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Les univers des deux comtés Des contes gratuits pour petits et grands

Alexandre le tout malin fin

       

    Le soir venu, Alexandre et son Maître étaient à table. Le Maître avait beaucoup travaillé. Alors un  bon repas aurait été très apprécié.

— Je n’ose demander ce que nous mangeons, dit-il.

— Ça, Maître, c’est une idée à moi. C’est un mélange de légumes en purée. Vous avez vu le joli mélange de couleurs ?

— En tout cas, ce n’est pas mauvais.

— Merci Maître. Ça c’est bien passé votre journée ? Moi j’ai croisé un monsieur avec une bouteille à la main après le marché qui était assis sous la branche que je voulais prendre.

— Alexandre, on va dire que ma journée a été plus simple que la tienne.

— Mais j’ai appris beaucoup de choses. Les arbres ont de la mémoire ; on peut faire des couleurs plus grandes que les perles d’un rideau de perles en écrasant un panier ; y’a des gens qui boivent des bouteilles mais qui ne sont pas là ; …

— Très bien, Alexandre. A demain.

— A demain, Maître.

Alexandre se retrouva seul dans la cuisine pour tout ranger.

— Laver le sol c’est important car s’il est sale, il salit les pieds.

Mais en lavant le sol, Alexandre eut une révélation.

— Ho ! Ça alors ! Il y a une bougie dans la flaque d’eau du sol par terre !

En effet, il remarqua que la flaque d’eau sur le sol, reflétait la lumière de la bougie posée sur la table. Oui, pour lui, c’était une sorte de révélation.

— C’est vraiment très joli mais en plus, ça me donne une idée car je suis très très malin !

 

    Il est vrai qu’Alexandre venait d’avoir une super idée. Une de plus pour la grande fête du village où il voulait faire un cadeau à tous.

Le lendemain, Alexandre fut très attentif au cours donné par le Maître. Il débutait dans le maniement de sa baguette mais cela lui convenait.

— Regardez, Maître ! J’arrive à faire des couleurs avec la baguette !

— Très bien Alexandre, mais attention, contrôle bien, reste concentré !

— Regardez, c’est comme quand je fais des bulles dans le bain !

— Attention, Alexandre, reste concentré je te dis !

— J’arrive à faire plusieurs couleurs en même temps !

— Voilà, c’est de la multiplication, on est dessus depuis deux heures.

— C’est génial Maître !

La séance prit fin. Le maître était un peu fatigué car il avait dû contrôler l’enthousiasme d’Alexandre et ce dernier était encore tout excité.

— C’est merveilleux Maître ! J’ai réussi à faire des couleurs, comme vous !

— Oui, mais tu sais, ce ne sont pas vraiment des couleurs. C’est de l’énergie que l’on dirige et qui la rend alors plus dense, ce qui lui permet d’être visible par…

— Oui mais moi les couleurs ça me suffit, car pour la fête je vais en faire des jolies pour les gens.

Mais le maître ne répondit pas. Il s’était installé dans son grand fauteuil depuis la fin de la séance. Il avait fermé les yeux et le sommeil le gagnait déjà.

— Oh, mais je vois que vous avez sommeil, Maître. Je ne vais pas vous déranger plus longtemps.

   Alexandre prit une couverture dans le placard et en recouvrit les genoux du maître. Puis il sorti de la pièce en fermant délicatement la porte.

 

    En sentant Alexandre poser la couverture sur ses genoux, le Maître s’était dit qu’il avait malgré tout

un bon fond. En fait, Alexandre n’était pas méchant, il était simplement très vif et plein d’enthousiasme. Son côté simple faisait qu’il ne comprenait pas toujours tout, ou qu’il ne réfléchissait par comme les autres. Il était avant tout quelqu’un de gentil envers tous les autres gens différents de lui. La preuve la plus flagrante était qu’Alexandre parlait depuis des jours de faire une surprise à tous durant la fête. Vraiment un bon garçon, cet Alexandre. Hé, mais ? Une minute ! Alexandre n’a-t-il pas dit qu’il voulait « faire de jolies couleurs pour les gens » ? Mais ça pourrait être dangereux !

Le Maître n’eut pas besoin de plus pour se réveiller d’un coup sec ! L’idée qu’il venait d’avoir lui faisait l’effet d’une douche froide car Alexandre risquait de faire une bêtise en voulant faire une surprise. Mais où était-il ?

En deux minutes, le Maître se rendit compte qu’Alexandre avait quitté la demeure. Que pouvait-il bien se passer ? De « rien de grave » à « pire que tout », il y a tellement de possibilités. Le Maître ne pouvait pas laisser Alexandre faire une bêtise. Il prit son manteau, ses grosses bottes, une écharpe et sortit en direction le village.

