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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Erzemine, la fille aux allumettes 2

Cinq années avaient passées. Erzémine n’avait plus de nouvelle de son père mais l’ivrogne ne lui manquait pas. Elle était au service de la princesse Chrysanthème et même si le travail était dur, elle avait plus d’avantages que d’inconvénients. Un toit, un lit, une cheminée en hiver et trois copieux repas par jour. La princesse ne l’avait jamais rabaissée et la considérait même comme son amie : un mois environ après son arrivée, Erzémine avait sans  le vouloir cassé un vase précieux ; la princesse voyant son désarroi s’était dénoncée et avait été punie à sa place.

— Pourquoi mademoiselle ?

— Je ne veux pas que tu sois renvoyée. J’ai vu que tu avais peur. Moi je ne risquais qu’une punition.

— Merci mademoiselle vous êtes trop bonne.

— Mais non, voyons ma bonne c’est toi.

Les deux fillettes avaient ri aux éclats.

Ce matin-là était joyeux, c’était celui de Noël. Pourtant la princesse ne semblait pas décidée à ouvrir ses cadeaux et regardait par la fenêtre.

— Il n’est pas encore rentré

— Qui, mademoiselle ?

— Victor.

— Il est sans doute resté un peu avec monsieur Krampus. Nos cadeaux sont là.

— Oui mais pas lui et j’ai déjà eu mon cadeau. Je le vois tous les matins en me réveillant.

— Mademoiselle c’est qu’une simple fleur

— Non c’est ton amitié et ton temps alors que tu en as peu. Prépare ma cape, je vais aller au palais de cristal.

— Mais mademoiselle, vous serez punie.

— Punie par Victor. Je devrais survivre.

— Je pensais au plus vieux Victor et je risque la colère de votre mère aussi.

— On sera rentré pour le déjeuner. Ne t’inquiète pas.

 

 

Justement si, Erzemine était inquiète. Le précepteur de la princesse était un croque mitaine particulier, créé par la reine des cauchemars avec son dernier souvenir heureux. Il était persuadé que le but des croque mitaines était d’apporter des cadeaux aux enfants. Quand il punissait les plus vilains avec de somptueux cadeaux, cela faisait désordre. Voyant que sa fille l’avait affublé d’un prénom et comme elle-même ne le supportait plus, la reine des cauchemars l’avait envoyé au palais comme précepteur auprès de sa fille. Il avait demandé un jour de congé par an, le soir de Noël. A l’idée même qu’un serviteur puisse demander un jour de congé la reine avait failli s’étrangler mais la princesse le lui avait accordé. Si le père Noël s’occupait du monde des hommes, pour celui des contes, c’était son frère Victor Krampus qui s’occupait de la tournée. C’était d’ailleurs un jour où la princesse avait reçu de son précepteur une maison de poupée en guise de punition qu’elle avait décidé de lui donner Victor comme Vérinom. Cela avait eu pour effet de lui donner une véritable existence et de le protéger des sortilèges de la Reine.

La princesse avait quitté le château, suivie par sa servante inquiète. Cette dernière n’aimait pas être punie mais surtout n’aimait pas que sa maîtresse le soit. Celle-ci se tenait devant une impasse, la montagne bloquant sa progression.

— Mademoiselle, vous vous êtes trompée de chemin.

— Mais non, Regarde. Safran, ouvre-toi !

Une porte s’ouvrit dans le rocher. La princesse fit signe à Erzemine de la suivre. La jeune servante n’était pas rassurée mais elle passa la mystérieuse porte.

Les deux filles arrivèrent dans un jardin magnifique.

— Il nous faut trouver le berger, déclara la princesse. Mais ici attention, ne caresse aucun animal. Nous sommes au havre arc en ciel c’est leur refuge le plus sacré.

— Bien Mademoiselle.

Elles ne trouvèrent pas le berger, qui les trouva. L’enfant, vêtu de simples peaux animales, tournait autour d’Erzemine, en une parade visant à montrer sa force tout en reniflant l’étrangère :

— La fille des fées a emmené une humaine. C’est dangereux, très dangereux

— Je lui ai expliqué les règles. C’est ma suivante, ma plus grande amie.

— Celle avec qui tu as dansé devant tous les garçons ? Celle de la fleur ?

— Oui c’est elle.

— Mademoiselle, qui est cette personne ?

— C’est Jack, le berger des licornes. C’est grâce à lui que ta fleur ne fanera jamais.

— Pas jamais, Mademoiselle, siffla Jack, elle fanera à la vitesse de Jack. Je grandis aussi mais je mets très longtemps.

— Tu es seul ici ? demanda Erzemine.

— Oui, le seigneur Bang a vu Jack presque mourir mais il a voulu sauver Jack qui avait pris un coup de couteau pour protéger un jeune garçon bossu. Il a demandé à Big de ralentir le temps. Si Jack sort d’ici, Jack lui mort.

— Ici nous allons marcher jusqu’au portail près du château de glace, cela sera aussi long qu’en vrai mais pour l’extérieur, il ne se sera écoulé que quelques minutes.

— Normalement c’est interdit, mais je laisse la jolie fleur le faire. Pas touche aux licornes par contre. Sinon Big très fâché. Vous, pas aller près du moulin non plus. Jack n’a pas le droit d’y rentrer. Très interdit.

— Jack, la route est longue, tu peux nous accompagner si tu veux.

— Non moi devoir m’occuper licornes. Jolie fleur pas aimer garçons, aimer filles comme elle alors.

Devant le regard étonné d’Erzemine, la princesse se mit à rougir.

