retentit :
— Mortel ! Pourquoi êtes-vous venus ?
— Ah ben, nous, on a suivi l'espèce de créature verte, vous savez.
Le groupe distingue, au fond de la pièce, un très vieil homme avec la plus longue barbe blanche qu’ils ait jamais vue. Le père Fouras à côté du gars, sa barbe, c'est rien. La barbe pourrait remplir l'allée du château de Versailles !
— Mais... Alors, qui c'est celui-là ?
Derrière lui, un grand grand portrait représente deux jumeaux d’environ dix ans, tout mignons, tout roux.
— C'est qui les deux-là ? demande Kayvan.
— J'ai été un de ces deux-là, répond le vieil homme.
— D'accord, donc c'était vous quand vous étiez jeune ?
— Oui… et je répète ma question. Pourquoi êtes-vous là ?
— Eh ben, en fait, voilà… On cherche deux femmes. Y en a une qui s'appelle Agna et l'autre Elona. Elles sont mère et fille. Ça ne vous dit rien ?
— Agna ? Je l'ai accueillie dans mon royaume il y a des années. Elona est venue ici. Elle a échoué.
— Vous en êtes certain ? Parce que, vous voyez, Elona a le pouvoir sur les corbeaux, et Agna a le pouvoir de détruire les krakens… et, là, on a un problème encore pire.
— Vous n'avez pas de problème pire que moi ! Je suis la fin de tout.
— Eh ben, en fait, c’est le cas. Parce que l’ennemi qui est revenu, quand il capture quelqu'un, il n'arrive pas jusque chez vous.
Le vieil homme blêmit.
— Lui ? Le néant est revenu ?
— Ouais.
— D'accord. Partez, ne vous retournez pas, sous aucun prétexte. Si vous sortez de la grotte sans vous retourner, je vous aiderai.
— Bon ben, les gars, on n’a pas le choix.
Le groupe se retourne d’un seul homme et s’en va.
— Bon, ben, au revoir, hein !
Ils passent par le trou, et retrouvent la créature fantomatique qui mange beaucoup, la créature qui bouffe tout… Ils décident de l’ignorer sans tenir leur promesse et retournent au bateau.
— Alors, David Jones, comment ça s'est passé ?
— Bof, pas terrible.
— Il marche bien ton canon, hein ? J'en ai transpercé trois avec un harpon. Bon, après, par contre, il est long à recharger, hein.
— Alors, vous l’avez trouvée ?
— On t'expliquera, on file !
— Ce n’est pas la peine d'aller jusque-là si c'est pas pour la ramener, hein !
Du coup, Thornagil se demande quand même si Kayvan a bien négocié…
— De toute façon, si l'autre enflure il nous a eus, moi je sais où est sa grotte.
Malheureusement, quand ils repartent, la grotte se referme. Le vieil homme voulait se protéger du dessus, du néant. Ils refont voile vers la capitale et rentrent à l'auberge. Pablo est là, il fait la vaisselle.
— Alors, des problèmes en mon absence ? le questionne Thornagil.
— Non, pas de problèmes.
— Oh là, tu me caches quelque chose. T'as dû casser un verre ou quelque chose comme ça.
— Non. Pas de problèmes.
Thornagil remercie Kayvan, les deux frères italiens, David Jones… en se disant qu’il ferait bien de ne pas s’éterniser, parce qu’un pirate avec sa tronche dans la capitale des fins heureuse, ce n’est pas gagné. Soudainement, juste derrière Thonagil, Kayvan aperçoit une grande femme aux cheveux noirs, vêtue d’une cape rouge, un sabre argenté à la main, un crâne de kraken autour du cou. À côté d'elle, se tient une jeune fille avec un corbeau sur l'épaule.
— Wow ! Thornagil, tu devrais...
— Oui, qu'est-ce qui se passe ?
Thornagil se retourne alors et avise sa femme et sa fille. Après quelques effusions, sa femme lui dit :
— Eh ben, tu peux remercier le petit de t'avoir aidé ! Bon, ben ce n’est pas tout ça, mais on a le néant à déloger et une guerre qui commence !
© CC l’ivre d’histoires 2021