 

    Dans le village, le soir était déjà tombé. Les gens commençaient à se rassembler doucement dans les rues. Ils y avaient des décorations, des bougies : le décor idéal pour une douce soirée. Mais pas de trace d’Alexandre. Le Maître était un peu inquiet. Il se mit à déambuler dans les rues, scrutant le moindre détail. Mais rien. Un homme se plaignait en regardant son verre:

— Mais c’est quoi, ça ? Voilà que je ne peux plus boire mon verre ? L’eau est toute gelée dedans ! Et en plus ce n’était même pas de l’eau ! Quel froid de canard !

L’homme avait raison, le froid pinçait très fort. Mais les gens semblaient s’en accommoder, heureux de se retrouver ensemble dans la rue. Quelques petits feux brulaient de çà et là, histoire de permettre à tout un chacun de se réchauffer. Quelques rires commençaient à émerger des conversations. Vraiment c’était une belle soirée qui commençait. Mais pas d’Alexandre ! Non, vraiment c’était inquiétant.

— Allez-y ! Amenez-le !

        C’était la voix d’Alexandre ! Enfin ! Mais où était-il ?

— Tirez plus fort !

La foule se poussait au son de cette voix. Visiblement, quelque chose de grand approchait.

— Voilà ! Plantez-le là, je vais chercher le reste !

Le maître se fraya un chemin parmi la foule. C’était Alexandre, il en était sûr. Mais de quoi avait-il donc parlé ? En trois minutes, le maître se retrouva devant un arbre qui n’était pas là peu de temps auparavant. Un arbre qui était resté vert en ce temps de neiges. Un sapin. Soudain, la voix d’Alexandre se fit entendre à nouveau :

— Attention, j’arrive avec les seaux d’eau !

En effet, Alexandre arriva avec les seaux d’eau et deux autres personnages que le maitre ne connaissait pas.

— Aristide, Arsène, suivez-moi !

— Ralentit Alexandre ! On n’arrive pas à suivre !

— Mais dépêchez-vous ! Les gens sont déjà là !

— Alexandre, j’ai les courses et les paniers.

— Super ! Les gens vont être heureux.

Il est vrai que les gens étaient étonnés de voir tous ces paniers remplis de nourriture. Certains commençaient à dire que c’était une bonne idée et que, malgré l’heure tardive, un petit en-cas ne serait pas de refus. Le maître finit par rejoindre Alexandre.

— Ho, Maître, vous êtes venus ?

— Oui, Alexandre. Je voulais vérifier que tu ne faisais pas de bêtise avec ta baguette, parce que…

— Ho mais c’est gentil, ça ! Mais ne vous inquiétez pas, tout va bien. On a tout apporté pour les gens. Ils vont être très contents et… Mais, Aristide ! Qu’est-ce que tu fais ?

— Alexandre, aide-moi ! C’est trop lourd !

— Mais Aristide, tu ne peux pas transporter tous ces seaux d’eau en même temps ! Si jamais ne tu laisses tomber de l’eau…

Mais c’était trop tard. Aristide avait laissé tomber un de ses six seaux (pas facile à dire !) et l’eau qui s’était déversée gelait déjà.

— Hou la la ! dit Alexandre. C’est froid et ça glisse ! Attention messieurs-dames, ne marchez pas par là parce que…

Mais là encore, c’était trop tard. En en rien de temps, tous les passants se mirent à glisser, soit sur place, soit en ligne droite horizontale (pour les plus habiles) soit verticalement vers le bas avec réception sur les fesses. Les plus drôles étaient ceux qui essayaient de se rattraper à un muret, ou pire, un ami. Les uns entrainant les autres dans leur glissade ou leur chute, le calme de la soirée avait laissé sa place à des cris d’affolement.

— Attention ! criait Alexandre. Mais ne glissez pas vers moi, j’ai une baguette !!

Mais courir sur de la glace pour éviter les autres glisseurs n’était pas chose facile. Beaucoup de gens en furent témoins ce soir-là.

— Aïe ! Mais arrêtez de me foncer dessus ! Aristide, Arsène, aidez-moi !

— Je ne peux pas ! répondit Aristide. Tout le monde glisse partout.

— Avec toute la place qu’il y a sur la place ; franchement !! Rétorqua Alexandre.

        Et c’était vrai que tout le monde glissait sur l’eau gelée qui recouvrait la place. Il faut l’avouer : il y avait plus de gens qui glissaient que de gens qui tombaient. L’excitation changea les cris en rires nerveux. Peu à peu, tout le monde jugèrent la situation cocasse et arrivèrent à trouver un certain équilibre sur leurs jambes.

— Aristide, Arsène ! On s’occupe des paniers de nourriture !

Aux mots d’Alexandre, l’assistance se réjouit. Après tant d’émotions et de glissades, chacun fut heureux à l’idée de prendre une petite collation et les regards se tournèrent vers les paniers remplis de victuailles.

