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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Le carnage du troisième âge 2

Chapitre 3
Au nom de la prose
Les côtes du Comté de la Nuit apparurent dans les brumes du lendemain matin. Le capitaine
mouilla au large de la crique du Trépas. C’était au pied d’une immense chaîne de montagnes
peuplées d’ogres et de cochons ratiers. Ces monstres s’entre-tuaient et s’entre-dévoraient du soir au
matin et les grottes des sommets résonnaient de cris de rage et de chansons terribles accompagnant
les soirs de grillade.
Heureusement, la souveraine du coin, appelé aussi la sinistre fée, à cause de ses ancêtres du petit
peuple, avait fait construire une immense muraille par les Gargouilles. Le port de crique du Trépas
était à l’abri de leurs griffes et de leurs dents, mais tous ceux qui s’aventuraient sans précaution
dans les montagnes alentours finissaient dans le meilleur des cas en pâté, dans le pire grillés dans
les aiguilles de pin après avoir été attendris à la massue, ou piétinés pour le plaisir.
Dans les ruelles du port, beaucoup d’enfants humains traînaient tristement leurs chaînes, l’œil
hagard, et proposaient leurs services. Sam fit remarquer à Bill qu’ils avaient des cernes sous les
yeux et qu’ils n’avaient pas l’air d’être nourris correctement.
Maggie en recruta deux ou trois pour porter les bagages de tout le monde et le vieux pirate entama
la conversation avec un de ces enfants mystérieux :
— Dis-moi Gamin ! Comment on finit réduit en esclave dans un coin aussi sinistre… ?
— Oh bé c’n’est pas compliqué Monseigneur. Voyez, comme j’ai l’air triste ! Ben fut un temps,
j’étais joyeux comme un pinson ! J’étais tellement joyeux que j’embêtais tout le monde à l’école.
Alors plutôt que d’empêcher les autres d’apprendre les l’çons, j’ m baladais souvent à la
buissonnière. Ma mère me chauffait les oreilles, mais je lui rapportais des champignons et des
lapins sauvages, alors elle me pardonnait. Une fois je suis tombé sur une bande de filous… Si
j’avais su que c’étaient des croque-mitaines, je vous jure, je serais retourné à l’école et j’aurais
travaillé jusqu’à devenir moine ou ingénieur dans les ponts déchaussés. Les sales menteurs, ils
m’ont dit qu’ils pouvaient m’amener à une fête sur une île paradisiaque avec un parc avec des jeux,
des bonbons, du chocolat. Ils avaient menti, qu’à moitié, par omission, pour dire. Certes, avec les
autres enfants, qui avaient fui l’école on a fait la fête toute la nuit mais au matin il faisait froid dans
nos os, voyez monsieur ! Et ça ils ne nous l’avaient pas dit. Et depuis on obéit sans réfléchir, sinon
le froid il remonte dans la tête ! Si on travaille bien on peut se balader en ville comme aujourd’hui,
mais sinon, c’est le fouet ou bien ils nous emmènent à la foire des sorcières, dans des petites cages,
comme les poulets au marché d’chez moi.
Toute la bande des aventuriers avait écouté l’histoire du petit garçon. Maggie avait des larmes plein
les yeux, et Bill soufflait des flammes par les narines. Sam s’approcha doucement de l’enfant qui
s’était arrêté et lui posa la main sur l’épaule :
— Tu t’appelles comment, petit !
— Ben, ça j’aimerais bien le savoir. J’ai oublié mon nom dans cette maudite fête. Je devrais le
savoir, c’est ma mère qui me l’a donné. On ne doit pas perdre ce genre de truc. J’n’ai même pas été
capable de garder mon nom. Tous les jours je me demande, mais comment qu’j’ m’appelle… ça me
chatouille dans le crâne mais ça vient pas !

