Les aventures de Thornagil le tavernier 2
Notre histoire se déroule dans la capitale du comté des fins heureuses, au royaume des deux comtés, un royaume où les gens se rendent quand ils rêvent.
La ville est en confinement, parce qu’un mal mystérieux plane sur tout le royaume. Tout le monde s’interroge sur sa nature inexpliquée. Kayvan, notre héros, comme tous les petits garçons qui d’habitude sont à la rue, se retrouve dans une auberge tenue par le chef pirate Thornagil. C’est un très grand chef pirate à la retraite, qui commence à se faire vieux. En temps normal, il a toujours une chope à la main, parce qu’il est toujours en train de servir un client. Il s’est dit que, comme son auberge est fermée et qu’il n’a plus le droit le droit de recevoir de monde, avec son adjoint Pablo, ils allaient ouvrir l’auberge aux enfants des rues. Et donc, Kayvan y a trouvé refuge avec deux ou trois habitués à la rue, tout comme lui. Tout le monde est très inquiet, mais comme il y a des enfants, on essaie de bien se tenir. Pourtant, les habitués aimeraient bien boire un petit coup. L’un d’eux élève la voix :
— Eh, patron, t’aurais pas une bouteille ?
Le patron fait :
— Ah non, plus de bouteille, là ! J’ai pas reçu ma livraison.
Kayvan regarde derrière le comptoir et interroge Thornagil :
— Mais, Monsieur, c’est pas une bouteille de rhum qui est là ?
Il voit bien que Thornagil fait la gueule. Celui-ci rétorque :
— Ah non, pas celle-là ! C’est pas du rhum.
Pourtant, Kayvan est persuadé qu’il s’agit bien d’une bouteille de rhum. Pablo, le prend à part :
— Viens un peu par-là, toi, faut que j’te cause.
Quand il se retourne, Kayvan comprend qu’il a dit une bêtise. Les habitués le regardent avec un air triste. Pablo lui explique :
— Tu vois, y a un truc qu’il faut que tu saches, c’est que Thornagil a été marié… à la fille d’un des plus grands pirates, en plus. Ils ont eu un enfant, une fille, mais elle a disparu. Elle a quitté l’auberge un matin, on ne sait pas pourquoi, et elle n’est jamais revenue. Cette bouteille que tu vois là, c’est la tournée du patron pour le jour où sa fille reviendra.
Kayvan est surpris. Il ne comprend pas trop qu’elle ait pu partir comme ça. L’auberge est si conviviale, avec ses chants, sa musique… Tout le monde s’y sent bien, on y mange bien… Thornagil adore même faire des gâteaux pour les enfants qui sont recueillis chez lui. Ils ne sont d’ailleurs pas tous orphelins, certains ont été séparés de leurs parents par le confinement, alors qu’ils étaient venus à la capitale voir leurs grands-parents, la famille… Et plus personne ne peut sortir de la ville sans une attestation royale.
Soudainement, un page du roi se précipite dans l’auberge. Thornagil lui fait :
— On ne sert pas !
— Il ne s’agit pas de ça, je viens faire une annonce, réplique le page. En fait, on devait recevoir une livraison de masques et de farine. Seulement, la livraison n’est pas arrivée.
— Ah ouais, mais moi je peux envoyer personne. Et puis, j’ai mon auberge à gérer.
Kayvan sent bien qu’il faut qu’il aille voir ailleurs, mais… il aimerait vivre une aventure. Rester confiné à l’auberge l’ennuie profondément. Il se lance :
— Moi, je veux bien y aller.
Le page reste dubitatif. Kayvan insiste :
— Eh oui, moi, j’suis un aventurier. Quête acceptée !
— OK, dans ce cas, pas de souci, s’incline le page.
Kayvan prend son attestation de sortie, va aux remparts à la rencontre des soldats.
— On ne passe pas ! l’arrêtent-ils.
— He ! J’ai une attestation de sortie ! affirme Kayvan.
