Ambre fin
Ambre avait du mal à dormir. Le souvenir de sa punition lui faisait encore mal mais c’était surtout
l’inquiétude du sort de la jeune Morgann. Elle pouvait retourner dans le monde des deux Comtés
mais elle voulait avoir un plan. Il faudrait qu’elle affronte Emrys, Mama Yaga et la terrible fée avant
de partir délivrer Morgann. Être une méchante sorcière était grisant, elle qui était toujours embêtée à
l’école, moquée pour ses lunettes ou juste parce qu’elle était une fille. Mais Emrys avait été blessé
par sa dernière blague et finalement elle n’était pas différente de ses harceleurs. Morgann souffrait
encore de son manque d’amitié alors que la jeune sorcière avait tout fait pour l’aider. C’est comme
son premier sortilège, celui qui lui avait valu des applaudissements du professeur et de la classe.
Elle avait changé un jeune garçon en troll. Le pauvre était resté trois jours en pleurs sous un pont
avant de rentrer chez lui une fois redevenu normal. Elle profita de la venue du maître conteur pour
lui demander conseil. Elle lui raconta toute l’histoire.
“Pour tes harceleurs, parles-en à tes parents et à ton institutrice. Pour Morgann, va voir l’archiviste,
il t’aidera. Roi pourrait t’être utile aussi et Khèty.
— La mère sorcière, la petite fille de Mama. J’ai un peu peur de sa réaction.
— Elle a été une petite fille comme toi. Et je pense que son mari a voulu te montrer le sort de
Morgann. Ce seront deux alliés de poids.
— Merci Tom.
— De rien et bonne chance pour ton aventure.
Ambre remercia le barde conteur et partit au grenier.
Elle se retrouva dans la chambre des deuxièmes années à l’école de sorcellerie. Tout le monde
dormait. Elle savait qu’elle risquait gros mais elle devait partir au plus vite pour le château des fins
heureuses et n’avait pas le temps d’en demander la permission. Si elle était prise tant pis, elle
assumerait. Elle s’habilla rapidement et quitta le château des cauchemars où se trouvait l’école pour
se diriger vers la route de briques jaunes qui la mènerait au palais des fins heureuses à l’autre bout.
Le début du trajet se fit sans encombre mais Ambre ne fit pas attention aux ombres et en passant à
travers l’allée des gargouilles, elle fut plaquée contre un homme qui lui mit la main à la bouche.
— Une jeune sorcière ne devrait pas se promener ainsi la nuit. Surtout sans faire attention aux
spectres pourpres. Ils surveillent l’usine à cauchemars mais aussi le palais. De plus nos amies de
pierre sont les yeux de sa majesté.
L’homme enleva sa main et Ambre tourna la tête pour voir qu’elle était prisonnière du Chasseur, le
terrible vampire
— Vous allez prévenir C. et me reconduire à l’école ?
— Je devrais, mais vois-tu, si je veux gagner ma rédemption, je dois faire le bien. Si ta raison est
juste, il se pourrait que je t’aide.
— C’est un peu long à raconter.
— Nous avons toute la nuit.
— En résumé, à cause de moi, une jeune sorcière est devenue l’esclave d’une faiseuse de potions
des marais. Je dois aller voir l’archiviste pour pouvoir la sauver des griffes de la sorcière.
— Je vois. Je vais t’emmener voir le gardien de l’équilibre. Toi aussi tu as ta rédemption à gagner.
Le chasseur fit monter la jeune fille sur son cheval noir. Il prit la direction du pont du troll au galop.
Arrivé devant l’immense pont il ralentit. Ambre ressentit son inquiétude. Le chasseur tremblait.
Une fois le pont passé, il souffla de soulagement.
— Tu avais peur de passer un simple pont.
— Ce pont est enchanté. Toute créature avec de mauvaises intentions ne peut le traverser sans être
envoyé au Néant.
— Tu avais peur de passer le pont après tout ce que tu as fait.
— Non, j’avais peur pour toi. Hâtons-nous, il faut que nous soyons au palais avant l’aube.
Le chasseur, sans laisser à Ambre le temps de se remettre de ses émotions ou de lui répondre,
repartit au galop. Ils traversèrent un Comté des fins heureuses de nuit calme et vide. Seules
quelques fées qui déposaient la rosée sur les fleurs les saluèrent à leur passage.
Arrivé au palais, Chasseur avisa le chambellan et lui demanda si une entrevue urgente était possible
avec sa majesté. Ouf en comprit l’urgence et les introduisit dans le cabinet d’attente. Ambre vit les
tableaux qui présentaient tous les princes des Comtés de la nuit depuis Big le créateur du Comté et
la lignée des Roi conteur. Elle en reconnut un qui devait se trouver dans son salon à discuter avec
ses parents à l’heure qui l’était. Au bout d’une vingtaine de minutes, ils furent reçus par le roi et
l’archiviste. Ambre dû raconter une nouvelle fois son histoire. Les deux hommes la regardèrent
stupéfaits. La jeune fille regardait ses pieds attendant une sentence ou des remontrances. Elle
supporterait tout mais il fallait rapidement sauver Morgann.