Les deux jeunes filles reprirent leur route. L’endroit était idyllique. Erzémine vit au loin un troupeau de licornes. Trois mâles se détachèrent du groupe pour saluer les intruses. Erzémine vivait un rêve, elle en oubliait presque son inquiétude et la mission qui les avait menées là. Arrivé près d’un panneau portant le dessin du palais de Noël et Victor Chrysanthème prit une poignée dans le vide et ouvrit la porte.

Les deux filles arrivèrent devant l’immense château et la servante frappa à la porte.

Un lutin leur ouvrit :

— La princesse Chrysanthème, fille des fées et héritière du monde des cauchemars, future souveraine des fins heureuses vient voir Victor Krampus, seigneur des croque mitaines et grand distributeur de présents du royaume, récita Erzémine.

— C’est pas le bon jour, gronda le lutin. Mes deux maîtres rentrent de la tournée ils se reposent, revenez au printemps.

— Certainement pas ! S’emporta la princesse. Ombre n’est pas rentré. Je dois parler à Krampus. Une armée de Croque-mitaines ne m’arrêterait pas.

Erzemine sentait venir les ennuis

— Ici il n’y a que les lutins de l’atelier et là ils dorment. Espérons pour votre postérieur que le maitre ait envie de vous voir.

Le maitre était réveillé.

— Erzemine, as-tu aimé mon cadeau cette année ?

— Désolée, mais j’ai dû suivre ma maitresse en urgence. Nos cadeaux sont encore sous le sapin.

— Une mission urgente au point de ne pas ouvrir vos cadeaux ?

— Et de risquer votre colère pour avoir hurlé sur le portier, déclara le lutin. Vous devriez lui sonner les cloches.

— En effet, mais avant qu’elle est cette urgence ?

— Ombre n’est pas rentré, répondit la princesse.

— Je disais qu’il était resté chez vous

— Non je l’ai déposé à l’entrée du palais ce matin après avoir fini la tournée. On a terminé par votre sapin d’ailleurs. Il était excité car il vous avait préparé une immense surprise.

— Qu’est-ce qu’il a encore fait ?

— Il a fait preuve d’amour pour vous comme toujours.

— Je vous prie de m’excuser pour mon intrusion, déclara Chrysanthème en s’inclinant devant Krampus.

Elle se présenta ensuite devant le lutin :

— Je vous demande pardon également, maître portier. Vous pouvez me sonner les cloches.

— Cela ira pour cette fois, marmonna le lutin confus en la congédiant d’un signe de la main.

 

Les deux jeunes filles prirent le chemin du retour mais le monde de Jack n’était plus si joyeux. Quelque chose n’allait pas. Il avait dû arriver malheur à Jack.

Erzémine et la princesse se précipitèrent à la recherche du berger. À l’approche du moulin, elles étaient trempées jusqu’aux os. Une porte s’ouvrit toute seule. Il y avait un feu dans la cheminée, un porte-serviette posé devant un paravent. Deux chemises de nuit posées sur une chaise, et un lit. Sur une petite table il y avait un repas pour deux personnes. Les jeunes filles se changèrent laissant leurs vêtements sécher puis prirent leur repas. Ensuite elles s’endormirent dans la chaleur de l’une et de l’autre. Au matin un petit déjeuner avait été préparé pour elles par le maître des lieux. Un mot disait « montez me voir »

Les deux filles voulaient rentrer chez elles rapidement mais il pleuvait encore et il fallait aussi remercier leur hôte. Elles montèrent donc à l’étage.

Là se trouvait un enfant vêtu comme un prince avec une dizaine de montres sur lui. Devant lui, la roue du moulin, qui tournait, était divisée en quatre parties. Chacune représentait une saison.

— Vous avez bien dormi ?

— Oui merci. Où sommes-nous ?

— Nulle part ou partout je ne sais plus.

— Pourquoi pleut-il ?

— Cet endroit est relié au cœur de Jack et il a compris que tu ne l’aimerais jamais.

— Il est comme un frère pour moi.

— Ce n’est pas de cet amour qu’il veut. En voyant Erzémine, en qui tu as assez confiance pour l’amener ici, et quels seront tes sentiments futurs, il a compris son malheur.

— Je pourrais lui parler, lui dire que…

— Le mensonge est un impardonnable, mademoiselle.

— Nous devons rentrer chez nous, ou nous seront grondées, déclara Erzemine

— Je peux vous aider. Vous allez poser vos mains sur la roue. Je la tournerai à l’envers et vous vous retrouverez ce matin, au palais, mais vos souvenirs resteront intacts. Les adolescentes posèrent les mains sur la roue du moulin. L’enfant étrange actionna plusieurs de ses montres et un levier. Les filles fermèrent les yeux. Quand elles les rouvrirent elles étaient dans la cour du palais au matin de leur départ.

Elles remontèrent dans les appartements de la princesse pour voir Victor posé une enveloppe sous le sapin. Il les regarda confus :

— Vous rentrez trop tôt ! Mon cadeau est loupé.

— Rassures toi mon bon Victor, ce fut une sacrée aventure de partir à ta recherche.

Victor regarda la princesse sans comprendre. Il partit perplexe laissant rire les deux jeunes filles.

Elles ouvrirent enfin leur cadeau. Deux peignes, l’un en argent avec un C, l’autre en fer avec un E. Les deux filles se regardèrent et échangèrent leur peigne. Chrysanthème embrassa sa servante qui, surprise, rougit.

Le soir alors qu’elle était couchée, elle relut le texte de Victor

« Voici mon cadeau : une belle aventure à la recherche de l’amour. »

L’amour, Chrysanthème l’avait trouvé, mais peut-être pas où Victor le pensait.

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