— Mais t’as quel âge, toi ?
— Ben, neuf ans aujourd’hui.
— Ah ben, Kayvan, faut qu’on te souhaite un joyeux anniversaire pour tes neuf ans, alors !
Ils vérifient l’attestation de sortie et se disent : « c’est un aventurier… On le laisse passer, pas le choix. » Kayvan continue donc sa route. Il porte sa petite musette avec les sandwichs que lui a préparés Thornagil. Après quelques minutes de marche, il remarque qu’il n’y a plus de paysans au champ, les lutins sont retournés dans leurs champignons… C’est vraiment le bazar. Il ne comprend vraiment pas ce qui se passe, il n’y a même pas trace du convoi qui aurait dû amener les masques et la farine. Tout ce qu’il remarque, ce sont des corbeaux qui s’envolent dans un coin. Il se rapproche un peu et, là, il entend un enfant pleurer. Il avance encore davantage, et aperçoit l’enfant prostré dans un fourré comme s’il avait peur de quelque chose. Soudain, le gamin crie :
— L’homme aux corbeaux ! L’homme aux corbeaux ! L’homme aux corbeaux !
Kayvan, se demande bien qui est cet homme aux corbeaux…
Il s’approche de lui et le rassure :
— T‘inquiète pas, je suis un aventurier. Je suis en mission, tu vois, j’ai mon attestation du roi. Comment tu t’appelles ?
— Je m’appelle Samuel. Et, lui, c’est mon chien, Doo.
— D’accord.
— Mais, dans ta musette, y’aurait pas quelque chose à manger ?
— Ben si, y a des sandwichs.
— Moi, j’adore ça. Avec Doo, on aime bien se faire des supers, supers sandwichs.
Kayvan se dit que le gamin a faim. Le chien peut-être aussi, d’ailleurs. Alors, il sort ses sandwichs et là, d’un seul coup, ils se saisissent des tranches pain, du jambon, et s’en font deux mégas sandwichs. Puis, ils avalent ça d’un seul coup.
Kayvan se dit : « oh là là, ceux-là, qu’est-ce qu’ils mangent ! C’est vraiment pas possible ! » Il leur propose :
— Tant qu’à faire, vous avez qu’à venir avec moi…
— Ah oui, mais… nous, on veut pas croiser l’homme aux corbeaux.
— Vous voyez, les corbeaux, ils sont au ciel, ils vont par là… Nous, on va aller par là, dans l’autre sens. Il faut qu’on retrouve les marchands qui devaient amener des masques et de la farine à la capitale.
— Mais, t’es sûr ? On va pas croiser l’homme aux corbeaux ?
— Non, non, faut pas avoir peur.
— Non, parce qu’on a l’habitude… À chaque fois, c’est nous qui servons d’appâts pour attraper les monstres.
— Ah bon ?
Kayvan se dit : « qu’est-ce que c’est que ce Samuel et ce Doo ? Décidément, ils sont bien étranges !»
Sur la route, ils repèrent des traces de chariot.
— C’est intéressant, ça. Des traces de chariot… Bon, ben, on va aller voir.
Ils suivent les traces jusque dans la forêt.
— Ben, pourquoi elles suivent pas la route ?
Ils se disent « là, y a un truc ». Et puis, brusquement, ils tombent sur les marchands, complètement assommés, mais vivants. Ils continuent à suivre la trace et, d’un seul coup, apparaissent deux pirates devant eux, qui se mettent à scander :
— Nous sommes de retour pour vous jouer un mauvais tour, afin de préserver le monde de la dévastation, afin de rallier tous les peuples à notre nation, afin d’écraser l’amour et la vérité, afin d’étendre notre pouvoir sur les deux comtés… Minibus, Optimus, la team des chouettes, plus rapide que la lumière. Rendez-vous où ce sera la guerre !
— Oh là là, qu’est-ce que c’est que ces deux-là !
Aussi, une espèce de chat noir les accompagne. Il semble terrifié.