— Emrys nous avait déjà exposé votre cas. Nous vous donnerons un charme pour emprisonner la
sorcière si et seulement si elle se rebelle. Nous vous envoyons chez Mère sorcière, elle seule peut
vous aider. J’espère qu’à l’avenir toute sorcière que vous êtes, ce genre de farce ne sera plus votre
préoccupation.
— Oui votre majesté.
Ambre aurait voulu savoir pourquoi un être aussi puissant que l’archiviste avait besoin de l’aval de
la mère sorcière pour libérer une esclave mais contrite, elle n’osa poser la question. Elle prit la fiole
et en un instant elle et Chasseur ainsi que sa monture se retrouvèrent devant la hutte de mère
sorcière. Ambre avait un peu d’appréhension.
Khèty était dans les bras de Loukhi son époux, à son ventre on voyait qu’elle attendait un heureux
événement.
— Voilà donc notre sorcière au cœur noir.
— Oui majesté.
— Ma grand-mère a même avoué qu’elle se trouvait moins vilaine que toi quand elle est en sorcière
et c’est peu dire. Sais-tu pourquoi ?
— Non votre majesté, répondit Ambre au bord des larmes.
— Nous sommes méchantes par nature mais jamais une sorcière ne doit s’attaquer à une sorcière
sans défense. J’espère que tu comprendras la leçon.
— Oui votre majesté.
Khèty sembla réfléchir un instant.
Ambre sentit une goutte de sueur couler sur sa joue.
— Tu seras bannie des royaumes pendant une période d’un an. Interdiction de venir pour une
aventure. Les aventures des deux Comtés te seront interdites.
Pendant un an, Ambre ne pourra connaître la suite de ses personnages favoris. La punition était rude
mais elle acceptait.
— De plus tu vas devoir affronter l’une de nos pires sorcières. Tu vas avoir la protection de la
flamme noire.
Une des servantes alluma une bougie violette qui donna une flamme noire
— Pose ta main droite sur la flamme et tu ne devras l’enlever que quand je te le dirai.
Ambre avec précaution mit sa main au-dessus de la flamme. La servante la mit à la bonne hauteur.
Au début Ambre ne ressentit aucune douleur puis une petite chaleur arriva et enfin au bout d’un
moment une brûlure, mais pas une brûlure soudaine qui fait que l’on enlève sa main par réflexe. La
flamme noire attaquait la paume de la main petit à petit. Plus personne n’osait faire de bruit. Ambre
entendait sa propre respiration. Au bout de cinq minutes qui semblèrent une éternité à la jeune fille,
la mère sorcière lui indiqua de retirer sa main. Sa paume serait à jamais marqué du sceau de la
flamme noire. L’équipe sortit et tout le monde se dirigea vers la maison de la faiseuse de potions.
Arrivés là, ils découvrirent la porte ouverte et Morgann qui passait le balai.
— Ta maîtresse n’est pas là ?
— Non mère sorcière.
— Nous venons te libérer, tu pars avec nous.
— Bien, mère sorcière.
Khèty invita Ambre à détacher son amie. La jeune fille se pencha devant Morgann et vit sa cheville
blanche. Elle eut un moment d’hésitation. Elle entendit un chat miauler et se retourna. Dans une
cage sur une étagère se trouvait un chaton roux.
— Il va me falloir un couteau, c’est très serré.
Discrètement, elle prit dans sa poche la fiole de l’archiviste et commença son incantation. Les traits
du visage de Morgann se figèrent devant les témoins stupéfaits. Elle essaya de lancer un sortilège
mais ne put y arriver, elle finit enfermée dans la fiole.
— Ambre qu’est-ce que cette nouvelle folie ?
— Aucune folie Mère sorcière. Morgann est derrière vous.
— II n’y a qu’un chaton.
— C’est elle. Je viens d’enfermer la sorcière dans la fiole de l’archiviste.
— Comment ? Personne ne peut me mentir ?
— J’ai vu sa cheville quand Loukhi m’a amené ici la première fois, la cheville était enflée, là elle
était lisse et belle. Elle ne vous a pas menti, à aucun moment nous ne lui avons demandé si elle était
bien Morgann.
— Je vois, tu feras une grande sorcière. J’espère que Tirasline sera aussi sage que toi.
Khèty redonna son apparence à Morgann qui sauta au cou de son amie.
Chasseur prit la jeune fille encore blessée et amoindrie par des mois d’esclavage sur son cheval.
Elle fut portée à l’académie. Il restait une dernière tâche à Ambre avant de se réveiller, affronter la
terrible fée et son châtiment pour faire réintégrer Morgann. C. fut émue par le récit de la jeune fille
et décida que l’épreuve valait bien punition. Morgann serait réintégrée en première année où il
restait quelques places. Charge à elle de faire des efforts pour mériter de passer en deuxième année.
Ambre espérait que Tirasline pourrait l’aider. Avant de repartir elle écrivit un parchemin à celle
dont, par trois fois, elle avait emprunté le corps. Elle se réveilla heureuse même si elle allait devoir
attendre un an avant de savoir ce qu’il adviendrait de ses deux amies.