Touché par cette confession, l’enfant commença à sangloter… lorsque Bill, encouragé par Maggie,
lui dit :
— Tu t’appelles Olivier, Olivier Tornade !
— Comment vous le savez Monseigneur…
— C’est écrit là, sur le col de ta chemise. Sur l’étiquette cousue par ta maman…
— Ah si seulement, j’avais appris à lire… J’aurais dû aller à l’école plus souvent. Je suis Olivier
Tornade. Olivier Tornade ! Ah ! Ah ! Ah ! Merci ! Merci beaucoup !
Et Olivier Tornade disparut alors dans un nuage de fumée rose.
Maggie expliqua à tout le monde le sortilège qui gardait les enfants en esclavages. Il suffisait de les
aider à retrouver leurs noms et leurs prénoms et ils étaient libérés de la malédiction et retournaient
chez eux. Ce jour-là, la guide des aventuriers et ses représentants du troisième âge passèrent toute la
journée à sauver un maximum d’enfants. Dans tout le royaume des familles retrouvèrent le sourire
et la bande des vieux eut vite fait de se faire une bonne réputation dans les chaumières.
Sam se montra très ingénieux et aida de son mieux… Il était fier d’avoir pu, pour la première fois
de sa vie, sauver d’un affreux maléfice d’innocentes victimes. Tout en écoutant les chansons que le
barde improvisait au bar de la Taverne, il écrivait dans sa tête une longue lettre pour la chanteuse de
la place, une longue lettre où il racontait ses exploits et ceux qu’il était prêt à faire pour être digne
de l’épouser.
Chapitre 4
La valse des ruines
Au matin, Pénélope prit les affaires en main. Il fallait qu’elle utilise au mieux ses talents de pisteuse
pour que la compagnie traverse les montagnes sans finir en brochette.
Après quelques marécages gluants et deux heures de sentiers de chèvre vertigineux, ils pénétrèrent
une forêt de sapins noirs. Il y avait non loin de l’orée du bois une tribu entière d’ogres. On sentait
l’odeur partout sur les troncs d’arbre usés à force de servir de grattoir à leur dos pustuleux.
Il ne fallait pas faire de bruit et ne laisser aucune trace. La pisteuse, dont les origines elfiques se
révélaient de cette immersion dans la nature, put s’adonner à sa passion de toujours, l’escalade.
Sautant d’arbre en arbre, elle dirigea tout le monde sans qu’il y ait le moindre problème. Ses
oreilles légèrement pointues étaient toutes vibrantes de fierté, et alors qu’il ne restait que quelques
mètres pour sortir de la forêt, elle glissa en posant le pied sur un champignon pourri qui avait
poussé sur une branche morte.
En voyant, la gracieuse, la généreuse, la merveilleuse Pénélope tomber de l’arbre comme une pine
de pin, Richard ne peut s’empêcher de se précipiter pour la rattraper. En voyant ça, Judy se précipita
pour soutenir Richard. Le choc fut assez éprouvant pour des vieillards et ils roulèrent tout les trois
par terre. Heureusement, il n’y eut pas le moindre bruit.
Pénélope susurra à l’oreille de son sauveur :

— Je suis la reine des maladroites, vraiment !
Richard la redressa délicatement, rajusta son armure, remercia Judy pour le coup de main. Il
marmonna :
— La reine, la reine ! On ne pourrait pas oublier les reines, de temps en temps. Lâchez-moi avec la
reine …
Après ce moment délicat, ils repartirent, s’éloignant avec soulagement de cet endroit dangereux.
Le temps qu’il leur fallut pour traverser une petite vallée de plaine aride, et deux ruisseaux asséchés
pleins de ronces vampires, le barde avait déjà composé une chanson sur les aventures du jour. Ce fut
Sam qui trouva le titre :
La reine tombée du ciel
Il ne lui manquait presque rien
Il ne lui manquait que des ailes
La reine tombée du ciel
Des ailes, une couronne, presque rien
Un ancien chevalier Sans cheval ni épée
La reine tombée du ciel Ne pouvait mieux tomber
En arrivant près de leur but, Judy et Maggie calmèrent tout le monde. Les choses sérieuses allaient
commencer.
Pénélope scruta la forteresse, ou tout du moins ce qu’il en restait. La bâtisse ressemblait à une dent
géante cariée presque jusqu’à la racine. Il n’y avait qu’une partie qui avait résisté au temps. La porte
en bois était bien gardée mais au bout d’un temps à observer, ils en déduisirent qu’il n’y avait pas
plus d’une vingtaine de pirates à l’intérieur.
Maggie sortit un livre de sa robe en velours noir et chuchota :
— Tout va aller comme sur des coquilles de bigorneaux les enfants, j’avais peur qu’il y ait des ogres
en pagaille, voire peut-être une famille de Trolls ! Alors j’avais ramené du lourd. Le livre des
ravages brûlants, et un artefact de terre-ciel. En fait, s’il n’y a que des pirates, je n’aurai besoin que
du médaillon des mille noyés de l’île de la tortue. Regarde bien petit Sam, ce qu’est du travail vite
fait, bien fait ! L’expérience du troisième âge !
La magicienne attrapa dans une cachette à l’intérieur de la couverture de son livre, une médaille
argentée très fine et très brillante. Elle la balança en l’air et prononça une étrange formule :
— Teleportus piratus cachotium !
Il y eut un petit coup de vent et un léger sifflement, et tous les pirates qui traînaient autour de la
forteresse d’Hashima disparurent d’un seul coup.