— Un Gaugau… Un Gaugau… Un Gaugau !
— Patron ! Le petit, là, c’est un Gaugau… C’est un Gaulois !
— Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ?
Samuel, le contredit :
— Ah non, moi, je suis pas Gaulois, pas vraiment… C’est vrai ! Moi, je viens de France. Enfin, les Gaulois, c’était y a longtemps… C’était pas des Gaulois, en plus, c’était des Celtes… Parce que, Gaulois, c’est un terme romain. Mais oui, hein, si vous voulez, je suis gaulois.
Minibus et Optimus s’écrient alors :
— He, on est malin, nous. Maintenant, vous pourrez pas couler notre bateau. Pourquoi ? Parce qu’on est à terre !
Kayvan se dit : « mais c’est quoi, ces deux abrutis ? Mais c’est pas possible ! Ohlalalalala ! Comment je vais m’en débarrasser ? Parce que, visiblement, le chariot, il est pas loin, et va falloir récupérer les masques et la farine.
Puis, Minibus l’interpelle :
— Je te défie en duel de monstres ! C’est l’heure du Du… Du… Duel !
— Un duel de monstres ? Ah, mais… moi, j’ai pas ça ! Doo ? Tu veux combattre le chat noir, là ?
Doo, il fait :
— Non, non, non. Pas combattre. Manger. Sandwichs !
Et là, un homme arrive. Caché sous une capuche noire, on ne voit pas son visage. De plus, il porte un masque, lui. Il gronde :
— J’accepte le duel !
— OK.
Optimus place le chat noir devant lui et fanfaronne :
— Patron, c’est pas un Gaulois, on devrait y arriver.
Optimus confirme :
— T’inquiète pas. À part Sacha, aucun homme ne peut me battre !
Sous la capuche, on devine une voix féminine :
— Je suis « aucun homme ». Attaque corbeaux !
Une centaine de corbeaux surgit, démonte le chat noir, démonte les deux pirates, qui s’enfuient en courant. Et Minibus, geint :
— Ah non, non… On remonte en mer. Finalement, les deux hystériques, le gros Gaulois et le petit nain, ils étaient beaucoup moins féroces que celui-là. Décidément, les duels de monstres, c’est vraiment pas notre truc.
Ensuite, Kayvan se tourne vers l’inconnue :
— Ben, merci de nous avoir sauvés…
— Ce n’est rien… J’ai une dent contre les pirates. Ils ont tué ma mère. Je les pourchasserai jusqu’à la mort, jusqu’au dernier.
— Ah, si t’aimes pas les pirates… Dommage, on t’aurait bien proposé de venir avec nous… On habite à l’auberge de Thornagil à la capitale. D’ailleurs, il faut qu’on aille livrer les masques et la farine au roi.
— Je vous accompagne.
— D’accord.
Ils rebroussent alors chemin vers la capitale. Kayvan se dit que c’est cool, parce qu’ils vont pouvoir y recueillir Samuel. Pourtant, s’ils mangent autant, lui et son chien, les réserves de Thornagil risquent d’en prendre un coup… Il a intérêt à faire plus de la moitié des sandwichs pour ceux deux-là. C’est peut-être pas une bonne idée de les amener à l’auberge, après tout. Ils arrivent enfin jusqu’ au roi, et déchargent. Dans la foulée, ils s’occupent de la livraison de l’auberge. L’inconnue ne dit rien, elle aide à décharger les paquets en silence. Puis, elle dépose un parchemin sur le comptoir. Thornagil s’en saisit, et le lit. Un grand sourire se dessine sur le visage de l’aubergiste mais, lorsqu’il se retourne, l’inconnue a disparu. Quand tout est déchargé, Thornagil prend la bouteille et annonce à tout le monde :
— Allez, pour fêter ça, c’est la tournée du patron ! Et puis du sirop pour les mômes, parce que, bon, faut pas rigoler.
Et Kayvan avise discrètement le papier, où il lit: « je t’aime, papa. »