— Maintenant !

Et là, ce fut terrible. Alexandre, Aristide et Arsène se jetèrent littéralement sur les paniers garnis pour les écraser. Les gens, surpris, lâchèrent des cris de déception devant cette nourriture étalée sur le sol vitreux.

— Mais que fais-tu Alexandre ? dit le Maître.

— Ne vous en faites pas Maître, je contrôle la situation. Regardez les jolies couleurs qu’on a fait sur le sol. Avec toute l’eau qu’on a amené dans des seaux, on va refléter les jolies couleurs pour les multiplier et l’arbre vert qui est là va tout garder en mémoire.

— Mais Alexandre, comment vas-tu…?

— Et regardez bien : on l’a déplacé, l’arbre, mais avec ses racines ! On l’a planté ! Franchement, planter une plante déplantée c’est vraiment branché ! Ha ha ! Vous avez compris ?

Alexandre sorti sa baguette.

— Faire de la magie avec tous ces passants qui passent en passant par là, ça coule de source que ça ne coule pas tout seul !

— Alexandre, dit le Maître, sois prudent. Que vas-tu faire ?

— En tout cas, ce soir, je n’ai pas besoin d’être un bon sourcier pour trouver de l’eau. J’en ai des seaux pleins !

Mais la voix d’Aristide ses fit entendre.

— Alexandre ! J’ai trouvé l’astuce pour ne pas glisser ! Il faut sauter sur la glace !

— Mais tu es bien sot de faire des sauts autour des seaux ! tu vas tout renverser. Et là attention aux paniers écrasés !

Depuis tout alla très vite. Aristide sauta sur les paniers sur lesquels il glissa, faisant tomber les derniers seaux d’eau pendant qu’il s’étalait dans les légumes écrasés.

— C’est dingue ! J’ai même vu des légumes sauter !

Alexandre prit sa baguette et tenta un sort.

— Je vais vite multiplier les couleurs avant que tu ne gâches tout, Aristide !

— Non Alexandre ! s’écria le Maître. L’eau va réagir en créant des explosions !

Alexandre lança son sort de couleurs et de multiplication sur les paniers et les légumes écrasés. Mais l’eau se mêla aux aliments et tout explosa. Le Maître n’eut que le temps de lancer un sort de protection et de dispersion. En deux secondes à peine, les légumes furent projetés de partout, notamment sur le sapin qui ne bronchait pas. L’eau gela très vite les projections colorées. Le sort du Maître avait permis d’envoyer le gros des explosions loin dans la nuit.

   Sur la place, tout le monde s’était retrouvé à plat ventre par réaction au bruit des explosions.

— Regardez ! dit Alexandre.

Les regards se tournèrent vers… le spectacle. Le sapin était recouvert de boules glacées multicolores qui brillaient dans la nuit. Les gens furent d’abord muets de surprise puis admiratifs devant la beauté singulière de cet arbre.

— C’est comme un rideau de perle mais en plus grand ! dit Alexandre. Merci pour votre coup de main, Maître. Vous voyez, on a réussi à offrir aux gens des couleurs qui volent de partout et qui vont rester dans la mémoire de l’arbre.

    Autour du sapin, les gens se rassemblèrent pour observer de plus près, dans un premier temps, puis pour se tenir chaud, les uns contre les autres. Il n’en fallut pas plus pour qu’une chanson se fasse entendre, reprise en chœur par les gens heureux d’être réunis devant cet arbre vert multicolore.

— Merci de votre aide, Maître.

— De rien Alexandre. J’ai eu peur que tu fasses une bêtise et j’ai eu raison de venir. Mais j’ai eu aussi raison sur un autre point : tu es un gentil garçon, Alexandre.

— J’ai quand même un regret, c’est qu’il n’y ait pas plus de monde à cette petite fête.

— Pas d’inquiétude, Alexandre. Avec les projections de nourritures glacées dans la nuit, tout à l’heure, il est fort à parier que d’autres sapins ont été décorés peu partout, ce soir.

— Même chez les trolls ?

— Mais oui, même chez les trolls.

— Même chez les nains ?

— Oui, Alexandre, même chez les nains.

— Même chez vous Maître ? Parce que comme il n’y a pas d’arbre vert chez vous, il est fort à parier que rien n’a freiné la chute de boules glacées.

— Alexandre !

 

 

   Autour du feu de camp, il y avait des sourires. Des regards se dirigèrent vers le vieux conteur et son jeune ami. Personne n’était dupe : les deux voyageurs étaient les protagonistes de l’histoire, tellement le conteur avait vécu cet instant avec délectation.

Le vieil homme se tourna vers le jeune garçon.

— Ça vous a plu, Maître ?

— Oui. Merci, Alexandre.

 

 

© Laurent Combaz CC l’ivre d’histoires

       

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