Maggie serrait dans ses mains son médaillon, et souriait avec une satisfaction effrayante.
Judy se gratta la gorge :
— En effet très pratique ce sortilège, par contre, je viens de voir Bill, le grand, le courageux Bill
disparaître en laissant une horrible odeur de vase… J’espère qu’il ne lui est rien arrivé… de très
grave…
Sam s’écria :
— Bon sang mais bien sûr, Bill est un ancien pirate et dans son cœur, je suis sûr qu’il n’a jamais
cessé de l’être. Vous connaissez la chanson !
Pierre Alain, tout en grattant les cordes de son luth, enchaîna avec une voix mielleuse :
Pirate un jour
Pirate pour toujours
C’est la loi du bateau
C’est la loi des Forbans
Pirate un jour
Pirates pour toujours
Toujours au fil de l’eau
Avec le goût sang
Judy interrompit la chanson du barde en lui fourrant une touffe d’herbe dans la bouche :
— Ça suffit, vous voulez vraiment qu’on serve de casse-croûte aux ogres des montagnes… Dis-moi
Maggie, où sont passés les pirates que tu as fait disparaître, ils ne sont pas changés en mouche, ou
bien perdus à jamais dans les limbes, j’espère.
La sorcière se frotta le menton, et prit le temps de réfléchir un peu avant de répondre :
— Voyons voir ! Teleportus piratus cachotium, donc, cachotium, caché, cachette, cache-cache,
cachot ! Oui ! A mon avis, les pirates ont été « transportés » dans les cachots les plus proches. Je
suis sûre que la forteresse doit avoir de nombreuses cellules dans ses sous-sols… Parole de
magicienne, Bill doit être enfermé avec les autres pirates… J’espère qu’il me pardonnera et qu’il
aura un bon compagnon de captivité.
Alors que le groupe inspectait la ruine pour trouver les archives, Sam et Richard partirent à la
recherche des cachots. Arrivés dans le sous- sol, après avoir chassé une famille d’araignées géantes,
découpé en tranches fines un serpent de lune qui dormait dans le passage, et sauté un précipice dont
le fond gémissait de façon horrible, ils trouvèrent l’ancienne prison. Le vieux pirate n’était pas seul
dans sa cellule, mais il avait assommé ses codétenus. Fou de rage, il insultait maintenant les autres
prisonniers à travers les barreaux :

— Bande de marins d’eau douce, fils de Goéland, traîtres au drapeau des pirates, vendus,
ectoplasmes, Goule à mauffre…
Sam essaya de le calmer pendant que Richard crochetait la serrure à grands coups d’épée. Ils
laissèrent les prisonniers enfermés et remontèrent pour rejoindre la compagnie.
Bill était furieux après Maggie et fonçait dans les escaliers glissants et pleins de toiles d’araignée.
Heureusement la lumière du jour apaisa un peu sa colère.
Ils se retrouvèrent tous dans l’ancienne salle au trésor. Il y avait encore sur les tapis la trace des
coffres sûrement pleins d’or et de pierres précieuses. Par contre, pas une seule trace d’archives, pas
même un reste de papier ou de parchemin rongé par les rats.
Après de longs, de très longs palabres, il fut décidé d’envoyer Sam à la capitale avec un message
pour le Roi expliquant que les archives n’étaient pas dans la forteresse d’Hashima et que la troupe
s’installait ici le temps d’en découvrir un peu plus.
Pour éviter de retraverser les montagnes, le petit Sam devrait courir jusqu’à la mer, par le sud. Bill
avait promis qu’il y avait un tout petit port de pêche, et que le jeune messager trouverait facilement
un marin honoré de le ramener en vitesse jusqu’au Comté des Fins Heureuses.
Le seul souci, une fois que tout fut parfaitement planifié, c’est que petit Sam, malgré de nombreuses
heures de recherche dans la forteresse et aux alentours, avait disparu.
Chapitre 5
Les vieux gâchés de la table ronde
Au bout de trois jours à retourner la poussière et les pierres de la forteresse d’Hashima, les
aventuriers durent se rendre à l’évidence, ils avaient perdu leur messager.
Richard était convaincu que le gamin avait été attrapé par un ogre et proposait déjà un nettoyage
systématique des montagnes pour venger sa mort, et Pierre Alain avait composé une triste musique
avec trois notes, une pour chaque lettre du prénom de leur petit protégé.
Ils avaient aménagé la salle au trésor disparu avec une grande table ronde et assis sur des bottes de
pailles, ils regardaient en silence le paysage désolé qui entrait par les fenêtres. Un bruit de ferraille
les fit tous sursauter. Bill remontait des cachots, cela faisait trois jours qu’il interrogeait les pirates,
en douceur, à la pirate, avec du feu et du fer.
Il resta debout devant ses compagnons d’aventure et grogna :
— Bon, j’en sais pas plus pour le petit, à part que les ogres y viennent plus traîner dans le coin à
cause des vampires… Il faut garder espoir ! Les vampires ne s’en prennent pas aux enfants, enfin
j’espère, et je suis sûr qu’il est toujours vivant. Par contre j’en ai appris un peu plus sur cette furie
qui se fait appeler Capitaine Poveglia. Elle a une mauvaise réputation même chez les pirates les plus
affreux. Cela fait trois fois qu’elle trahit son équipage. Les gars dans les cellules, ils se sont battus
comme des diables pour arriver jusqu’ici et elle a disparu avec le trésor en les laissant dans le jus
d’ogre jusqu’au cou. Ce ne sont pas de mauvais bougres, mais je les garderais bien en cellule pour
éviter qu’ils aillent grossir les rangs des autres équipages en colère qui rôdent dans le coin…. Judy,
tu m’as dit que tu connaissais « Mama Yaga » ? Je suis prêt à t’accompagner, si Sam est encore
vivant, elle pourra nous le dire.

Richard, j’ai appris que la reine du Comté de Nuit avait accosté dans la crique du Trépas avec le
Cygne noir, la galère royale… Tu pourrais aller lui expliquer la situation et la prévenir que nous
allons commettre quelques violences pour retrouver notre messager parmi les plus méprisables de
ses sujets ? Au passage, tu pourras lui demander de l’aide et quelques explications pour les archives
de la forteresse, si Pénélope veux bien t’accompagner.
Le vieux pirate, profitant que le chevalier tournait la tête pour se moucher, fit un gros clin d’œil à
l’assistance.
Maggie prit la parole :
— Nous n’avons pas le droit de renoncer, nous devons finir la mission et retrouver le petit ! Nom
d’un crapaud farci aux allumettes ! Avec Pierre Alain, nous allons aménager la forteresse et préparer
un bon petit feu d’artifice pour les pendards qui voudront nous déloger. Et quand vous reviendrez,
on sera fin prêt pour traverser « Le Comté de la Nuit » et changer en cendre et en charbon tous ceux
qui se mettront en travers de notre route. Foi de loup et de dragon, nous le retrouverons, notre
messager ! Pappillonus Aplodicus et Siflatus !
Une nuée de papillons apparut. Ils battaient des ailes à toute vitesse, et la salle s’emplit
d’applaudissements chaleureux. Enfin, les insectes magiques disparurent les uns après les autres en
sifflant comme des feux d’artifice. Le sortilège de Maggie n’était pas là que pour faire joli, chacun
sentit un peu de baume au cœur et chacun partit vers son destin sans attendre une seconde.
Bill et Judy cherchèrent un marécage assez grand pour faire venir l’horrible sorcière Mama Yaga.
Une fois dans la boue jusqu’aux genoux, ils passèrent la nuit à faire du feu et à verser de l’eau
dessus, histoire de faire beaucoup de vapeurs. Il fallait un beau brouillard, bien collant, et bien
épais.
À l’aube, alors qu’ils étaient à moitié endormis, appuyés contre le tronc tordu d’un vieux saule mort
depuis longtemps, ils entendirent comme des bruits de pas dans la vase, et surtout, des bruits de
succions et d’éclaboussures.
Une cabane en paille, montée sur d’immenses pattes de poulet, s’arrêta juste devant leur brasier à
moitié éteint. Une échelle en lianes, tressées d’ossements humains et de fleurs noirâtres, se déroula
jusqu’à eux. Judy l’attrapa, et malgré les rhumatismes qui raidissaient ses jambes et ses bras, il
grimpa assez vite. Bill le suivit. Escalader les cordes, il avait fait ça tout sa vie.
Quand ils entrèrent dans la cabane, il leur sembla qu’elle était plus grande à l’intérieur qu’à
l’extérieur, mais ils n’osèrent pas poser la question à la créature qui les regardait depuis son lit de
feuilles mortes. Mama Yaga était recouverte de cheveux emmêlés et de terre séchée. On ne voyait
que son visage qui grimaçait méchamment.
Elle se leva, les insulta, cracha parterre à plusieurs reprises, rit et pleura, les gifla trois fois du bout
des doigts. Puis, sans même leur avoir posé la moindre question elle les éjecta de sa cabane avec un
rire démoniaque et un bon coup de balai-vent de sourcils.
Les deux grands-pères se retrouvèrent dans la boue, à moitié assommés, et ils virent la cabane partir
à grandes enjambées dans la brume. La sorcière criait toujours, penchée sur eux depuis son perchoir
ambulant, plus elle s’éloignait et plus son cri leur sembla doux, presque une voix d’enfant qui leur
chuchotait :

— C’est le joueur de pipeau, ce croquemitaine raté qui garde votre petit Sam. Dépêchez-vous…
Dépêchez-vous…. Il prépare un terrible repas !
Judy, enjoué, déclara en se relevant :
— Quelle femme, je crois qu’elle n’était pas de très bonne humeur !
Bill reprit :
— Et dire qu’on m’avait dit qu’elle offrait des petits gâteaux. Il faut toujours se méfier de ce que les
gens racontent !
Sur la route du retour, tout en cherchant des renseignements sur ce fameux joueur de pipeau, ils
firent une mauvaise rencontre.
Ils étaient en train de fumer la pipe en marchant, le soleil couchant enflammait les nuages de mille
couleurs rosées et la route légèrement en descente leur donnait l’impression d’avoir des ailes. C’est
alors que, troublant ce moment de bonheur, un pirate couvert de tatouages et de peaux d’animaux
morts leur coupa la route en agitant son sabre dans tous les sens.
Il voulait détrousser nos deux héros, mais, pendant que Judy essayait d’expliquer au forban qu’il
risquait de gros ennuis s’il continuait dans cette voie, Bill, qui avait depuis longtemps perdu sa
patience et sa diplomatie, retroussa sa manche et tira avec la sarbacane à poudre qui s’y cachait. Le
geste fut rapide, presque instantané et le trublion tomba raide mort sur le sol, comme une mouche
qui ramasse un grand coup de battoir à linge. Bill remit sa sarbacane dans sa manche et continua la
discussion comme si de rien était. Judy s’esclaffa :
— Ah ! Franchement les pirates c’est plus ce que c’était.
Bill répliqua :
— Tu as vu un pirate quelque part toi ?
Ils arrivèrent à la Forteresse d’Hashima à peu près en même temps que Richard et Pénélope.
Maggie avait fait du bon boulot. Elle avait ensorcelé les pirates prisonniers et les avait fait travailler
dur. La ruine commençait à ressembler à une demeure agréable. Des fleurs avait été plantées un peu
partout et du bon bois brûlait dans la cheminée qui avait été réparée. Sur la table ronde, il y avait du
vin, des fruits brillants et des volailles fumantes.
Les voyageurs étaient affamés, ils ne purent raconter leur aventure qu’après avoir rempli leur
estomac. Richard était silencieux et sombre, Pénélope riait. C’est elle qui raconta leur rencontre
avec la Reine :
— Pour commencer les amis, je dois vous confier que Richard a encore fait du beau travail. La
souveraine en pinçait pour lui, au point que nous avons été obligés de nous jeter à l’eau pour rentrer
et vous raconter notre aventure. A moins que ce soit le contraire, que ce soit notre Richard qui soit
encore tombé amoureux. Croyez-moi, dans tous les cas, ce ne fut pas simple de rentrer… Un
véritable déchirement… Arrête de pleurer Richard ! A ton âge tout de même ! Bon ! Vous
comprenez, la souveraine, qu’on appelle aussi par ici la sinistre fée à cause de ses origines, est très
jolie malgré ses ailes en poils de chauve – souris et sa voix très grave. Je dois vous avouer que je
n’ai pas tout compris de ses histoires. Il faut dire qu’elle ricane pas mal, c’est peut-être ça qui la

rend sinistre. Je vais essayer de vous résumer la chose. Richard, tu me reprends si je me trompe…
Selon elle, la Forteresse d’Hashima n’a jamais gardé d’archives, c’était une sorte de camouflage !
En effet, qui de nos jour s’intéresse aux archives ? Quels bandits, quels pirates rêvent de voler du
parchemin ? En réalité la forteresse était surtout là pour cacher un morceau d’une terrible relique au
pouvoir dévastateur. Comme nous n’avons rien trouvé d’autre qu’une salle au trésor parfaitement
vide, j’ai bien peur que le Capitaine Poveglia s’en soit emparé pour faire de bien vilaines choses. La
reine nous a conseillés de nous allier avec le prince des vampires de la Lande, un certain Stanislas
qui possède l’autre moitié de la relique…
Bill lui coupa la parole avec vigueur :
— Moi je me fiche de cette capitaine pirate de pacotille ! Ce que je veux, c’est aller chercher Sam
avant qu’il ne soit assassiné par le joueur de pipeau. Sur la route, on a appris qu’il était juste à côté
de « notre » forteresse, dans un petit bastion à la frontière du territoire des vampires justement…
Maggie à son tour interrompit le vieux pirate exalté :
— A ce propos, j’ai envoyé Pierre Alain chez les vampires pour leur demander des renforts, je
savais qu’ils étaient en bons termes avec la reine, il devrait déjà être de retour !
Une voix chantante s’éleva dans le couloir :
Par mont et par vaux
Je vais et je viens
La peur dans le dos
Sans ami sans rien
Par mont et par vaux
Je vais et je viens
Traînant mes vieux os
Le long des chemins
Pierre Alain entra et s’assit avec ses collègues aventuriers, il enleva son chapeau, lissa la longue
plume blanche qui se balançait maintenant sous son nez et commença à parler :
— Les amis, vous allez être drôlement surpris, mais j’ai une information précieuse à vous
communiquer. Il semblerait, et c’est le Général des armées du Prince Stanislas qui me l’a confié,
que le petit Sam est en vie, il est détenu par…
Tout le monde le coupa en cœur :
— Le joueur de pipeau !
Pierre Alain était un peu vexé, il reprit cependant la parole :

— Le prince Stanislas est très déprimé depuis qu’il s’est fait détrousser par la capitaine Poveglia,
elle lui a volé…
Et tout le monde le coupa encore :
— La moitié d’une relique terrible !
Le barde soupira :
— Bon, je vois que les nouvelles vont vite, sachez que si les deux morceaux de cette relique sont
assemblés au bon endroit, au bon moment, et en suivant le rituel convenu, avec je crois le sacrifice
d’un enfant, si j’ai bien tout compris, le pacte entre la mort et le temps serait rompu… et l’auteur de
ce rituel hériterait d’un pouvoir très dangereux… Le monde risque de sombrer dans le chaos !
Maggie tapa sur la table et une pluie d’étincelles bleutées dégringola des poutres vermoulues du
plafond :
— Nom d’un crachat aux tentacules, c’est l’affaire du siècle, si on s’en sort, nos noms seront gravés
en lettres d’or au siège de la guilde des aventuriers… Je vous propose d’aller sauver le petit Sam et
le monde, que chacun se prépare à combattre jusqu’à la mort, la cause est juste et le vin est bon…

 

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